Convoitise - Anges Déchu T1
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La serveuse remplit le mug avec une extrême lenteur en les regardant tour à tour, semblant attendre le<br />
reste de l'histoire. Lorsqu'elle eut fini, elle se tourna vers Vin.<br />
— Encore un peu de sirop ? demanda-t-elle.<br />
—J'ai terminé, répondit-il en désignant son assiette vide.<br />
—Ah oui.<br />
Elle débarrassa ses couverts et s'éloigna avec le même empressement qu'elle avait mis à verser le café :<br />
à la vitesse d'un escargot neurasthénique.<br />
—Je ne trompe pas ma femme, répéta-t’il quand ils furent seuls. J'ai vu mes vieux se déchirer assez<br />
souvent pour savoir ce qui peut faire couler un couple, et je pense que l'infidélité arrive en première<br />
position.<br />
Marie-Terese lui tendit le sucre et, le voyant contempler le bol avec l'air de ne pas savoir de quoi il<br />
s'agissait, elle dit :<br />
—Vous savez, pour votre café. Vous sucrez le vôtre.<br />
—Ah oui, c'est vrai.<br />
— Donc, vos parents n'étaient pas heureux ensemble ?<br />
— Non. Et je n'oublierai jamais leurs disputes.<br />
— Est-ce qu'ils ont divorcé ?<br />
—Non, ils se sont entre-tués. (Elle se recroquevilla dans son siège et il se retint de jurer.) Désolé. Je<br />
devrais sans doute être moins abrupt, mais c'est la stricte vérité. Une de leurs bagarres a été plus violente<br />
que les autres et ils sont tombés dans l'escalier. Pour ne plus jamais se relever.<br />
—Je suis vraiment navrée.<br />
—C'est gentil, mais c'était il y a très longtemps.<br />
Au bout d'un moment, elle murmura :<br />
—Vous avez l'air crevé.<br />
—J'ai juste besoin de reprendre un café avant qu'on parte.<br />
À ce compte-là, il allait noyer ses reins dans l'arabica si cela lui permettait de rester un peu plus<br />
longtemps avec elle. En fait, la compassion qu'il lisait dans son regard lui réchauffait le cœur, la rendait...<br />
chère à ses yeux. Au point qu'il craignait de la perdre.<br />
—Est-ce que vous vous protégez, au boulot ? demanda-t-il soudain. Et je ne parle pas des clients<br />
agressifs. (Pendant la longue pause qui suivit, il secoua la tête, se sentant vraiment en dessous de tout.)<br />
Désolé, ça ne me regarde pas...<br />
—Est-ce que j'utilise des préservatifs, vous voulez dire ?<br />
— Oui, et je ne vous pose pas la question parce que j'ai envie de vous. (La voyant de nouveau<br />
tressaillir, il se maudit.) Non, ce que je veux dire, c'est que j'espère que vous prenez soin de vous.<br />
— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Il la regarda droit dans les yeux.<br />
— Ça m'intéresse, c'est tout.<br />
Elle tourna la tête et contempla le paysage par-delà le fleuve.<br />
—Je prends toujours mes précautions. Ce qui me différencie de toutes ces nanas soi-disant respectables<br />
qui couchent à droite et à gauche sans protection. Et si vous pouviez arrêter de me dévisager comme si je<br />
venais d'une autre planète, ce serait sympa.<br />
Il se résigna à baisser les yeux sur sa tasse.<br />
— Quel est votre prix ?<br />
—Je croyais que vous ne vouliez pas de moi de cette manière.<br />
— Combien ?<br />
— Pourquoi ? Vous voulez me changer en Pretty Woman ? M'extraire de mon horrible quotidien le<br />
temps d'une semaine ? (Elle s'esclaffa.) La seule chose que j'aie en commun avec Julia Roberts dans ce<br />
film, c'est que j'ai le droit de choisir avec qui je vais. Quant au tarif, ce ne sont pas vos oignons.