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D'où venons-nous? - Marc Angenot

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lumineux qui attendait l’humanité – a été sur toutes les bouches comme une<br />

évidence, évidence à partir de laquelle s’inscrivent les dissensions, les nuances et<br />

les réserves, et même les mises en doute, l’affrontement de conjectures contraires,<br />

celles des effets pervers, de la décadence des nations, de la dégénérescence de la<br />

«race», des retours ataviques... Le progrès général du genre humain est un axiome,<br />

une fondation solide à partir de laquelle chacun au cours du siècle 1800-1914<br />

construit des spéculations diverses et parfois antagonistes:<br />

Ainsi <strong>nous</strong> découvrons partout le progrès, dans la formation des<br />

mondes, dans le développement de l’individualité, dansl’histoire de<br />

la race humaine. Si cette observation n’a pas pour <strong>nous</strong> le caractère<br />

d’une démonstration mathématique, elle a du moins celle d’une<br />

induction presque irrésistible. (...) On peut dire dès à présent que<br />

l’affirmation du progrès sera la synthèse de l’avenir. 46<br />

Le progrès-axiome dans sa version de catéchisme scolaire républicain peut<br />

conclure naïvement à l’excellence définitive de l’état des choses, mais les critiques<br />

militants, insatisfaits de l’ordre présent, puiseront aussi dans l’évidence des progrès<br />

passés, leur confiance dans l’avenir meilleur – et leur certitude d’une évolution<br />

désormais accélérée qui apportera incessamment de nouveaux «progrès»: «Le<br />

monde n’est pas beau assurément, mais le monde du passé, le monde d’il y a cent<br />

ans seulement, était mille fois plus abominable que le monde tel qu’il se comporte<br />

aujourd’hui.» 47<br />

La doxa des gens cultivés interprète précisément dans ce simple cadre la<br />

théorie darwinienne et la place de l’homme dans l’évolution – c’est à dire qu’elle<br />

la mésentend totalement. «L’existence d’un lézard, écrit typiquement Edmond<br />

About, est meilleure, absolument parlant, que celle d’un cloporte. L’animal est<br />

plus complet, mieux doué, plus fini. (...) Aucun être vivant n’a les organes de la<br />

pensée aussi développés, aussi parfaits, aussi indéfiniment perfectibles que le pire<br />

d’entre <strong>nous</strong>.» 48 L’homme n’ a pas été créé tout d’une pièce par un fiat divin, il<br />

s’est «dégagé» peu à peu de l’animalité pour les modernes post-religieux: il est<br />

ainsi le seul «animal progressiste». Les museums d’Europe à la fin du siècle font<br />

voir en leurs vitrines – encore une fois, à l’évidence des yeux – le progrès, linéaire,<br />

des industries lithiques des «premiers hommes»: acheuléen, chelléen, moustérien,<br />

solutréen...<br />

’ La preuve par l’avenir<br />

La transposition de l’évolution biologique à la marche de la civilisation se fait tout<br />

naturellement dans cette pensée simple. Edmond About enchaîne, en une<br />

prosopopée adressée aux heureux humains de son temps (le culte positiviste des<br />

26

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