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RÉACTIONS À LA TRIBUNE : « LETTRE À LA PLUS BELLE DE TOUTES »<br />
La tribune du dernier numéro, intitulée « Lettre à la plus belle de toutes », a suscité beaucoup d’émoi.<br />
Cette page est ainsi dédiée à diverses réactions, afin que les lecteurs puissent juger par eux-mêmes.<br />
Le débat est ouvert !<br />
Réaction du Groupe "Genre et Société" de solidaritéS<br />
Fribourg/Freiburg<br />
Par la présente, nous réagissons à l’écrit par M. Drilon Memeti<br />
« Lettre à la plus belle de toutes ». Malgré le caractère « libre »<br />
attribué à cette Tribune, nous pensons, en tant qu’organisation<br />
féministe et positionnée contre toutes formes de discriminations,<br />
qu’il existe des limites. S’il est évident que tout texte<br />
peut et doit être soumis à diverses interprétations, dans ce cas<br />
précis, nous estimons que M. Memeti a largement dépassé les<br />
bornes. Son message banalise une forme de violence de genre<br />
s’approchant à plusieurs reprises d’actes reléguant la femme a<br />
un statut de réceptacle passif au service d’un désir masculin naturalisé.<br />
Notre considération n’est ni du ressort de la censure<br />
idéologique, ni même du ressort d’un non-respect de la liberté<br />
d’expression, mais bien de celui de la prise de conscience nécessaire<br />
à la portée de certaines formulations. Ce sont moins<br />
les métaphores graveleuses étalées dans ce pamphlet, que leur<br />
portée performative qui nous désolent. Notons par ailleurs que<br />
l’utilisation de certains termes, souvent sous couvert d’humour,<br />
sert à la banalisation des rapports hiérarchisés de sexe, leur<br />
permettant ainsi de continuer leurs courses pernicieuses. Notre<br />
intention n’est pas de démêler la raison du tort, mais bien de<br />
rendre attentif, tant son auteur que son équipe de publication,<br />
que la portée de certains mots est difficilement maîtrisable et<br />
participe à la construction, ainsi qu’au maintien de certaines<br />
représentations sociales.<br />
Réaction de la Fachschaft Jus<br />
Dans notre société, toujours plus axée sur les moyens numériques,<br />
on trouve de plus en plus d’auteurs libres sur la toile. Cependant,<br />
certains quotidiens gardent leur format papier et, bien que touchés<br />
par le dédain de lecteurs chaque jour plus nombreux, ces journaux<br />
résistent encore et toujours à l’envahisseur. C’est ainsi qu’à l’intérieur<br />
de notre Alma Mater, l’Association Générale des Étudiant-e-s<br />
de l’Université de Fribourg, composée notamment de la Fachschaft<br />
Jus, a décidé de financer un journal. Ce magazine des étudiants<br />
porte fièrement la bannière de la presse écrite sur les murailles de<br />
l’indifférence de trop nombreuses personnes. Spectrum, guidé par<br />
la vision de deux rédacteurs en chef, l’un francophone, l’autre germanophone,<br />
représente ainsi certaines valeurs de notre Université.<br />
À la lecture de la dernière tribune, où chacun peut exprimer ses<br />
idées, nous avons pu admirer l’œuvre ô combien poétique de l’un<br />
de nos camarades. L’admiration a pourtant été teintée d’un certain<br />
trouble. En effet, derrière ces lignes littéraires et imagées, nous<br />
n’avons pas été certains de déceler le respect dû à la moitié de la<br />
population du globe. Est-ce une triste réalité de notre société, qui<br />
utilise la liberté d’expression afin de couvrir même des textes pouvant<br />
être perçus comme insultants ? Est-ce un éloge ou une simple<br />
prise en considération du fait d’être pris dans une tourmente de<br />
mœurs sans pouvoir s’en sortir ? Nous ne le saurons probablement<br />
