Le sociologue Marc Bernardot désigne les premiers, ceuxdu BTP, comme les « hommes du béton », et les secondscomme les « hommes du fer » 3 , une distinction qui aeu son importance pendant leur pério<strong>de</strong> d’activité entermes <strong>de</strong> rémunération et <strong>de</strong> conditions <strong>de</strong> travail, etqui conserve un impact aujourd’hui notamment sur leniveau <strong>de</strong> ressources.Destinée <strong>à</strong> accompagner cette arrivée <strong>de</strong> main d’œuvre,l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong>s <strong>foyer</strong>s s’est effectuée au cœur <strong>de</strong> ces bassinsd’emploi, au plus près <strong>de</strong>s ateliers et <strong>de</strong>s usines <strong>de</strong> montage 4 .1.1.1.2 Trente ans après : <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s résidantsd’origine sont toujours présents.Parmi les hommes immigrés résidant en FTM en 1999,8 sur 10 y étaient déj<strong>à</strong> en 1974. Faute d’exploitation <strong>de</strong>sdonnées <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers recensements on ignore quelleest cette proportion aujourd’hui mais les gestionnairesconstatent qu’elle n’a guère diminué : dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<strong>foyer</strong>s qui ont été construits pour loger <strong>de</strong>s <strong>travailleurs</strong>maghrébins, <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s résidants sont doncaujourd’hui <strong>de</strong>s personnes <strong>à</strong> <strong>la</strong> retraite. On les désignecomme « chibanis » 5 .Pour l’essentiel, ces retraités sont <strong>de</strong>s <strong>travailleurs</strong> <strong>migrants</strong>arrivés dans les toutes premières années qui ont suivi<strong>la</strong> construction du <strong>foyer</strong>, et qui ne l’ont pas quitté. Leurparcours n’a donc pas été celui initialement imaginé, nipar <strong>la</strong> puissance publique du pays d’accueil et <strong>de</strong>s paysd’émigration, ni par eux-mêmes : ils ne sont pas repartisau pays, ils ne se sont pas non plus installés en France avecleur famille comme <strong>la</strong> possibilité leur en a été offerte avec<strong>la</strong> procédure du regroupement familial.Il faut noter cependant que certains résidants âgés ont euun parcours qui leur a fait connaître autre chose que le<strong>foyer</strong> : on compte aussi <strong>de</strong>s chibanis parmi les entrants 6 .Certains d’entre eux sont d’anciens résidants <strong>de</strong>s FTMqui avaient pris un logement locatif pour répondre auxconditions requises pour effectuer un regroupementfamilial. D’autres ont pu fon<strong>de</strong>r une famille en France etc’est lorsqu’un événement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie les ramène <strong>à</strong> unecondition d’isolé (le départ <strong>de</strong>s enfants, <strong>la</strong> perte duconjoint, <strong>la</strong> séparation…) qu’ils font le choix du retour auFTM. D’autres encore ont vécu dans <strong>de</strong>s hôtels meublés oule parc ancien dégradé <strong>de</strong> certains quartiers.Ils obéissent pour une part <strong>à</strong> <strong>de</strong>s motifs économiques, lesre<strong>de</strong>vances restant plus abordables que les loyers observésdans le parc privé du bassin d’habitat, mais ils recherchentégalement dans le <strong>foyer</strong> un cadre collectif rassurant qui atténueleur isolement. Ils peuvent ainsi partager les moments <strong>de</strong> <strong>la</strong>vie quotidienne avec <strong>de</strong>s personnes qui leur ressemblent plusque jamais : au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> d’une culture commune, ils ont connu unmême parcours, les mêmes expériences professionnelles etpartagent les mêmes ruptures.1.1.1.3 Une popu<strong>la</strong>tion confrontée au vieillissement et<strong>à</strong> <strong>la</strong> pauvreté.Un vieillissement qui s’accroît.En 1999 l’algérien résidant en <strong>foyer</strong> avait un âge moyen <strong>de</strong>58,4 ans contre respectivement 52,4 ans pour le Tunisienet 