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40 ATHENA 268 · Février 2011 > BIODIVERSITÉ Jacques Weber, économiste au Centre de coopération internationale pour le dévelop pement. Il plaide au contraire pour renoncer à donner des valeurs et concevoir des méthodes de calcul des coûts de maintenance ou de restauration de la disponibilité des services écologiques. Mais Jacques Weber n’est pas très optimiste: «Nous sommes conscients de livrer un combat qui tient du baroud d’honneur: plus la mise à prix de la nature avancera, plus son caractère de propriété commune sera en danger de privatisation», assure-t-il (2). Le «Belgian Ecosystem Services» Ce document, qui fait la synthèse de milliers d’études, avance également une série de conseils aux décideurs comme par exemple, d’améliorer les comptes nationaux en y incluant les richesses qu’offre le capital naturel de chaque pays. Autrement dit, chaque état devrait faire ses propres calculs ! La Belgique est un des sept pays (avec la Commission européenne) à avoir financé le TEEB et a lancé, en 2010, une série de projets (pour un budget total de 860.000 euros) coordonnés par la Politique scientifique fédérale (Belspo) sous le nom de Belgian Ecosystem Services (BEES), et qui consiste à faire l’inventaire des données et méthodologies existantes. En outre, la Politique scientifique fédérale finance deux autres projets de deux ans: l’un sur les services liés aux eaux douces, QUELQUES MOTS CLÉS » Biodiversité: désigne la diversité naturelle des organismes vivants. L’article 2 de la Convention sur la diversité biologique (1992) la définit comme «la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes». l’autre sur les services périurbains. En mettant autour d’une même table de travail sociologues, économistes, juristes et écologistes, cette administration fédérale espère pouvoir dégager des outils d’évaluation efficaces. Plus de maladies infectieuses ? On pourrait penser que le recul de la biodiversité, c’est-à-dire la diminution globale du nombre d’espèces vivantes, entraîne ipso facto une raréfaction des espèces susceptibles de transmettre des virus, bactéries et autres parasites, et qu’ainsi, le risque de prolifération de maladies infectieuses diminuerait. Or, selon une étude réalisée par treize chercheurs américains et anglais et publiée en décembre 2010 dans la revue Nature, c’est tout le contraire qui est observé. Cette étude fait en effet apparaître que depuis 2005, pour une douzaine de pathologies au moins (dont la maladie de Lyme, le paludisme, la fièvre du Nil ou certaines fièvres hémorragiques), l’érosion de la biodiversité s’est accompagnée, pour certaines affections, d’un plus grand nombre de cas de transmission à l’homme mais aussi aux animaux, aux plantes ou aux coraux. En réalité le tableau clinique est fort complexe. D’un côté, les inventaires mondiaux font état d’un déclin d’environ 35% des populations d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, de reptiles et de poissons depuis les années 1970. » Convention sur la diversité biologique (CDB): traité international adopté lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, avec trois buts principaux: la conservation de la diversité biologique (ou bio diversité); l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques. Elle est entrée en vigueur le 29 décembre 1993, signée par 193 pays (sans les États-Unis). La convention a pris une importance particulière en 2010 à De l’autre, plus de 300 maladies infectieuses nouvelles ont été recensées depuis 60 ans, chiffre prenant en compte l’apparition de nouvelles souches (comme le staphylocoque doré résistant aux antibiotiques), le passage de pathogènes à l’homme (le virus du sida ou celui du syndrome respiratoire aigu sévère) ou encore leur déplacement géographique. Établir une corrélation directe entre les deux phénomènes serait simpliste car la transmission d’une maladie infectieuse dépend d’un faisceau d’interactions où entrent en jeu des pathogènes (microbes ou parasites), des vecteurs (moustiques, tiques, pucerons, mammifères), des espèces réservoirs et aussi l’environnement. Les exemples rapportés dans Nature sont éloquents. C’est ainsi qu’à l’est des États-Unis, les tiques propageant la bactérie responsable de la maladie de Lyme (une cause d’handicaps physiques et cérébraux parfois mortels) se nourrissent du sang de souris à pattes blanches ou d’opossums. Or, les populations d’opossums, très rarement porteurs de la bactérie et jouant le rôle d’une «espèce tampon», ont chuté du fait de la destruction des forêts (incendies, constructions), laissant le terrain libre aux souris à pattes blanches qui sont, elles, d’excellents réservoirs bactériens. Un enjeu à divers éléments Plusieurs mécanismes sont donc à l’œuvre. D’abord, l’érosion de la biodi- l’occasion de l’Année internationale de la biodiversité. » Union internationale pour la conservation de la nature (UICN): est la principale ONG mondiale consacrée à la cause de la conservation de la nature. Elle a été fondée le 5 octobre 1948 et réunit 83 États, 114 agences gouvernementales, plus de 1.000 ONG et 11.000 experts et scientifiques de plus de 160 pays. Elle emploie plus d’un millier de personnes travaillant à travers le monde sur près de 500 pro-
versité touche aussi les prédateurs et les compétiteurs des espèces porteuses de pathogènes, qui se multiplient donc. Ensuite, il s’avère que les espèces les plus résistantes à la détérioration de leur milieu, celles qui s’adaptent et survivent, sont aussi celles qui constituent les meilleures réservoirs et les plus efficaces transmetteurs d’agents infectieux. Cela, en vertu de processus biologiques qui restent à élucider. D’autres éléments interviennent cependant encore dans le développement des maladies infectieuses: la croissance démographique, la multiplication des jets. L’UICN est également l’organisme consultatif référent auprès du Comité du patrimoine mondial pour l’étude de l’inscription des sites naturels à la liste du patrimoine mondial, ainsi que l’évaluation de l’état de conservation de ces sites. » Espèces menacées: selon la classification établie par l’Union internationale pour la conservation des la nature (UICN), une espèce est déclarée «menacée d’extinction» si elle répond à des critères précis (disparition de échanges commerciaux, l’élevage intensif et le réchauffement climatique qui modifie la distribution géographique des espèces vectrices et hôtes de pathogènes. Le déclin de la biodiversité s’ajoute à ces facteurs. La conservation des espèces devient, ainsi, un objectif de santé publique. «Les liens entre biodiversité et maladies sont maintenant suffisamment clairs, écrivent les chercheurs anglo-saxons, pour rendre plus urgents les efforts de préservation des écosystèmes naturels et de leur diversité». l’habitat, déclin important de sa population, érosion génétique, surexploitation des sols, chasse ou pêche trop intensive, etc.). L’UICN (www.uicn.org) dresse chaque année une liste rouge de ces espèces animales et végétales. Fin 2009, elle en comportait 17.291, soit 36% des 47.677 répertoriées, soit un oiseau sur huit et un mammifère sur quatre. » Empreinte écologique: il s’agit de «la mesure en hectares de la superficie biologiquement productive Paul DEVUYST · BIODIVERSITÉ (1) «The Economics of Ecosystems and Biodiversity» (TEEB) par Pavan Sukhdev (dir. PNUE). Accessible sur le site http://www.teebweg.org + (2) «La Vie, quelle surprise !», par Robert Barbault et Jacques Weber, aux éditions du Seuil, France. Pour en savoir plus http://www.ipbes.net http://www.biodiversity.be nécessaire pour pourvoir aux besoins d’une population humaine de taille donnée». Pour répondre au mode de vie de l’humanité, il faudrait près d’une planète Terre et demie, selon le Global Footprint Network, qui a créé cet indicateur. Cette empreinte aurait augmenté de 22% en dix ans. 41
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