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Convoitise - Anges Déchu T1

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Chapitre 2<br />

La bijouterie Marcus Reinhardt, fondée en 1893, était implantée dans un élégant bâtiment du centre de<br />

Caldwell, et ce depuis qu'avait séché le mortier séparant les briques. L'établissement avait changé de<br />

propriétaire pendant la Grande Dépression, mais la philosophie de l'entreprise était restée la même et<br />

s'imposait encore à l'ère d'Internet : des bijoux haut de gamme proposés à des prix compétitifs,<br />

accompagnés d'un service personnalisé d'une qualité incomparable.<br />

— Le vin de glace est servi dans le salon privé, monsieur.<br />

—Très bien. Nous serons prêts dans un instant. James Richard Jameson, arrière-petit-fils de l'homme<br />

qui avait acheté la boutique à M. Reinhardt, ajusta sa cravate dans le reflet d'une des vitrines.<br />

Satisfait de son apparence, il se tourna pour inspecter les trois employés qu'il avait choisis pour<br />

effectuer des heures supplémentaires. Vêtus de vestes sombres, William et Terrence portaient une cravate<br />

noir et or ornée du logo du magasin, tandis que Janice arborait un collier en or et en onyx datant des<br />

années 1950. Parfait. Son personnel était aussi élégant et discret que les bijoux exposés dans la boutique,<br />

et tous étaient capables de converser aussi bien en anglais qu'en français.<br />

Pour assister à ses ventes, les clients étaient prêts à faire le trajet depuis Manhattan ou Montréal, et quel<br />

que soit le nombre de kilomètres avalés le spectacle en valait toujours la peine. Où que se pose le regard,<br />

les bijoux scintillaient comme un millier d'étoiles, et depuis l'angle de l'éclairage jusqu'à l'agencement<br />

des présentoirs en verre, tout était calibré pour faire confondre le besoin et l'envie.<br />

L'horloge située à côté de l'entrée n'allait pas tarder à sonner 10 heures. James se précipita vers une<br />

porte dérobée, attrapa un aspirateur et le passa sur les traces de pas imprimées sur le précieux tapis<br />

d'Orient. Lorsqu'il fit demi-tour vers le placard à balais, il repassa un coup derrière lui afin que rien ne<br />

vienne altérer le sens des fibres.<br />

—Je crois qu'il est arrivé, annonça William, posté devant l'une des fenêtres à barreaux.<br />

— Oh... mon Dieu, murmura Janice en se penchant à côté de son collègue. Ça, pour être là, il est là.<br />

James se débarrassa de l'aspirateur et ajusta la veste de son costume. Son cœur battait à tout rompre,<br />

mais ce fut avec un calme de façade et une démarche assurée qu'il les rejoignit pour scruter la rue.<br />

La boutique était ouverte de 10 heures à 18 heures du lundi au samedi. Toutefois, une poignée de<br />

privilégiés pouvaient y accéder en dehors de ces horaires, au jour et à l'heure qui leur convenaient.<br />

L'homme qui sortit de la BMW M6 faisait de toute évidence partie de cette catégorie : costume coupé à<br />

l'européenne, absence de manteau en dépit du froid, carrure d'athlète, visage d'assassin. C'était un<br />

personnage très élégant, très puissant, qui trempait sans doute dans des affaires louches, mais chez<br />

Marcus Reinhardt, l'argent n'avait pas d'odeur, même s'il venait de la mafia ou de la drogue. Le métier de<br />

James était de vendre, pas de juger : en ce qui le concernait, l'homme qui s'approchait de sa porte était un<br />

parangon de vertu, un citoyen modèle dans ses mocassins italiens.<br />

James libéra le verrou et ouvrit la voie avant que la sonnette retentisse.<br />

— Bonsoir, monsieur DiPietro.<br />

La poignée de main fut ferme et brève, la voix grave et sèche, les yeux gris et froids.<br />

—Tout est prêt ?<br />

— Oui, répondit James d'une voix hésitante. Est-ce que votre fiancée se joindra à nous ?<br />

— Non.<br />

James ferma la porte et lui indiqua le chemin menant à l'arrière-salle en s'efforçant de ne pas prêter<br />

attention à la façon dont Janice fixait l'homme du regard.

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