51,7 ans pour le Marocain, ce qui est logique puisqueles algériens sont arrivés les premiers pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong><strong>de</strong> l’après-guerre. En moyenne, les résidants <strong>de</strong>s <strong>foyer</strong>ssont arrivés <strong>à</strong> l’âge <strong>de</strong> vingt-cinq ans et <strong>de</strong>mi en France.En novembre 2002, l’IGAS, s’appuyant sur un modèle<strong>de</strong> projection mis au point par <strong>la</strong> Sonacotra 7 <strong>à</strong> partir <strong>de</strong><strong>la</strong> démographie existante <strong>de</strong> ses <strong>foyer</strong>s, arrivait <strong>à</strong> <strong>la</strong>conclusion que le phénomène <strong>de</strong> vieillissement <strong>de</strong>s <strong>foyer</strong>sétait durable, au moins pour les vingt prochaines années,et que <strong>la</strong> part du grand âge al<strong>la</strong>it s’accroître 8 . Les chiffresd’Adoma pour 2009 confirment cette tendance : 38% <strong>de</strong>ses résidants ont plus <strong>de</strong> 60 ans, et 12% plus <strong>de</strong> 71 ans 9 .3. Intervention au séminaire <strong>de</strong> l’ADRI, rapportée par Gilles Desrumaux-contribution <strong>de</strong> l’UNAFO sur « l’adaptation <strong>de</strong>s FTM au vieillissement <strong>de</strong>s résidants »-février2002.4. La géographie <strong>de</strong>s FTM est présentée au chapitre 3.5. « Cheveux b<strong>la</strong>ncs » en arabe.6. Constat dressé par certains gestionnaires rencontrés par le Haut comité.7. Devenue ADOMA en 2007.8. In « Rapport sur les immigrés vieillissants », rapport <strong>de</strong> l’IGAS-novembre 2002.9. In suivi du contrat d’objectifs 2009.18
Il existe bien entendu d’autres personnes âgées dans les<strong>foyer</strong>s et tout particulièrement dans les <strong>foyer</strong>s transformésen rési<strong>de</strong>nce <strong>sociale</strong>, mais les ressortissants <strong>de</strong>s pays duMaghreb représentent le contingent le plus importantet sont les plus nombreux parmi les plus avancés enâge. Ainsi, dans le parc d’ Adoma, plus <strong>de</strong> neuf personnessur dix ayant plus <strong>de</strong> 75 ans sont <strong>de</strong>s maghrébins.Des ressources faibles, dont une part continue d’êtreenvoyée au pays.Les retraités maghrébins qui rési<strong>de</strong>nt dans les <strong>foyer</strong>sdisposent <strong>de</strong> ressources particulièrement faibles. Leurscarrières professionnelles ont été marquées par unealternance <strong>de</strong> pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travail parfois non déc<strong>la</strong>ré et <strong>de</strong>chômage, et ils ont connu <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> rémunérationinférieurs <strong>à</strong> ceux <strong>de</strong>s <strong>travailleurs</strong> français. Le rapport <strong>de</strong>l’IGAS a par ailleurs très bien souligné les difficultés qu’ilsrencontrent dans <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> leur carrière. Malgrél’engagement <strong>de</strong>s caisses <strong>de</strong> retraite <strong>à</strong> améliorer leursactions dans ce domaine, ces difficultés sont aujourd’huiencore bien réelles.Ce n’est qu’aux termes d’une action contentieusedébutée au milieu <strong>de</strong>s années quatre-vingt par uneassociation grenobloise (l’ODTI) pour qu’un ressortissantalgérien bénéficie du fonds <strong>de</strong> solidarité vieillesse <strong>de</strong>l’époque que les résidants <strong>de</strong>s <strong>foyer</strong>s ont obtenu <strong>de</strong>bénéficier <strong>de</strong> cette prestation dite non contributive. Ceprincipe a été inscrit dans <strong>la</strong> loi du 11 mai 1998 re<strong>la</strong>tive<strong>à</strong> l’entrée et au séjour <strong>de</strong>s étrangers en France et audroit d’asile 10 .Un certain nombre <strong>de</strong> résidants touche donc l’Allocation <strong>de</strong>Solidarité aux Personnes Agées (ASPA) 11 , qui a remp<strong>la</strong>céle fonds <strong>de</strong> solidarité vieillesse en 2006 et a permis unere<strong>la</strong>tive