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D'où venons-nous? - Marc Angenot

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n’a pas d’autre chemin, car <strong>nous</strong> sommes déjà dans l’après-socialisme», exposait<br />

Touraine.<br />

Si la gauche était diagnostiquée mourante ou comateuse, c’est que son<br />

séculaire cheval de bataille, la question sociale, le «social» s’était évanoui. La fin du<br />

social, 13 titrait Jean Baudrillard dans un bref essai, crépusculairement primesautier<br />

à son accoutumée, Baudrillard qui, dans Les stratégies fatales 14 montrait aussi la<br />

perte de crédibilité du paradigme progressiste moderne, celui qui s’était défini de<br />

Condorcet à Marx, celui qui s’appuyait sur le Sens de l’histoire et que je vais tenter<br />

de reconstituer dans ce livre. Disparitions concomitantes des Sujets de l’histoire<br />

et des Mandats historiques: les passives «majorités silencieuses» avaient remplacé<br />

les bruyants prolétariats revendicateurs. «La majorité silencieuse: tous les<br />

systèmes actuels fonctionnent sur cette entité nébuleuse, dont l’existence n’est<br />

plus que statistique, dont le seul mode d’apparition est le sondage. Les masses qui<br />

la constituent ne sont bonnes conductrices ni du politique, ni du social, ni du sens<br />

en général. Tout les traverse, tout les aimante, mais s’y diffuse sans laisser de<br />

traces.»<br />

’ Perversion de la démocratie<br />

Du temps où il y avait un Ennemi totalitaire à l’horizon, Jean-François Revel dans<br />

Comment les démocraties finissent avait prophétisé que la défaite de la démocratie<br />

occidentale viendrait de ses faiblesses complaisantes à l’égard du prétendu camp<br />

socialiste. Ce camp a implosé en une nuit, mais les ennemis de la démocratie sont,<br />

à ce qu’il paraît, restés à l’intérieur du système et depuis, ils prolifèrent: ils<br />

s’appellent la «dépolitisation», la «politique-spectacle», la «politique-sondages».<br />

Jean-Marie Guéhenno a synthétisé ces craintes d’auto-perversion en titrant tout<br />

uniment un essai La Fin de la démocratie. 15 On ne compte pas les livres qui<br />

décrivent la victoire, en Amérique du Nord et en Europe, de cette politiquespectacle,<br />

l’hégémonie de bovines opinions publiques réclamant «du pain et des<br />

jeux» et le triomphe des professionnels de la manipulation médiatique. C’est à ce<br />

triomphe inéluctable que conclut encore Jean Baudrillard dans un autre opuscule<br />

nécrologique, décidément, sur les illusions démocratiques et progressistes, La<br />

Gauche divine.<br />

Pascal Bruckner se laisse aller à parler aussi d’une «sortie de l’histoire» dans<br />

La mélancolie démocratique, mais il cherche au moins à comprendre ce qu’il<br />

nomme la «victoire-fardeau» de la démocratie et ce qui interdit à plus d’un de s’en<br />

réjouir. C’est, dit-il, que la démocratie victorieuse et qui demeure le «moins<br />

mauvais» système politique, selon un mot fameux de Churchill, ne sera jamais<br />

quelque chose d’enthousiasmant. «Nous sommes entrés, écrit-il, dans l’ère de la<br />

mélancolie démocratique. (...) Car la démocratie est haïssable: elle contredit les<br />

penchants les plus spontanés de l’être humain à écraser, dominer ou asservir les<br />

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