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Du foyer de travailleurs migrants à la résidence sociale

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algérienne qu’on a constituée et pensée pendant trèslongtemps comme l’exemple même <strong>de</strong> l’immigration <strong>de</strong>travail est <strong>de</strong>venue inopinément une « immigration <strong>de</strong>peuplement » 13 qu’elle ait ou non conduit <strong>à</strong> ce que cescélibataires géographiques fassent venir leur famille restéeau pays.Le rapport <strong>de</strong> l’IGAS sur les immigrés vieillissants rédigéen 2002 permet d’appréhen<strong>de</strong>r le nombre d’hommes nésau Maghreb qui perçoivent leurs pensions au titre <strong>de</strong> leurpério<strong>de</strong> d’activité en France, dans leur pays d’origine eten France : au 31 décembre 2000, sur 520 000 pensionsdites <strong>de</strong> droit direct, 55% étaient versées en France. Ilfaut préciser que les personnes qui n’ont pas cotisésuffisamment pour faire valoir leurs droits <strong>à</strong> <strong>la</strong> retraite nesont pas comptabilisées et que comme le rappellent lesauteurs du rapport, ces chiffres intègrent « les immigrésayant fait venir leur famille en France, ceux ayant acquis<strong>la</strong> nationalité française, les « célibatairisés » faisant <strong>de</strong>sallers-retours avec le pays d’origine et les isolés ayantcoupé les liens avec le pays d’origine ».Concernant plus particulièrement les résidants en <strong>foyer</strong>,nous ne disposons pas <strong>de</strong> données permettant d’évaluerle nombre <strong>de</strong> ceux qui ont regagné leur pays. Le suivi<strong>de</strong> <strong>la</strong> trajectoire <strong>de</strong>s résidants est inexistant malgré lesefforts <strong>de</strong> certains gestionnaires pour donner <strong>à</strong> voir unephotographie annuelle du peuplement <strong>de</strong> leurs <strong>foyer</strong>s etrési<strong>de</strong>nces <strong>sociale</strong>s. Nous savons simplement que les FTMsont aujourd’hui massivement peuplés <strong>de</strong> « chibanis ».Nous savons aussi qu’une majorité <strong>de</strong>s résidants en <strong>foyer</strong>avaient un passé familial avant d’arriver en France : leschiffres <strong>de</strong> 1999 nous indiquent que 54% d’entre euxvivaient en couple avant <strong>de</strong> traverser <strong>la</strong> méditerranée,et 48 % étaient déj<strong>à</strong> pères <strong>de</strong> familles 14 . Leur famille estrestée au pays, faute d’avoir pu bénéficier d’une procédure<strong>de</strong> regroupement familial dont on connaît les complexitésadministratives, et qui suppose évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong> pouvoirjustifier d’un véritable logement, et non d’une simplechambre <strong>de</strong> FTM. Les <strong>travailleurs</strong> <strong>migrants</strong> ont développé<strong>de</strong>s liens parmi leurs collègues <strong>de</strong> travail et <strong>à</strong> l’intérieurdu <strong>foyer</strong>. Par contre l’exil <strong>de</strong> travail a progressivementdistendu les liens entre <strong>la</strong> famille et le travailleur migrantmalgré les retours réguliers au pays <strong>à</strong> l’occasion <strong>de</strong>s congésou <strong>de</strong>s fêtes traditionnelles.Ces célibataires géographiques auraient dû logiquementregagner leur pays d’origine <strong>à</strong> l’heure <strong>de</strong> <strong>la</strong> retraite, maison pouvait s’attendre aussi au retour <strong>de</strong> ceux qui n’avaientni femmes, ni enfants au pays. Leur maintien en Franceapparaît comme le signe d’un véritable déracinement.Ainsi selon Ab<strong>de</strong>lmalek Sayad, « un travailleur immigré(…) reste toujours un travailleur qu’on définit et qu’ontraite comme provisoire ».Le non retour au pays n’est pas pour autant unrenoncement <strong>à</strong> une origine et une culture, ni un choixd’assimi<strong>la</strong>tion dans <strong>la</strong> société française : seuls 6,3% <strong>de</strong> cesrésidants avaient acquis <strong>la</strong> nationalité française en 1999 15 ,une proportion qui reste très mo<strong>de</strong>ste. Il correspond enfait tout simplement <strong>à</strong> <strong>la</strong> poursuite, après <strong>la</strong> retraite, d’unevie d’allers-retours entre pays d’origine et pays d’accueil.L’aller-retour ou le refus <strong>de</strong> choisir.Les <strong>travailleurs</strong> <strong>migrants</strong> ont effectué <strong>de</strong>s allers-retourstout au long <strong>de</strong> leur pério<strong>de</strong> d’activité, rentrant au payspendant leurs congés annuels ou entre <strong>de</strong>ux pério<strong>de</strong>sd’activité. Ces allers-retours leur ont permis <strong>de</strong> trouverun équilibre entre <strong>la</strong> famille restée au pays et les réseauxamicaux qu’ils ont tissés en France.La retraite venue, ceux qui ne pratiquent plus lesallers-retours, ont généralement rompu tous les liensavec le pays d’origine, ou ont leur famille en France etnotamment leurs enfants, mais parfois, c’est aussi <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die qui peut empêcher <strong>de</strong> voyager. Néanmoins,pour 70% <strong>de</strong>s résidants <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 60 ans d’ADOMA,l’aller-retour entre <strong>la</strong> France et le pays d’origine continue<strong>de</strong> rythmer <strong>la</strong> vie 16 . Compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong> ces13. In « La Double absence », éditions du Seuil, 1999.14. Dans le parc <strong>de</strong> droit commun, ces taux sont inférieurs : ils sont respectivement <strong>de</strong> 25% et 30%.15. Données issues du rapport <strong>de</strong> <strong>la</strong> CNAV re<strong>la</strong>tif au vieillissement <strong>de</strong>s hommes isolés immigrés en <strong>foyer</strong>s sous <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> Rémi GALLOU, juin 2005.16. Chiffre tiré <strong>de</strong> l’enquête « ai<strong>de</strong>s <strong>à</strong> domicile » d’ADOMA en 2005 et cité par Le Logement <strong>de</strong>s immigrés <strong>à</strong> l’épreuve du vieillissement, ADOMA et Ville et Habitat,mars 2009.20

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