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Chapitre 43<br />

Il était 15 h 30 lorsque nous quittâmes notre appartement. Par<strong>ce</strong> que vu la taille de la chambre, pour moi,<br />

c’était un trois piè<strong>ce</strong>s avec balcon. La neige qui tombait à gros flocons ne nous empêcha pas de partir à<br />

pied. Selon Gabriel, il n’y avait pas de meilleur moyen pour nous faire remarquer et faire sortir de leur<br />

trou les personnes que nous voulions rencontrer. Les Protecteurs le reconnaîtraient et viendraient à nous.<br />

J’espérais qu’il ait raison, par<strong>ce</strong> que mine de rien, il faisait vachement froid dehors. J’avais quitté Détroit<br />

depuis de longues années, et les mante<strong>au</strong>x californiens n’avaient pas, et n’<strong>au</strong>raient jamais, les<br />

compéten<strong>ce</strong>s requises pour affronter un hiver polaire. Je suivais aveuglément Gabriel à travers le dédale<br />

de rues et de ruelles plus ou moins accueillantes que nous traversions tandis qu’il jouait <strong>au</strong> guide<br />

touristique. Je retins juste qu’il avait vécu quelques années ici, à l’époque où Jack l’Éventreur sévissait.<br />

Nos pas nous menèrent tout droit à Hyde Park. Je ne me souviens pas depuis combien de temps nous<br />

marchions, mais le spectacle en valait la chandelle. C’était magnifique. Tout était blanc et cotonneux. Les<br />

derniers rayons de soleil faisaient scintiller les milliers de diamants de gla<strong>ce</strong> accrochés à la végétation.<br />

Des <strong>ce</strong>ntaines de petits arcs-en-ciel reliaient les arbres entre eux.<br />

Le mante<strong>au</strong> blanc, de <strong>ce</strong> qui devait être les pelouses, ressemblait à une épaisse et moelleuse couverture<br />

immaculée. Quelques canards tentaient tant bien que mal de se dépla<strong>ce</strong>r sur la surfa<strong>ce</strong> glacée et scarifiée<br />

du lac. Des gamins terminaient de ranger leurs patins à gla<strong>ce</strong> et se dépêchaient de partir avant que la nuit<br />

tombe pour de bon. Prise d’un grain de folie, je me jetai à plat ventre sur le sol, roulai sur le dos, et fis de<br />

larges mouvements du bas vers le h<strong>au</strong>t, bras et jambes écartés. Gabriel me regardait faire, dubitatif.<br />

— Tu fais quoi là exactement ?<br />

— Je fais l’ange.<br />

— Tu fais l’ange.<br />

— Allez, comme si tu ne l’avais jamais fait.<br />

— Ce con<strong>ce</strong>pt m’est effectivement étranger.<br />

Ma gymnastique terminée, je me relevai, fière comme un pape de pouvoir apprendre enfin quelque chose<br />

à monsieur je-sais-tout.<br />

— Tu vois, j’ai fait un ange.<br />

À l’endroit même où je me tenais allongée quelques secondes <strong>au</strong>paravant, l’ombre d’un ange, en toge et<br />

avec les ailes se dessinait sur le sol.<br />

— C’est vrai, tu as fait un ange, mon ange.<br />

Il me lança un regard taquin et en moins de temps qu’il ne m’en fallut pour inspirer, l’air s’épaissit <strong>au</strong>tour<br />

de nous, et je me retrouvai dans ses bras, <strong>au</strong> milieu du lac, des patins sous les pieds.<br />

— Aaaah !

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