simplification pour les usagers. Les autres touchent<strong>de</strong>s pensions qui varient selon l’importance <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<strong>de</strong> cotisation validées, les plus « favorisés » étant ceuxqui ont pu faire une carrière complète dans le secteur <strong>de</strong><strong>la</strong> métallurgie.Comme le pointait le rapport <strong>de</strong> l’IGAS, force est <strong>de</strong>constater l’absence d’un système national d’observationsur le niveau <strong>de</strong> ressources <strong>de</strong>s résidants actifs ou retraités.Alors que les ressources <strong>de</strong>s locataires Hlm font l’objetd’une enquête régulière, celles <strong>de</strong>s résidants <strong>de</strong>s <strong>foyer</strong>s<strong>de</strong> <strong>travailleurs</strong> <strong>migrants</strong> et, plus <strong>la</strong>rgement, <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong>s logements <strong>foyer</strong>s ne sont pas recensées.Dans <strong>la</strong> continuité <strong>de</strong> leur pério<strong>de</strong> d’activité, ces personnescontinuent <strong>à</strong> envoyer au pays une part même mo<strong>de</strong>ste <strong>de</strong>leurs ressources, au prix <strong>de</strong> privations importantes comptetenu <strong>de</strong> leur reste <strong>à</strong> vivre après paiement <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>de</strong>vanceau gestionnaire. Cet engagement financier est inégalselon <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, plus important quandle migrant a <strong>de</strong> jeunes enfants plutôt que <strong>de</strong>s enfantsayant atteint l’âge adulte, mais il <strong>de</strong>meure lorsqu’il aatteint <strong>la</strong> retraite. Malgré l’apparente mo<strong>de</strong>stie <strong>de</strong> cettecontribution <strong>à</strong> ceux restés l<strong>à</strong>-bas, elle revêt <strong>à</strong> leurs yeuxune valeur hautement symbolique. L’argent qui continue<strong>à</strong> être envoyé peut être considéré comme « une forme<strong>de</strong> rançon <strong>de</strong> l’exil » 12 : ils achètent leur exil auprès <strong>de</strong>smembres <strong>de</strong> leur famille restée sur p<strong>la</strong>ce.1.1.2 Les raisons du maintien en France et dans les<strong>foyer</strong>s <strong>à</strong> l’heure <strong>de</strong> <strong>la</strong> retraite.1.1.2.1 L’aller-retour s’est peu <strong>à</strong> peu substitué au projetdu retour au pays.Un retour au pays <strong>de</strong>venu impossible.On peut s’étonner <strong>de</strong> ce que le retour au pays neconstitue plus le projet alors que <strong>la</strong> raison qui avaitmotivé l’immigration, c’est <strong>à</strong> dire l’emploi, a disparu.Cependant l’histoire <strong>de</strong>s migrations <strong>de</strong>puis le XIX ème siècledémontre qu’après un certain temps <strong>de</strong> présence dansle pays d’accueil, <strong>la</strong> personne immigrée révise ce queles sociologues appellent son « projet migratoire » ets’installe <strong>de</strong> manière durable. L’immigration maghrébinene fait pas exception <strong>à</strong> cette constante. Ainsi Ab<strong>de</strong>lmalekSayad, sociologue algérien affirme que « l’immigration10. Nouveaux articles L. 816-1 et L. 821-9 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité <strong>sociale</strong>, introduits par <strong>la</strong> loi du 11 mai 1998.11. L’ASPA est accordée <strong>à</strong> toute personne âgée d’au moins 65 ans et <strong>de</strong> 60 ans en cas d’acci<strong>de</strong>nt du travail, en situation régulière et résidant <strong>de</strong> manière effective enFrance. Il n’y a pas <strong>de</strong> conditions mises <strong>à</strong> <strong>la</strong> durée du séjour en France. Le montant maximum servi pour une personne seule est <strong>de</strong> 709 € par mois (au 1 er avril 2009).12. In Document <strong>de</strong> l’UNAFO, l’accès aux droits sociaux <strong>de</strong>s étrangers vieillissants, février 2002.19
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