Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 22vous le voulez bien - vers Coronation Gulf. Il ajoutait, dans cette missive,que la Division d'anthropologie <strong>du</strong> « Geological Survey » <strong>du</strong> Canada seraitdisposée à me proposer comme ethnographe à la dite expédition, à conditionque je fusse dans les conditions requises par M. Stefansson...Trois mois plus tard, le 16 juin, Beuchat écrit à nouve<strong>au</strong> à M<strong>au</strong>ss,cette fois de Victoria, <strong>au</strong> Canada :Nous partons demain matin, pour Nome [Alaska] où nous séjournerons, <strong>au</strong>bas mot, une dizaine de jours, pour embarquer des chiens, des traîne<strong>au</strong>x etdes Esquim<strong>au</strong>x qui seront nos confectionneurs et nos couturières. De lànous ferons voile, sur le Karluk, vers Point Barrow et Herschel Island [...]J'ai vu Barbe<strong>au</strong> à Ottawa ; il a été charmant. Mais rien à faire pour vousquant <strong>au</strong>x Tsimshians, car c'est une portion qu'il se réserve pour lui-même.Peutêtre, si vous voulez étudier les Montagnais (Algonkins) de la provincede Québec, serait-il possible de vous engager temporairement à la Divisiond'anthropologie. Voyez, et si la chose vous plait, écrivez à Barbe<strong>au</strong>[...] L'expédition a subi bien des tiraillements Enfin tout semble s'êtreaplani et la meilleure entente règne entre tous les membres. En particulier,Jenness et moi-même sommes <strong>au</strong> mieux et j'en <strong>au</strong>gure bien pour le succèsde l'expédition...On apprend ainsi que M<strong>au</strong>ss avait projeté d'aller lui-même faire <strong>du</strong>terrain en Colombie-Britannique, chez les Tsimshians, mais c'est leterrain que Barbe<strong>au</strong> se réserve... Reste la possibilité de faire des recherches<strong>au</strong> Québec, chez les Indiens Montagnais. Ce projet a très certainementété contrarié par les terribles évènements survenus l'annéesuivante.Beuchat avait été choisi pour prendre en charge la recherche anthropologiquechez les Inuit <strong>du</strong> Cuivre, il avait comme instructionsd'étudier la religion, les festivals, le folklore, l'organisation sociale etla linguistique ; Diamond Jenness qui l'assistait, devait étudier l'anthropologiephysique, la chasse, la pêche et la technologie en général.C'était une des plus grosses expéditions scientifiques <strong>du</strong> genre, avecquinze experts de diverses disciplines ; elle devait <strong>du</strong>rer quatre ans etrapporter une moisson de données nouvelles. La majeure partie deschercheurs avaient embarqué sur le Karluk à Nome, et après une escaleà Point Barrow (le village le plus septentrional d'Alaska) en juillet1913 ; Us mirent le cap sur l'île canadienne Herschel, à l'est.
Bernard <strong>Saladin</strong> d’Anglure, “M<strong>au</strong>ss et l’anthropologie des Inuit” (2004) 23Mais le 13 août, le bate<strong>au</strong> se trouva emprisonné par les glaces et semit à dériver vers l'ouest. Au bout d'un mois, la nourriture fraîche vintà manquer, et Stefansson décida de tenter une expédition de chasse surla côte, encore proche, avec deux Inuit, Jenness, et un <strong>au</strong>tre membre<strong>du</strong> groupe. Ils parvinrent jusqu'<strong>au</strong> continent, mais une nouvelle tempêtefit dériver le Karluk loin vers le nord-est et à leur devint impossibled'y retourner. Beuchat était resté à bord avec vingt-deux hommes,une femme, deux enfants, seize chiens et un chat...Ils dérivèrent pendant cinq <strong>au</strong>tres mois en direction de l'île Wrangelet des côtes sibériennes. Au cœur de la nuit polaire, le 11 janvier1914, leur bate<strong>au</strong> fut disloqué sous la pression des glaces et coula lelendemain après que tous les occupants aient pu déménager provisionset effets personnels sur la banquise. Ils campèrent un <strong>au</strong>tre mois sousl'iglou. Beuchat tenta alors avec trois de ses compagnons, attelés à destraîne<strong>au</strong>x, de rejoindre à pied l'île de Wrangel, distante de quelquesdizaines de kilomètres. Ils n'y parvinrent apparemment pas et disparurentà jamais. Un <strong>au</strong>tre groupe subit le même sort. <strong>Le</strong>s survivants réussirentnéanmoins à rejoindre l'Île où plusieurs moururent dans lesmois qui suivirent. <strong>Le</strong> restant fut secouru en septembre 1914 seulement.Ce fut une des pires catastrophes à être survenue dans l'Arctiquedepuis la disparition de l'expédition de Franklin.Ce fut une immense perte pour la science <strong>au</strong>ssi. Jenness tenta biende réaliser seul le programme qui avait été prévu pour deux, mais iln'était pas préparé comme l'avait été Beuchat, <strong>au</strong> contact de M<strong>au</strong>ss. Cedernier fut très affecté par la disparition de son fidèle collaborateur.La guerre de 14-18 allait lui en enlever d'<strong>au</strong>tres, comme Maxime David.M<strong>au</strong>ss gardera bien des contacts épistolaires avec Marius Barbe<strong>au</strong>et Diamond Jenness, <strong>au</strong> Canada, et avec Thalbitzer <strong>au</strong> Danemark,mais, en France, il fallait repartir à zéro, former de nouve<strong>au</strong>x chercheurs.L'élection de M<strong>au</strong>ss <strong>au</strong> Collège de France, en 1930, va considérablementrenforcer son influence sur le développement de l'anthropologiefrançaise, qu'il s'agisse de l'organisation de son enseignement universitaire,<strong>au</strong> sein de l'Institut d'ethnologie créé en 1925, de ses applicationsmuséologiques, avec l'organisation <strong>du</strong> Musée <strong>du</strong> Trocadéro,qui deviendra le Musée de l'homme (1938), ou de l'appui à des recher-
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