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Chapitre 37<br />
Quand on vit en Californie, on voit rarement la neige tomber. Et pourtant. Ce matin-là, il était 11 h 27<br />
lorsque je me réveillai avec un mal de tête carabiné. Je m’extirpai avec la grâ<strong>ce</strong> d’une baleine mourante<br />
de mon lit et me dirigeai vers la fenêtre, que j’ouvris. L’air était glacial mais sec. Nous étions en février,<br />
il neigeait à gros flocons, et une épaisse couche de poudre blanche et moelleuse recouvrait les rues et les<br />
jardins. C’était magnifique. J’ai toujours adoré la neige. Je la trouve silencieuse et apaisante. Mais<br />
sincèrement, il neigeait be<strong>au</strong>coup trop et depuis trop de semaines pour <strong>ce</strong>t État.<br />
Lorsque je vivais à Détroit, les hivers étaient rudes et enneigés. J’adorais me promener dans le parc,<br />
ensevelie sous une lourde couverture argentée, et encore plus sous une pluie d’étoiles cotonneuses et<br />
glacées. Pour moi, il n’y avait rien de plus apaisant. Voir la neige tomber, silencieuse, légère et<br />
scintillante, comme si le ciel déversait des tonnes de plumes duveteuses… À<br />
<strong>ce</strong>t instant, je ressentais la même quiétude, le même sentiment de bien-être, voire de béatitude, mais<br />
j’avais un putain de mal de tête ! Aïe… J’observais tout de même les enfants des voisins qui faisaient des<br />
bonshommes de neige et d’<strong>au</strong>tres qui se lançaient des boules en guerre ouverte, priant pour que le<br />
marte<strong>au</strong>-piqueur de mon <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> s’arrête. Pour tous les habitants de <strong>ce</strong>tte ville, <strong>ce</strong>tte neige et <strong>ce</strong> froid<br />
étaient bizarres, mais super. Pour moi, et même si j’adorais <strong>ce</strong> temps, ça annonçait juste qu’on était<br />
vraiment dans la merde. Les démons détraquaient la planète, et <strong>ce</strong>la n’<strong>au</strong>gurait rien de bon pour l’avenir.<br />
Avec son voyage à L. A., Gabriel s’était amusé, mais on n’était pas plus avancés <strong>au</strong> sujet de <strong>ce</strong>tte<br />
prophétie. Quoiqu’en fait si : les démons voulaient me des<strong>ce</strong>ndre coûte que coûte. Quand je disais que ma<br />
vie était pourrie…<br />
N’ayant pas l’âge légal pour boire de l’alcool, ne serait-<strong>ce</strong> que du vin, je n’en buvais jamais.<br />
Ce léger détail d’âge n’avait pourtant pas dérangé Gabriel qui avait commandé le meilleur vin de la cave,<br />
ni le propriétaire du rest<strong>au</strong>rant qui m’avait servi et re-servi sans complexes. Hier soir, j’en avais goûté<br />
pour la première fois, eh bien je peux vous dire que <strong>ce</strong> n’est pas m<strong>au</strong>vais du tout. La seule chose qui me<br />
déplaisait était <strong>ce</strong>tte foutue gueule de bois. Si c’était comme ça à chaque fois, je ne boirais plus jamais de<br />
ma vie. Je me rendis dans la cuisine pour prendre mon petit déjeuner.<br />
Un café ne me ferait pas de mal. Au passage, je pris dans l’armoire à pharmacie de mes parents un<br />
antalgique pour ma tête. Elle se trouvait dans la salle de bains de l’étage, près de leur chambre.<br />
Leur chambre… Je la balayai du regard. Tout était encore en l’état, comme s’ils allaient rentrer d’une<br />
minute à l’<strong>au</strong>tre. Je secouai la tête pour me remettre les idées en pla<strong>ce</strong>, très m<strong>au</strong>vaise idée, je dus me<br />
faire un hématome <strong>au</strong> <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> (re aïe !) et continuai ma route vers la cuisine. Je franchis le seuil de la<br />
porte et poussai un cri. Gabriel apparaissait devant moi, une tasse fumante à la main.<br />
— Aaah !<br />
— Bonjour.<br />
— Putain, qu’est-<strong>ce</strong> que tu fous là ? Tu m’as fait peur !<br />
— Bonjour Gabriel, je suis contente de te voir, merci pour le café, railla-t-il.