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SPECTRUM #3/2017

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TRIBUNE<br />

Woman of Mystery<br />

Il est des matins, lorsque la veille n’a pas été trop<br />

chargée en boisson, où tu me donnes l’opportunité<br />

de m’émerveiller. Un adage dit que les yeux sont<br />

le reflet de l’âme, il y a manifestement affaire chez toi<br />

à quelque chose de différent. Tu es déjà venue, c’est<br />

certain. Une vie ne suffit pas à charger ainsi un regard.<br />

Elles n’ont que de simples piscines dont on fait le tour<br />

en deux brasses, l’eau est froide. Va savoir pourquoi<br />

tu as la responsabilité de contenir un océan dans lequel<br />

j’aimerais plonger. Je ne veux pas connaître ton<br />

histoire, ce sont ses mensonges qui m’intéressent, et<br />

ce poids. Il alourdit tes cernes. Tu fuis.<br />

Inutile de demander si tu as déjà vu la pluie, elle s’est<br />

arrêtée au pas de ta porte, et l’œil du cyclone jalouse<br />

les situations de détresse dans lesquelles tu t’es trouvée.<br />

Comme toujours, lorsque tu me pétrifies, je tente<br />

le reste de la matinée de déchiffrer les deux livres dont<br />

tu ne m’offres que la préface. Ils sont écrits dans cette<br />

langue à laquelle je comprends quelques mots.<br />

On m’a dit ce à quoi ressemblait chez toi ce qui préoccupe<br />

d’habitude un garçon de 22 ans. Tu ne me laisses<br />

pas le temps d’avoir envie de regarder, ce serait faire<br />

honte à ce cadeau empoisonné qui te distingue. Ils<br />

vont vite, personne n’a une minute pour t’entendre.<br />

Je me répute un des élus écorchés qui y parvient d’une<br />

manière aphone, interprétant ce panorama bleu et<br />

trop souvent rouge que tu offres malgré toi, qui donne<br />

une touche de couleur à ce visage méfiant et ravissant.<br />

Impossible de dissimuler l’espoir qu’un jour, un début<br />

de conversation futile et diplomatique s’amorce<br />

autour d’une de ces cigarettes que l’on consomme à<br />

outrance, faisant paradoxalement disparaître un instant<br />

le crabe qui s’accroche à nos cœurs. Si c’est le cas,<br />

inquiètes-toi. Je n’ai pas perdu l’art d’écouter.<br />

EVAN<br />

LUMIGNON<br />

Feuilleton : « Barbara »<br />

Qui l’eut cru ? Barbara,<br />

sans le savoir, faisait<br />

face à un énergumène<br />

avec les yeux d’un minotaure,<br />

un horrible animal<br />

perdu dans son propre labyrinthe.<br />

Mais sans des lunettes<br />

de vue, un taureau peut rapidement<br />

se transformer en<br />

un prince très charmant. Et Barbara, comme on s’y<br />

attendait, devint une des nombreuses victimes de la<br />

malicieuse illusion. Malgré tout cela, les regards se<br />

soutinrent durant une interminable minute, jusqu’à<br />

ce que le minotaure prenne la parole. Ce dernier remarqua<br />

la cruauté implacable d’un visage terrassé par<br />

la hideur. Et pourtant, il fut subjugué par ce même<br />

visage.<br />

« Je m’appelle Drilon. » commença-t-il sur un ton<br />

mielleux. Barbara préférait la voix au visage. Elle pensait<br />

toujours que le charme s’exprimait par le biais<br />

de la mélodie, et que le corps n’était qu’un emprunt<br />

qu’on rendrait à la Grande Faucheuse, celle qui chante<br />

la pire des berceuses. Pour Barbara, l’apparent beau<br />

visage de Drilon passa au second plan. Mais du point<br />

de vue des statues grecques, il ressemblait plutôt à de<br />

la putride fioriture.<br />

Ainsi allait s’entamer cette interaction, sur les futilités<br />

d’un romantisme mort au 18ème siècle. Barbara répondit<br />

« Et moi c’est Barbara. » avec une timidité telle<br />

que les pigeons picorant au loin furent mal à l’aise.<br />

« On dirait que tu as perdu tes lunettes. Tu louches<br />

beaucoup. » remarqua Drilon le Minotaure. La dulcinée<br />

fut touchée par ce compliment si véritable. Elle<br />

décida d’enchérir avec une autodérision que seuls les<br />

niais comprendraient : « Loucher, c’est ce qui me rend<br />

belle. » Quant au béotien adepte des répliques narcissiques,<br />

il surenchérit par pure générosité : « Et moi je<br />

suis beau tout court, mais le vois-tu Barbara ? ». Drilon<br />

avait l’air très sûr de lui. Ce que Barbara ne voyait<br />

pas, c’était la bouteille de whisky cachée dans la main<br />

droite et moite de ce sexagénaire alcoolique. Il semblait<br />

que le grand romantique nombriliste avait des<br />

choses à cacher, mais lesquelles ?<br />

Dans quelle situation l’indigente Barbara s’est-elle<br />

engouffrée ? Seul le prochain auteur le saura, et vous<br />

bien entendu…<br />

En attendant la suite, retrouve l’intégralité<br />

du feuilleton sur notre site<br />

web<br />

www.unifr.ch/spectrum<br />

DRILON<br />

MEMETI<br />

Prenez la parole et envoyez vos productions à : redaction@spectrum-unifr.ch<br />

18<br />

3/<strong>2017</strong>

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