LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR - il portale di "rodoni.ch"
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Troisième Dialogue<br />
pour mon bien, et que tu ne veux pas que de pare<strong>il</strong>les réminiscences puissent<br />
jamais troubler ma tranqu<strong>il</strong>lité ?<br />
Mme de Saint-Ange : Pourrais-je avoir d'autre motif ?<br />
Eugénie : Mais, Dolmancé, c'est, ce me semble, l'analyse des vertus qui nous<br />
a conduits à l'examen des religions ? Revenons-y. N'existerait-<strong>il</strong> pas dans<br />
cette religion, toute ri<strong>di</strong>cule qu'elle est, quelques vertus prescrites par elle, et<br />
dont le culte pût contribuer à notre bonheur ?<br />
Dolmancé : Eh bien ! examinons. Sera-ce la chasteté, Eugénie, cette vertu<br />
que vos yeux détruisent, quoique votre ensemble en soit l'image ? Révérerezvous<br />
l'obligation de combattre tous les mouvements de la nature ? les<br />
sacrifierez-vous tous au vain et ri<strong>di</strong>cule honneur de n'avoir jamais une<br />
faiblesse ? Soyez juste, et répondez, belle amie : croyez-vous trouver dans<br />
cette absurde et dangereuse pureté d'âme tous les plaisirs du vice contraire ?<br />
Eugénie : Non, d'honneur, je ne veux point de celle-là ; je ne me sens pas le<br />
moindre penchant à être chaste, mais la plus grande <strong>di</strong>sposition au vice<br />
contraire ; mais, Dolmancé, la charité, la bienfaisance, ne pourraient-elles<br />
pas faire le bonheur de quelques âmes sensibles ?<br />
Dolmancé : Loin de nous, Eugénie, les vertus qui ne font que des ingrats !<br />
Mais ne t'y trompe point d'a<strong>il</strong>leurs, ma charmante amie : la bienfaisance est<br />
bien plutôt un vice de l'orgue<strong>il</strong> qu'une véritable vertu de l'âme ; c'est par<br />
ostentation qu'on soulage ses semblables, jamais dans la seule vue de faire<br />
une bonne action ; on serait bien fâché que l'aumône qu'on vient de faire n'eût<br />
pas toute la publicité possible. Ne t'imagine pas non plus, Eugénie, que cette<br />
action ait d'aussi bon effets qu'on se l'imagine : je ne l'envisage, moi, que<br />
comme la plus grande de toutes les duperies ; elle accoutume le pauvre à des<br />
secours qui détériorent son énergie ; <strong>il</strong> ne trava<strong>il</strong>le plus quand <strong>il</strong> s'attend à vos<br />
charités, et devient, dès qu'elles lui manquent, un voleur ou un assassin.<br />
J'entends de toutes parts demander les moyens de supprimer la men<strong>di</strong>cité, et<br />
l'on fait, pendant ce temps-là, tout ce qu'on peut pour la multiplier. Voulezvous<br />
ne pas avoir de mouches dans votre chambre ? N'y répandez pas de<br />
sucre pour les attirer. Voulez-vous ne pas avoir de pauvres en France ? Ne<br />
<strong>di</strong>stribuez aucune aumône, et supprimez surtout vos maisons de charité.<br />
L'in<strong>di</strong>vidu né dans l'infortune, se voyant alors privé de ces ressources<br />
dangereuses, emploiera tout le courage, tous les moyens qu'<strong>il</strong> aura reçus de la<br />
nature, pour se tirer de l'état où <strong>il</strong> est né ; <strong>il</strong> ne vous importunera plus.<br />
Détruisez, renversez sans aucune pitié ces détestables maisons où vous avez<br />
l'effronterie de receler les fruits du libertinage de ce pauvre, cloaques<br />
épouvantables vomissant chaque jour dans la société un essaim dégoûtant de<br />
ces nouvelles créatures, qui n'ont d'espoir que dans votre bourse. A quoi<br />
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