UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS

Toutefois, l’auteur pourrait accepter, par une stipulation contractuelle, des modifications sur
son œuvre. En effet, selon un arrêt du 28 janvier 2003, à condition de ne pas être une
renonciation globale et une condition potestative, l’auteur peut donner une autorisation
spéciale, en connaissance de cause, aux modifications qui seront apportées par un fabricant de
karaoké 1 . L’important serait donc que l’atteinte au droit moral ne soit pas laissée à la seule
appréciation du producteur de karaoké.
77. Le droit moral est aussi mis en avant par les auteurs/artistes-interprètes relativement aux
atteintes portées à l’esprit de leur prestation. Les tribunaux n’ont pas statué fréquemment sur
ces questions de droit au respect de l’esprit de l’œuvre en matière de karaoké. Les questions
qui posent le plus de problèmes sont l’adjonction d’images et l’incrustation des paroles de la
chanson sur l’écran. Pour la première, il semble évident que si les images n’ont aucun lien
avec l’œuvre et sont bien souvent ridicules par rapport à elle, il faudrait permettre à l’auteur
de revendiquer l’atteinte à l’esprit de son œuvre car il en va d’une dévalorisation de son
oeuvre. Pour la deuxième, quelque peu plus complexe, la même solution devrait s’appliquer.
Un dernier point soulève de nombreuses interrogations et laisse un peu perplexe. Les auteurs
et artistes-interprètes dénoncent le principe même du karaoké comme détournant la
destination d’origine de leur prestation. Les tribunaux sont assez stricts et ne retiennent pas
d’atteinte au droit moral. La justification que l’on peut avancer est que le droit moral doit
trouver des limites, il ne peut être revendiqué sans raisons sous peine que la jurisprudence
relève un abus de droit. En effet, la théorie de l’abus de droit permet d’engager la
responsabilité du titulaire des droits s’il dépasse les limites de son droit et cause par là même
un préjudice à un tiers 2 . Il s’agit d’un principe général du droit qui doit s’appliquer au droit
d’auteur même en l’absence de dispositions expresses en prévoyant l’application 3 . La théorie
de l’abus de droit veille au respect de la finalité du droit moral qui est la défense de la création
de l’auteur. Elle intervient lorsque l’action de l’auteur sur le fondement de son droit moral est
animée d’une toute autre intention (comme un intérêt financier). Les auteurs et artistesinterprètes
sont donc tenus à un devoir de loyauté conformément à l’article 1134, alinéa 3 du
1
Civ. 1 ère , 28 janvier 2003, RIDA, avril 2003, n°96, p.415 et 281, obs. A. Kéréver ; D., 2003, AJ, p.559, obs. J.
Daleau ; CCE, mars 2003, Comm. n°21, C. Caron ; Propriétés Intellectuelles, 2003, n°7, p.165, note P. Sirinelli ;
Légipresse, mai 2003, n°201, III, p.61, note A. Maffre-Bauger; Cahier droit des aff., n°8, p.559 ; P. Y. Gautier,
Propriété littéraire et artistique, op. cit., n°122 ; A. et H. J. Lucas, op. cit., n°427 ; Colombet, op. cit., n°149 ; M.
Gautreau, op. cit., p.47 ; Lucas, Droit d’auteur et numérique, op. cit., n°497 ; N. Mallet-Poujol, op. cit., n°147.
2
F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 6 ème édition, 2003, n°395 ; G. Cornu, Introduction, Les
personnes, Les biens, Montchrestien, 11 ème édition, 2003, n°147 et s., et 1082 et s.
3
C. Caron, Abus de droit et droit d’auteur, Litec, IRPI, 1998, n°20 et s.
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