02.07.2013 Views

Juin 2002 - Gestion et Finances Publiques La revue

Juin 2002 - Gestion et Finances Publiques La revue

Juin 2002 - Gestion et Finances Publiques La revue

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

publication des faits litigieux au rapport public de la Cour constituait déjà<br />

une sanction suffisante, évoquant ainsi, implicitement, l’existence d’un préjugement<br />

susceptible d’entraîner un pourvoi en cassation.<br />

II. Amende pour gestion de fait <strong>et</strong> pré-jugement<br />

Depuis plusieurs années, les justiciables <strong>et</strong> les juridictions elles-mêmes ont<br />

mis l’accent sur la nécessité de l’impartialité, à la fois objective <strong>et</strong><br />

subjective, des procédures juridictionnelles. En particulier, rien ne doit<br />

laisser croire au justiciable que son affaire est déjà entendue avant même<br />

que le juge ne se soit prononcé ce qui, logiquement, interdit toute forme de<br />

pré-jugement. On le sait, la question se pose avec une acuité particulière à<br />

la juridiction financière<br />

On sait que le rapport public de la Cour ne doit pas contenir d’insertions qui<br />

pourraient laisser à penser que des affaires portées ensuite devant la Cour<br />

dans le cadre de ses fonctions juridictionnelles, auraient pu être préjugées<br />

à ce stade, portant ainsi atteinte au principe de la présomption d’innocence<br />

(CE ass., 23 févr. 2000, <strong>La</strong>bor Métal, RFD adm. 2000. 435, concl. Seban,<br />

Rev. Trésor 2000. 682 <strong>et</strong> notre note). En eff<strong>et</strong>, dès lors qu'un arrêt est<br />

susceptible d'entraîner des conséquences, notamment pécuniaires, les<br />

comptables, qu'ils soient patents ou de fait, sont en droit d'exiger que la<br />

décision soit rendue par une formation impartiale qui n'ait pas<br />

préalablement pris parti sur l'irrégularité <strong>et</strong> la qualification des faits ; c’est<br />

tout l’intérêt de la présente espèce, éclairée par les conclusions du Parqu<strong>et</strong>,<br />

d’affirmer qu’il n'y a pas lieu, à c<strong>et</strong> égard, d'introduire de distinction entre<br />

déclaration de gestion de fait, jugement du compte <strong>et</strong> prononcé de<br />

ll'amende.<br />

Toutefois, le seul fait qu’une affaire ait été relatée dans le rapport public ne<br />

suffit pas à caractériser l’existence d’un pré-jugement dès lors que la Cour<br />

s’est bornée à exposer les faits sans expressément procéder à leur<br />

qualification juridique comme constitutifs d’une gestion de fait (C. comptes,<br />

Chambres réunies, 14 juin <strong>et</strong> 6 oct. 2000, <strong>Gestion</strong> de fait des deniers de la<br />

commune de Nice (Renégociation de la d<strong>et</strong>te) Condamnation à l’amende<br />

de M. Thierry Perrin <strong>et</strong> de la SARL Deltana, Rev. Trésor 2001. 352, concl.<br />

Proc. Gén. <strong>et</strong> notre note ; RFD adm. 2001. 1113). Il en va de même dés<br />

lors que l’insertion ne comporte aucune mention relative à l’existence d’une<br />

4_Chronique_<strong>Juin</strong>_<strong>2002</strong> - RDT Page 3<br />

22/05/2007<br />

RESUMES DE JURISPRUDENCE<br />

infraction aux règles de la comptabilité publique (C. comptes, 25 avril 2001,<br />

Association pour la réadaptation des personnes âgées handicapées<br />

(ARPAH), Rev. Trésor <strong>2002</strong>. 205 <strong>et</strong> nos obs. V. infra, C. comptes, 12 juill.<br />

2001, Dpt du Gard).<br />

En l’espèce, comme le notait le Parqu<strong>et</strong> dans ses conclusions sur l’arrêt<br />

provisoire (cf. ci-dessus), il ne semblait pas faire de doute que le rapport<br />

public 1996 avait traité explicitement <strong>et</strong> précisément des irrégularités,<br />

procédant même à la qualification juridique d’extraction irrégulière de<br />

deniers de l’Etat <strong>et</strong> donc de gestion de fait ; la Cour avait même stigmatisé<br />

la gravité des irrégularités, « préjugeant » ainsi l’intervention ultérieure<br />

d’une amende.<br />

Mais, la déclaration définitive de gestion de fait n’ayant pas été déférée au<br />

juge de cassation, celle-ci était devenue définitive. Or, l’existence d’un préjugement<br />

ne peut être opposée à la juridiction financière dès lors que les<br />

faits ont reçu leur qualification par une décision juridictionnelle passée en<br />

force de chose jugée (CE, 28 sept. 2001, Nucci, Rev. Trésor <strong>2002</strong>. 225.<br />

