Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 54sance. Un sexe peut toujours se transformer en l'<strong>au</strong>tre sexe.C'est un domaine que j'ai systématiquement exploré depuis lemilieu des années 1980, avec la division sexuelle des tâches, letransvestisme et la socialisation inversée (<strong>Saladin</strong> <strong>d'Anglure</strong>,1986,1992).- Autre champ longtemps négligé, depuis la Seconde Guerremondiale, celui des rituels chamaniques, après la disparition deK. Rasmussen, qui recueillit sur le terrain des données de trèsgrande valeur à leur sujet. Or, pour M<strong>au</strong>ss, les rituels chamaniqueset la vie religieuse des Inuit connaissent leurs plus importantsdéveloppements <strong>au</strong> cours de l'hiver lorsque la populationest rassemblée dans des établissements plus importants et qu'yprédomine un « communisme » économique et sexuel (<strong>Saladin</strong><strong>d'Anglure</strong>, 1989). Dans les années 1900, j'ai recueilli de nouve<strong>au</strong>xtémoignages sur le chamanisme et sur l'androgynie quisemblait souvent lui être associée. Et là, s'est confirmé le <strong>du</strong>alismesaisonnier relevé par M<strong>au</strong>ss. <strong>Le</strong>s grands rituels chamaniquesétaient bien pratiqués l'hiver, lors des pleines lunes, <strong>au</strong>cours de la nuit polaire. Mais, contrairement à ce que pensaitM<strong>au</strong>ss, ce n'est pas le <strong>du</strong>alisme saisonnier qui leur donne sens,c'est le <strong>du</strong>alisme des sexes, qui sert à penser toutes les <strong>au</strong>tresgrandes différenciations (nuit/jour, hiver/été, mer/terre,Lune/Soleil...). Et, par surcroît, à cette division <strong>du</strong>elle <strong>du</strong> cosmos,s'ajoutait un troisième terme, un troisième sexe (ou genre),celui de l'androgynie, qui servait à exprimer la médiation. J'aitrouvé dans les manuscrits de Svend Frederiksen la confirmationde cette hypothèse que j'avais formulée dès 1986.En dépit de toutes ces avancées, je dois avouer qu'il reste encore <strong>du</strong>travail pour en faire une synthèse, à la h<strong>au</strong>teur <strong>du</strong> débat ouvert parM<strong>au</strong>ss en 1906. Un premier ouvrage (<strong>Saladin</strong> <strong>d'Anglure</strong>, à paraître)l'abordera sous l'angle de la tradition orale et un second sous l'angle del'organisation sociale et religieuse. F<strong>au</strong>t-il rappeler ici, la judicieuseremarque faite par Jenness, dans sa lettre à M<strong>au</strong>ss datée de 1925 etcitée plus h<strong>au</strong>t, qu'un philosophe en chambre a, sur une culture <strong>au</strong>-
Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 55tochtone, un point de vue plus global qu'une personne qui étudie cellecisur le terrain 49 .ConclusionRetour à la table des matièresSi M<strong>au</strong>ss a encouragé le développement d'une nouvelle ethnographiedes Inuit, pour vérifier ses thèses, la mort tragique de Beuchat etles deux guerres mondiales ont contrarié tous ses efforts. Après sadisparition, les héritiers de sa pensée ont formulé d'<strong>au</strong>tres théories, ontexploré d'<strong>au</strong>tres latitudes. Mais voilà que près de 100 ans après la publicationde son stimulant essai sur les Inuit, et les projets francocanadiensqu'à avait élaborés avec Marius Barbe<strong>au</strong>, un nouvel intérêtpour son oeuvre se manifeste à partir <strong>du</strong> Québec. <strong>Le</strong>s liens qui se sontdéveloppés <strong>au</strong> cours des 10 dernières années, entre le GETIC (UniversitéLaval), l'INALCO et plusieurs <strong>au</strong>tres institutions, ont permis demultiplier les échanges entre l'Europe, le Québec et l'Arctique. À Parisa été créée l'Association Inuksuk qui regroupe divers chercheurs ensciences humaines, intéressés par les Inuit et qui ont pour la plupartsuivi les cours de l'INALCO (P. Huret, 2003) ; un Espace culturelinuit vient même d'être ouvert. C'est dans ce con<strong>texte</strong> qu'en août 2004,à Calgary, les participants <strong>au</strong> 14e congrès d'Études inuit ont choisipour la première fois Paris, comme lieu où ils souhaitent tenir leurprochain congrès (le 15e), prévu pour 2006. Ils ont confié à MichèleTherrien et à son équipe de l'INALCO le soin de l'organiser, en liaisonavec l'association Inuksiutiit qui gère ces congrès bienn<strong>au</strong>x, depuis49 S'il fallait classer entre ces deux pôles les inuitologues qui, <strong>au</strong> cours des 10 dernières années,ont manifesté une ambition holiste, susceptible de rejoindre celle de M<strong>au</strong>ss dans son essai, on<strong>au</strong>rait trois catégories de chercheurs : 1) les chercheurs de terrain parlant la langue inuit, parmilesquels se distinguent Fienup-Riordan, <strong>Saladin</strong> <strong>d'Anglure</strong>, Dorais (1996, 2001), Therrien ;2) les chercheurs, plus « philosophes en chambre », comme M<strong>au</strong>ss, avec éventuellement uneconnaissance rudimentaire de la langue et de courtes expériences de terrain, parmi lesquels sedistinguent Oosten, Blaisel, Meillassoux (2001) et quelques <strong>au</strong>tres ; 3) une catégorie intermédiaireenfin, où se distinguent L<strong>au</strong>grand, Nutall, Csonka ou la géographe Collignon, sans préjudicede toutes les recherches en cours, poursuivies par d'<strong>au</strong>tres chercheurs.
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