LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR - il portale di "rodoni.ch"
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Cinquième Dialogue<br />
dans une fièvre brûlante qui nous absorbe et qui nous dévore, sans nous<br />
laisser d'autre bonheur que des jouissances métaphysiques, si ressemblantes<br />
aux effets de la folie ? Si nous devions toujours l'aimer, cet objet adorable, s'<strong>il</strong><br />
était certain que nous ne dussions jamais l'abandonner, ce serait encore une<br />
extravagance sans doute, mais excusable au moins. Cela arrive-t-<strong>il</strong> ? A-t-on<br />
beaucoup d'exemples de ces liaisons éternelles qui ne se sont jamais<br />
démenties ? Quelques mois de jouissance, remettant bientôt l'objet à sa<br />
véritable place, nous font rougir de l'encens que nous avons brûlé sur ses<br />
autels, et nous arrivons souvent à ne pas même concevoir qu'<strong>il</strong> ait pu nous<br />
séduire à ce point.<br />
Ô f<strong>il</strong>les voluptueuses, livrez-nous donc vos corps tant que vous le<br />
pourrez ! Foutez, <strong>di</strong>vertissez-vous, vo<strong>il</strong>à l'essentiel ; mais fuyez avec soin<br />
l'amour. Il n'y a de bon que son physique, <strong>di</strong>sait le naturaliste Buffon, et ce<br />
n'était pas sur cela seul qu'<strong>il</strong> raisonnait en bon ph<strong>il</strong>osophe. je le répète,<br />
amusez-vous ; mais n'aimez point ; ne vous embarrassez pas davantage de<br />
l'être : ce n'est pas de s'exténuer en lamentations, en soupirs, en œ<strong>il</strong>lades, en<br />
b<strong>il</strong>lets doux qu'<strong>il</strong> faut ; c'est de foutre, c'est de multiplier et de changer<br />
souvent ses fouteurs, c'est de s'opposer fortement surtout à ce qu'un seul<br />
veu<strong>il</strong>le vous captiver, parce que le but de ce constant amour serait, en vous<br />
liant à lui, de vous empêcher de vous livrer à un autre, égoïsme cruel, qui<br />
deviendrait bientôt fatal à vos plaisirs. Les femmes ne sont pas faites pour un<br />
seul homme : c'est pour tous que les a créées la nature. N'écoutant que cette<br />
voix sacrée, qu'elles se livrent in<strong>di</strong>fféremment à tous ceux qui veulent d'elles.<br />
Toujours putains, jamais amantes, fuyant l'amour, adorant le plaisir, ce ne<br />
seront plus que des roses qu'elles trouveront dans la carrière de la vie, ce ne<br />
seront plus que des fleurs qu'elles nous pro<strong>di</strong>gueront ! Demandez, Eugénie,<br />
demandez à la femme charmante qui veut bien se charger de votre éducation<br />
le cas qu'<strong>il</strong> faut faire d'un homme quand on en a joui. (Assez bas pour n'être<br />
pas entendu d'Augustin.) Demandez-lui si elle ferait un pas pour conserver<br />
cet Augustin qui fait aujourd'hui ses délices. Dans l'hypothèse où l'on<br />
voudrait le lui enlever, elle en prendrait un autre, ne penserait plus à celui-ci,<br />
et, bientôt lasse du nouveau, elle l'immolerait elle-même dans deux mois, si<br />
de nouvelles jouissances devaient naître de ce sacrifice.<br />
Mme de Saint-Ange : Que ma chère Eugénie soit bien sûre que Dolmancé<br />
lui explique ici mon cœur, ainsi que celui de toutes les femmes, comme si<br />
nous lui en ouvrions les replis.<br />
Dolmancé : La dernière partie de mon analyse porte donc sur les liens de<br />
l'amitié et sur ceux de la reconnaissance. Respectons les premiers, j'y<br />
consens, tant qu'<strong>il</strong>s nous sont ut<strong>il</strong>es ; gardons nos amis tant qu'<strong>il</strong>s nous<br />
servent ; oublions-les dès que nous n'en tirons plus rien ce n'est jamais que<br />
pour soi qu'<strong>il</strong> faut aimer les gens ; les aimer pour eux-mêmes n'est qu'une<br />
duperie ; jamais <strong>il</strong> n'est dans la nature d'inspirer aux hommes d'autres<br />
mouvements, d'autres sentiments que ceux qui doivent leur être bons à<br />
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