CE, 24 oct. 2001, Chavanat, Rev. Trésor <strong>2002</strong>. 226). <strong>La</strong> Cour a toutefois<br />

choisi la solution de prudence, préférant renoncer au prononcé de l’amende<br />

plutôt que de risquer d’encourir la cassation par le Conseil d’Etat. C<strong>et</strong>te<br />

position est regr<strong>et</strong>table pour deux raisons. Tout d’abord, c<strong>et</strong>te auto-censure<br />

de la juridiction financière aboutit à laisser sans “sanction” des irrégularités<br />

qu’elle avait pourtant qualifiées de particulièrement graves dans son rapport<br />

public 1996. En outre, elle interdit au juge de cassation de préciser le<br />

champ d’application de la jurisprudence <strong>La</strong>bor Métal en matière d’amende<br />

pour gestion de fait dans l’hypothèse où la déclaration définitive de gestion<br />

de fait est devenue définitive. Il n’est pas certain que le Conseil d’Etat aurait<br />

cassé un arrêt de la Cour prononçant une amende pour gestion de fait dans<br />

c<strong>et</strong>te hypothèse ; en eff<strong>et</strong>, dès lors que la qualification juridique des faits<br />

n’est plus susceptible d’être remise en cause, la Cour pourrait, à notre<br />

sens, parfaitement prononcer une amende dès lors que le grief de préjugement<br />

ne concernerait que la constatation de l’existence de la gestion<br />

de fait.<br />

Mais le Conseil d’Etat aura certainement d’autres occasions de préciser les<br />

conditions de mise en œuvre du principe d’impartialité …<br />

Cour des comptes, 4 ème chambre,<br />

arrêt n° 28844, 18 janv. 2001,<br />

Action sociale du ministère de l’intérieur – Fondation Jean Moulin<br />

<strong>Gestion</strong> de fait ; non lieu à gestion de fait (implicite) ; considérations d’opportunité.<br />

L’action en gestion de fait n’est pas à la discrétion du juge des comptes qui pourrait décider d’y recourir ou non en fonction des circonstances ; elle constitue<br />

au contraire l’exercice d’une mission d’ordre public de la juridiction financière qui lui fait obligation de mener la procédure à son terme dès lors que les<br />

éléments constitutifs en sont réunis. Pourtant, la procédure de gestion de fait peut être interrompue précocement, notamment pour « défaut d’intérêt<br />

pratique ».<br />

En eff<strong>et</strong>, parfois, <strong>et</strong> alors même qu’il apparaît évident que les éléments constitutifs d’une gestion de fait sont réunis, la Cour préfère recourir à un<br />

avertissement sévère qui ne préjuge pas de ses investigations <strong>et</strong> décisions ultérieures (C. comptes, 14 févr. 1994, L<strong>et</strong>tre du Président n° 6302, Rec. C.<br />

comptes 185 <strong>et</strong> 186). Toutefois, si le juge des comptes s’est reconnu le pouvoir de renoncer à déclarer une gestion de fait pour défaut d’intérêt pratique,<br />

alors qu’un compte a été produit, le ministère public relève que la juridiction financière se m<strong>et</strong> ainsi, d’une façon qui n’est pas à l’abri de critiques, dans<br />

l’impossibilité de procéder à l’apurement des opérations irrégulières de comptables à l’égard desquels elle dispose d’une compétence qu’elle tient de la loi<br />

(C. comptes, 30 janv. 1992, Aubert <strong>et</strong> autres, Rev. Trésor 1992. 602, concl. min. pub).<br />

<strong>La</strong> juridiction financière est toutefois conduite à prendre en compte les résultats qu’elle peut raisonnablement attendre du déroulement de la procédure de<br />

gestion de fait. En cas de doute sérieux sur l’aboutissement effectif de la procédure, elle préfèrera ainsi renoncer ; la juridiction financière peut être amenée<br />

à constater que les difficultés matérielles qu’elle rencontre rendent fort aléatoires les possibilités d’apurement des gestions de fait <strong>et</strong> rendre ainsi une<br />

décision de non-lieu (CRC Aquitaine, 25 nov. 1997, Caisse des écoles de la Cne des Artigues-de-Lussac, Rev. Trésor 1999. 267. CRC Pays de la Loire, 14<br />

janv. 1998, Cne de Poiré-sur-Velluire, Rev. Trésor 1999. 270).<br />

En l’espèce, la situation était d’une autre nature. En eff<strong>et</strong>, outre le fait que le juge des comptes avait commis une erreur en mentionnant dans l’arrêt<br />

provisoire les dispositions de l’art. L.51-1 du Code des domaines de l’Etat alors que seul l’art. L.36 était applicable, l’existence de la gestion de fait reposait<br />

toute entière sur le défaut du titre légal de la Fondation Jean Moulin. En eff<strong>et</strong>, la convention par laquelle le ministre de l’intérieur avait accordé la location à<br />

titre gratuit à la Fondation Jean Moulin n’avait pas été accompagnée d’un bail de location à des conditions financières fixées par le ministre des finances <strong>et</strong><br />

n’était pas revêtue du visa du contrôleur financier. C<strong>et</strong>te irrégularité « formelle » devait-elle entraîner la déclaration définitive de gestion de fait alors que<br />

plusieurs conventions ultérieures avaient été valablement visées par le contrôleur financier, témoignant ainsi de l’approbation, au moins implicite, du<br />

ministre du budg<strong>et</strong> ? <strong>La</strong> Cour, suivant en cela les conclusions du Parqu<strong>et</strong>, répond négativement <strong>et</strong> décide « d’en rester là », d’autant plus que la déclaration<br />

provisoire de gestion de fait avait, semble-t-il suffit à convaincre le ministre de l’intérieur d’une remise en ordre.<br />

C<strong>et</strong>te solution de bon sens suscite néanmoins une double interrogation : en premier lieu, le caractère formel de l’irrégularité est-il vraiment le motif<br />

déterminant de c<strong>et</strong>te décision lorsqu’on sait que ce type de pratique est très largement répandu <strong>et</strong> qu’une déclaration définitive de gestion de fait en<br />

l’espèce aurait entraîné la juridiction financière dans une série de dossiers d’une particulière ampleur ? En d’autres termes, n’y avait-il pas un « défaut

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!