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IMAGES<br />

DOUBLE JEU<br />

Un défilé de mode et la campagne publicitaire qui l’accompagne se doivent<br />

aujourd’hui de frapper toujours plus vite et plus fort ; il s’agit d’émettre<br />

une image, une personnalité, une silhouette manifeste, suffisamment percutante<br />

pour marquer le coup face à la concurrence.<br />

[…] dans ce mouvement qui<br />

va de l’église gothique au white<br />

cube moderne, c’est peut-être<br />

la volonté d’une création<br />

qui soit capable de se mesurer<br />

au temps qu’il faut lire<br />

Or, ici, le cortège des campagnes publicitaires de cette<br />

rentrée laisse apparaître une stratégie de communication<br />

singulière : celle de la maison Balenciaga. À<br />

rebours de l’efficacité promue par la plupart des grandes<br />

marques, cette dernière multiplie les signes en ne proposant<br />

pas une mais deux images dans les doubles<br />

pages des magazines.<br />

Faisons le point. À l’été 2011, le top Gisèle<br />

Bundchen se dédouble pour deux photographies sensiblement<br />

différentes l’une de l’autre. Sur la page de<br />

gauche, c’est en couleur que le mannequin brésilien<br />

apparaît, garçonne et méconnaissable, l’androgynie de<br />

ses traits comme révélée par les blousons de cuir et une<br />

mauvaise perruque ; sur la page de droite, elle pose à<br />

nouveau dans une autre tenue, cette fois dans le cadre<br />

arty d’un 6/6 en noir et blanc, en étrange et galante compagnie<br />

dans les sous-bois, pour une atmosphère plus<br />

surréalisante et sombre… La direction artistique auraitelle<br />

refusé de choisir ? Le logo de la marque lui-même<br />

se dédouble, pour se déployer sur la figure d’un origami.<br />

Hiver 2011 et c’est un autre diptyque que Balenciaga<br />

propose, en confrontant cette fois deux architectures : à<br />

gauche, la pierre et le clair-obscur d’une église gothique<br />

accueillent plusieurs mannequins, tandis qu’à droite,<br />

un unique modèle pose en compagnie du logo dans la<br />

lumière immaculée d’un espace à la trame moderniste ;<br />

le carrelage blanc à joints noirs évoque d’ailleurs la<br />

maison tombeau de Jean-Pierre Raynaud.<br />

Ces dialogues d’images que la marque met ainsi<br />

en place construisent une narration complexe, à la hauteur<br />

des ambitions affichées par Nicolas Ghesquière et<br />

son studio. Les différentes qualités d’image, d’univers et<br />

de lumière peuvent entrer en résonance avec la grande<br />

variété des matières textiles et graphiques développée<br />

par la marque et l’audace avec laquelle elle les associe ;<br />

la référence à l’architecture et la présence symbolique<br />

de l’origami invoquent, elles, la sophistication de la<br />

coupe, tout en ruptures et subtiles asymétries, opérée<br />

par la Maison ; et, dans ce mouvement qui va de l’église<br />

gothique au white cube moderne, c’est peut-être la<br />

volonté d’une création qui soit capable de se mesurer<br />

au temps qu’il faut lire.<br />

En cette saison, toujours, l’équipe de Louis<br />

Vuitton emmenée par Marc Jacobs aura maquillé un<br />

vestiaire classique et bourgeois d’un vernis vaguement<br />

SM afin de pimenter l’affaire ; ce sont en conséquence<br />

des beautés oisives qui s’étalent à l’arrière de voitures<br />

de luxe en doubles pages des magazines, femmes objets<br />

accompagnées de petits chiens en guise d’accessoires. Le<br />

choix de deux images de la part de Balenciaga indique<br />

le refus hautain d’un scénario caricatural ou simpliste :<br />

ce n’est pas tant l’érection d’un personnage féminin,<br />

d’un fantasme forcément réducteur qu’avancent les<br />

deux dernières campagnes que des indices quant aux<br />

tenants et aboutissants de la prospective vestimentaire<br />

dont les femmes sont l’objet. L’option est certes plus<br />

abstraite, mais les femmes ont tout à gagner de cette abstraction,<br />

lorsqu’à l’image de Gisèle Bundchen, elles regagnent<br />

un peu de densité en se dérobant dans le mystère<br />

d’un entre-images, ou dans les plis savants de l’origami.<br />

Céline Mallet<br />

Campagne Balenciaga Printemps-Été 2011, Automne-Hiver 2011/2012<br />

MAGAZINE N O 5<br />

44<br />

MAGAZINE N O 5<br />

45

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