Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 14bre », il en rédigera plusieurs <strong>au</strong>tres par la suite, dont seul le derniersera publié par son étudiante Denise P<strong>au</strong>lme, à partir de ses notes decours, sous le titre de Manuel d'ethnographie (1947). Thalbitzer nousdonne quelques détails sur sa dette envers M<strong>au</strong>ss dans la communicationqu'il présenta, à Paris, lors <strong>du</strong> Congrès des Américanistes, en1930 :C'est pour moi un moment curieux de me retrouver ici à Paris, après 25ans. Comme <strong>au</strong>jourd'hui, je venais de l'Université de Copenhague, mais jen'étais alors que « candidat », un jeune chercheur, avec des lettres d'intro<strong>du</strong>ctionde mes <strong>professeur</strong>s... Je trouve ici be<strong>au</strong>coup de visages connus...<strong>au</strong> printemps 1905, c'était vous, cher Monsieur M<strong>au</strong>ss et notre regrettéBeuchat qui m'avez si cordialement reçu et intro<strong>du</strong>it, non seulement dansles bibliothèques et les institutions, mais <strong>au</strong>ssi dans le domaine de lascience ethnologique ... Vous souvient-il que nous avons ensemble parcourula culture spirituelle et sociale des Groenlandais, dont, avec Beuchat,vous veniez de main de maître, de publier un essai ? [L'« Essai » a,en fait, été publié l'année suivante.] Vous souvient-il que vous avez soulignépour moi, tous les problèmes et toutes les assertions problématiquesde l'ethnologie esquim<strong>au</strong>de, et qu'à la fin, vous m'avez aidé dans l'élaborationd'un questionnaire ?Cette amitié <strong>du</strong>rera plus de 35 ans et nous en verrons plus loin leseffets sur la recherche anthropologique, tant <strong>au</strong> Danemark qu'enFrance. Dès la fin de l'année académique, en juin 1905, Thalbitzer retourna<strong>au</strong> Danemark et de là partit pour un long voyage qui devait lemener jusqu'à Ammassalik. Voici la tra<strong>du</strong>ction française de quelquesextraits de la lettre 9 qu'il écrivit en allemand, à M<strong>au</strong>ss, à son arrivée :Mon cher M<strong>au</strong>ss,<strong>Le</strong> 9 septembre 1905AngmagsalikJe profite de cette dernière occasion de vous envoyer mes salutations depuiscet endroit isolé <strong>du</strong> monde. Demain le vapeur Godhaab qui m'a amenéici avec ma jeune femme va prendre le chemin <strong>du</strong> retour pour ne revenirque l'année prochaine, <strong>au</strong> mieux, si jamais il revient [...] À six ou sept9 Archives <strong>du</strong> Collège de France, Fonds Hubert-M<strong>au</strong>ss. Je remercie François Thérien d'avoirbien voulu réviser ma tra<strong>du</strong>ction. Angmagsalik est l'ancienne graphie <strong>du</strong> nom <strong>du</strong> village,avant l'uniformisation récente et normalisée des noms de village. On écrit maintenant Ammassalik.
Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 15endroits de la côte, dans les environs d'Ammassalik, on trouve les huttesdes habitants qui vivent ici. Environ 400 indivi<strong>du</strong>s parmi lesquels, vivent 2missionnaires et environ 50 prosélytes, qu'ils ont réussi à convertir. J'ai déjàréussi à parler avec nombre d'entre eux. <strong>Le</strong>s gens donnent l'impressiond'être très simples et très typés. Ils sont très différents de ceux de la côteouest <strong>du</strong> Groenland et absolument pas métissés [...] Portez-vous bien. Ensouvenir reconnaissant des jours passés à Paris, votre très respectueuxWilliam ThalbitzerS'il vous arrivait de voir Beuchat, veuillez lui transmettre mes salutations.On peut se demander le pourquoi <strong>du</strong> choix des Inuit par M<strong>au</strong>sscomme thème majeur de son cours <strong>du</strong>rant deux années et comme sujetprincipal de l'« Essai » ? C'est en effet, dans toute l'œuvre de M<strong>au</strong>ss,le seul essai consacré à un seul peuple, à une seule ethnie. M<strong>au</strong>ss apportelui-même des éléments de réponse à cette question : « <strong>Le</strong>s Esquim<strong>au</strong>xsont, maintenant [en 1903], parmi les groupes soci<strong>au</strong>x ditsprimitifs, l'un des mieux connus ... » (1969, II, p. 73). C'est que viennentde paraître deux ouvrages majeurs, sur les Inuit : The Eskimoabout Bering Strait (1899) de E. W. Nelson, et The Eskimo of BaffinLand and Hudson Bay (1901) de F. Boas. M<strong>au</strong>ss en fera l'analysedans son cours de 1903 ; il la publiera l'année suivante sous forme decomptes-ren<strong>du</strong>s, dans l'Année sociologique (vol. 7, 1904, pp. 225-230).<strong>Le</strong> premier de ces livres, consacré <strong>au</strong>x Inuit d'Alaska (les Yupiit <strong>du</strong>détroit de Béring), intéressa M<strong>au</strong>ss pour deux raisons : en plus deconstituer une ethnographie, très exh<strong>au</strong>stive pour l'époque, sur ungroupe situé à l'extrémité occidentale de J'aire inuit, il faisait ressortirl'existence d'un « totémisme », alors qu'on l'avait cru jusqu'alors absentdans les sociétés inuit ; on y trouvait <strong>au</strong>ssi une description détailléede « maisons des hommes » (Kashim) investies de fonctions religieuses.M<strong>au</strong>ss dans son compte-ren<strong>du</strong> exprime son désaccord avecl'opinion de Boas qui voit dans ce totémisme alaskien un emprunt <strong>au</strong>xgroupes indiens de la côte nord-ouest <strong>du</strong> Pacifique. Il penche, à l'inverse,pour une forme originale de totémisme. On sait l'importancequ'avait pris le débat sur le totémisme à cette époque, débat qui seradéfinitivement tranché en 1962, par l'ouvrage de Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss
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