UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS
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une dépréciation de l’œuvre en tant que telle connue sous son aspect artistique dans le<br />
domaine de la variété » 1 .<br />
L’atteinte au respect de l’esprit de l’œuvre devrait donc être retenue par les tribunaux du fait<br />
de l’incrustation des paroles de chansons sur un écran à des fins de karaoké.<br />
Toutefois, la Cour d’Appel de Paris, le 23 janvier 2004, jugea que « la superposition du texte<br />
aux images de cette interprétation ou le cadre général de l’œuvre audiovisuelle dans lequel<br />
cette interprétation s’inscrit, ne modifie pas l’esprit de l’œuvre, qui est une chanson populaire,<br />
ni n’est de nature à la dévaloriser ou à nuire à l’honneur ou à la réputation de son auteur » 2 . Il<br />
n’est donc pas sûr, pour le moment, que l’insertion d’une œuvre musicale dans une œuvre<br />
audiovisuelle porte atteinte à l’esprit de la première. Il serait donc intéressant que la Cour de<br />
Cassation clarifie la situation pour ne pas laisser le karaoké à la seule discrétion des<br />
producteurs et laisser le droit moral des auteurs/artistes-interprètes s’atténuer. L’affirmation<br />
de la Cour d’Appel étant de portée trop générale pour règlementer l’application du droit<br />
d’auteur au karaoké, la Cour de Cassation devrait définir un critère de dévalorisation de<br />
l’œuvre, surtout en ce qui concerne l’ajout d’images.<br />
70. Il faut aussi s’interroger sur une éventuelle atteinte à l’esprit de l’œuvre et de<br />
l’interprétation par le principe même du karaoké.<br />
II. LE RESPECT DE LA DESTINATION D’ORIGINE DE L’ŒUVRE MUSICALE<br />
ET DE SON INTERPRETATION<br />
71. La question est posée par les auteurs et artistes-interprètes de savoir si le karaoké est<br />
conforme à la destination normale d’une chanson.<br />
Lorsque l’auteur cède ses droits patrimoniaux, il met son œuvre à disposition du public en lui<br />
conférant une certaine destination. Lorsque l’œuvre est réutilisée, elle doit l’être aux mêmes<br />
fins que celles prévues à l’origine. Ce qui interdit tout détournement de l’œuvre 3 . Le droit de<br />
destination n’a donc pas juste une composante patrimoniale mais aussi extrapatrimoniale 4 .<br />
D’où la relation étroite entre les droits patrimoniaux et le droit moral.<br />
1<br />
TGI Paris 3 ème ch., 21 février 1989, RIDA, janvier 1990, p.293, obs. A. Kéréver ; A. Kéréver, RIDA, octobre<br />
1996, p.181 ; A. Kéréver, « Les emprunts à une œuvre préexistante et aux personnages d’autrui », op. cit., p.73 et<br />
Colombet, « Droit au respect de l’œuvre et pratiques publicitaires », op. cit., p.87.<br />
2<br />
Paris 4 ème ch., 23 janvier 2004, préc.<br />
3<br />
P. Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°95, 132 et 134.<br />
4<br />
A. Kéréver, « Les emprunts à l’œuvre préexistante et aux personnages d’autrui », op. cit., p.74 ; P. Y. Gautier,<br />
« La fête juridique de la musique », Légicom, n°13, 1997/1, p.1.<br />
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