jamais. Sans remettre en question la liberté d’expression et d’opinion<br />
qui permet de diffuser ses idées, nous nous demandons si la<br />
publication d’un tel article est vraiment le seul levier permettant à<br />
Spectrum d’enfin attirer l’attention des étudiants.<br />
Réaction de l’auteur de la tribune, Drilon Memeti<br />
Dans la vie, il arrive d’être incompris, car la manière dont on<br />
s’exprime peut refléter une confusion dans l’esprit d’un homme.<br />
Laissez-moi vous expliquer la réelle teneur de la « Lettre à la plus<br />
belle de toutes ». A juste titre, beaucoup de lectrices et lecteurs ont<br />
interprété cette lettre comme une représentation de la misogynie<br />
sous sa forme la plus fourbe. Cette lettre représente en réalité une<br />
vraie lettre d’amour qui se détourne de son objectif premier par le<br />
biais de ces métaphores très sexuelles. Ce texte cache une critique<br />
de l’auteur de la lettre, un auteur qui ne sait pas exprimer ses sentiments<br />
à l’égard de la femme de ses rêves. Une lutte interne qui<br />
reflète un problème bien plus large : celui de l’homme qui n’admet<br />
nullement ce qui serait, selon les normes sociales un peu floues,<br />
une faiblesse que l’on nomme la sensibilité. C’est donc l’auteur qui<br />
est pris en dérision, sans aucune barrière verbale. Comme vous devez<br />
à présent le comprendre, il ne demeure aucun caractère discriminatoire.<br />
Mon seul regret est d’avoir voulu jouer sur une subtilité<br />
exacerbée. Désormais, sachez que chaque fois que je dénonce une<br />
chose (futile ou essentielle), l’ironie et l’humour constituent deux<br />
de mes caractéristiques littéraires. Cela dit, ce ne sont pas des excuses<br />
que je vous fais, mais bien des aveux à cœur ouvert, car il<br />
n’y a rien de plus beau que d’expliquer l’inexplicable (aux yeux des<br />
autres). Retenez enfin ceci : c’est au milieu d’un océan d’incohérence<br />
qu’on trouve un sens à ses pensées…<br />
Réaction du Comité directeur de Spectrum<br />
La rubrique « Tribune » de Spectrum est un espace libre, dédié<br />
aux étudiants de l’Université de Fribourg. Les tribunes peuvent<br />
prendre différentes formes : critique, « coup de gueule », poème,<br />
essai, etc... De ce fait, conformément à la vocation publique d’une<br />
tribune, la rédaction de Spectrum a tenu à publier les contributions<br />
qui lui ont été envoyées sans en censurer le contenu. Les<br />
avis exprimés sur cette page ne représentent donc pas nécessairement<br />
ceux de la rédaction ou de ses collaborateurs. En l’occurrence,<br />
il ne s’agit pas, pour ce texte, d’un avis mais d’une lettre<br />
d’amour fictive, que M. Memeti a pris la peine de nous envoyer.<br />
Spectrum assume entièrement la publication de cette tribune et<br />
préfère la liberté d’expression à la censure idéologique. La visée<br />
humoristique de ce texte nous paraît assez évidente. Une lecture<br />
au premier degré serait alors problématique. Que le texte soit<br />
jugé mauvais ou pas drôle est une chose, mais la lecture littérale<br />
que le lecteur peut en faire n’appartient qu’à lui. Les avis sur cette<br />
tribune sont effectivement partagés. La rédaction a reçu autant<br />
de retours de lecteurs ayant ri que de lecteurs n’ayant pas apprécié.<br />
Mais qui a raison, qui a tort ? Le meilleur moyen est de laisser<br />
les lecteurs se faire leur propre avis et de ne pas les prendre pour<br />
des idiots en censurant à priori. Et nous pensons que le milieu<br />
universitaire, où l’esprit critique est prôné dans chacun de nos<br />
cours, a suffisamment de recul pour appréhender ce texte.<br />
30<br />
3/<strong>2017</strong>