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LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR - il portale di "rodoni.ch"

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Troisième Dialogue<br />

Mme de Saint-Ange : Que de progrès la friponne a faits en peu de temps !<br />

Mais, sais-tu, ma charmante, qu'on peut aller loin par la carrière que tu nous<br />

traces ?<br />

Eugénie : Je l'entends bien de cette manière, et puisque je ne me prescris<br />

aucun frein, tu vois où je suppose que l'on peut aller.<br />

Mme de Saint-Ange : Aux crimes, scélérate, aux crimes les plus noirs et les<br />

plus affreux.<br />

Eugénie, d'une voix basse et entrecoupée : Mais tu <strong>di</strong>s qu'<strong>il</strong> n'en existe pas...<br />

et puis ce n'est que pour embraser sa tête : on n'exécute point.<br />

Dolmancé : Il est pourtant si doux d'exécuter ce qu'on a conçu.<br />

Eugénie, rougissant : Eh bien, on exécute... Ne voudriez-vous pas me<br />

persuader, mes chers instituteurs, que vous n'avez jamais fait ce que vous<br />

avez conçu ?<br />

Mme de Saint-Ange : Il m'est quelquefois arrivé de le faire.<br />

Eugénie : Nous y vo<strong>il</strong>à.<br />

Dolmancé : Quelle tête !<br />

Eugénie, poursuivant : Ce que je te demande, c'est ce que tu as conçu, et ce<br />

que tu as fait après avoir conçu.<br />

Mme de Saint-Ange, balbutiant : Eugénie, je te raconterai ma vie quelque<br />

jour. Poursuivons notre instruction... car tu me ferais <strong>di</strong>re des choses...<br />

Eugénie : Allons, je vois que tu ne m'aimes pas assez pour m'ouvrir à ce<br />

point ton âme ; j'attendrai le délai que tu me prescris ; reprenons nos déta<strong>il</strong>s.<br />

Dis-moi, ma chère, quel est l'heureux mortel que tu ren<strong>di</strong>s le maître de tes<br />

prémices ?<br />

Mme de Saint-Ange : Mon frère : <strong>il</strong> m'adorait depuis l'enfance ; dès nos plus<br />

jeunes ans, nous nous étions souvent amusés sans atteindre le but ; je lui<br />

avais promis de me livrer à lui dès que je serais mariée ; je lui tins parole ;<br />

heureusement que mon mari n'avait rien endommagé : <strong>il</strong> cue<strong>il</strong>lit tout. Nous<br />

continuons de nous livrer à cette intrigue, mais sans nous gêner ni l'un ni<br />

l'autre nous ne nous en plongeons pas moins tous les deux, chacun de notre<br />

côté, dans les plus <strong>di</strong>vins excès du libertinage ; nous nous servons même<br />

mutuellement : je lui procure des femmes, <strong>il</strong> me fait connaître des hommes.<br />

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