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SPECTRUM #3/2017

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RÉACTIONS À LA TRIBUNE : « LETTRE À LA PLUS BELLE DE TOUTES »<br />

La tribune du dernier numéro, intitulée « Lettre à la plus belle de toutes », a suscité beaucoup d’émoi.<br />

Cette page est ainsi dédiée à diverses réactions, afin que les lecteurs puissent juger par eux-mêmes.<br />

Le débat est ouvert !<br />

Réaction du Groupe "Genre et Société" de solidaritéS<br />

Fribourg/Freiburg<br />

Par la présente, nous réagissons à l’écrit par M. Drilon Memeti<br />

« Lettre à la plus belle de toutes ». Malgré le caractère « libre »<br />

attribué à cette Tribune, nous pensons, en tant qu’organisation<br />

féministe et positionnée contre toutes formes de discriminations,<br />

qu’il existe des limites. S’il est évident que tout texte<br />

peut et doit être soumis à diverses interprétations, dans ce cas<br />

précis, nous estimons que M. Memeti a largement dépassé les<br />

bornes. Son message banalise une forme de violence de genre<br />

s’approchant à plusieurs reprises d’actes reléguant la femme a<br />

un statut de réceptacle passif au service d’un désir masculin naturalisé.<br />

Notre considération n’est ni du ressort de la censure<br />

idéologique, ni même du ressort d’un non-respect de la liberté<br />

d’expression, mais bien de celui de la prise de conscience nécessaire<br />

à la portée de certaines formulations. Ce sont moins<br />

les métaphores graveleuses étalées dans ce pamphlet, que leur<br />

portée performative qui nous désolent. Notons par ailleurs que<br />

l’utilisation de certains termes, souvent sous couvert d’humour,<br />

sert à la banalisation des rapports hiérarchisés de sexe, leur<br />

permettant ainsi de continuer leurs courses pernicieuses. Notre<br />

intention n’est pas de démêler la raison du tort, mais bien de<br />

rendre attentif, tant son auteur que son équipe de publication,<br />

que la portée de certains mots est difficilement maîtrisable et<br />

participe à la construction, ainsi qu’au maintien de certaines<br />

représentations sociales.<br />

Réaction de la Fachschaft Jus<br />

Dans notre société, toujours plus axée sur les moyens numériques,<br />

on trouve de plus en plus d’auteurs libres sur la toile. Cependant,<br />

certains quotidiens gardent leur format papier et, bien que touchés<br />

par le dédain de lecteurs chaque jour plus nombreux, ces journaux<br />

résistent encore et toujours à l’envahisseur. C’est ainsi qu’à l’intérieur<br />

de notre Alma Mater, l’Association Générale des Étudiant-e-s<br />

de l’Université de Fribourg, composée notamment de la Fachschaft<br />

Jus, a décidé de financer un journal. Ce magazine des étudiants<br />

porte fièrement la bannière de la presse écrite sur les murailles de<br />

l’indifférence de trop nombreuses personnes. Spectrum, guidé par<br />

la vision de deux rédacteurs en chef, l’un francophone, l’autre germanophone,<br />

représente ainsi certaines valeurs de notre Université.<br />

À la lecture de la dernière tribune, où chacun peut exprimer ses<br />

idées, nous avons pu admirer l’œuvre ô combien poétique de l’un<br />

de nos camarades. L’admiration a pourtant été teintée d’un certain<br />

trouble. En effet, derrière ces lignes littéraires et imagées, nous<br />

n’avons pas été certains de déceler le respect dû à la moitié de la<br />

population du globe. Est-ce une triste réalité de notre société, qui<br />

utilise la liberté d’expression afin de couvrir même des textes pouvant<br />

être perçus comme insultants ? Est-ce un éloge ou une simple<br />

prise en considération du fait d’être pris dans une tourmente de<br />

mœurs sans pouvoir s’en sortir ? Nous ne le saurons probablement<br />

jamais. Sans remettre en question la liberté d’expression et d’opinion<br />

qui permet de diffuser ses idées, nous nous demandons si la<br />

publication d’un tel article est vraiment le seul levier permettant à<br />

Spectrum d’enfin attirer l’attention des étudiants.<br />

Réaction de l’auteur de la tribune, Drilon Memeti<br />

Dans la vie, il arrive d’être incompris, car la manière dont on<br />

s’exprime peut refléter une confusion dans l’esprit d’un homme.<br />

Laissez-moi vous expliquer la réelle teneur de la « Lettre à la plus<br />

belle de toutes ». A juste titre, beaucoup de lectrices et lecteurs ont<br />

interprété cette lettre comme une représentation de la misogynie<br />

sous sa forme la plus fourbe. Cette lettre représente en réalité une<br />

vraie lettre d’amour qui se détourne de son objectif premier par le<br />

biais de ces métaphores très sexuelles. Ce texte cache une critique<br />

de l’auteur de la lettre, un auteur qui ne sait pas exprimer ses sentiments<br />

à l’égard de la femme de ses rêves. Une lutte interne qui<br />

reflète un problème bien plus large : celui de l’homme qui n’admet<br />

nullement ce qui serait, selon les normes sociales un peu floues,<br />

une faiblesse que l’on nomme la sensibilité. C’est donc l’auteur qui<br />

est pris en dérision, sans aucune barrière verbale. Comme vous devez<br />

à présent le comprendre, il ne demeure aucun caractère discriminatoire.<br />

Mon seul regret est d’avoir voulu jouer sur une subtilité<br />

exacerbée. Désormais, sachez que chaque fois que je dénonce une<br />

chose (futile ou essentielle), l’ironie et l’humour constituent deux<br />

de mes caractéristiques littéraires. Cela dit, ce ne sont pas des excuses<br />

que je vous fais, mais bien des aveux à cœur ouvert, car il<br />

n’y a rien de plus beau que d’expliquer l’inexplicable (aux yeux des<br />

autres). Retenez enfin ceci : c’est au milieu d’un océan d’incohérence<br />

qu’on trouve un sens à ses pensées…<br />

Réaction du Comité directeur de Spectrum<br />

La rubrique « Tribune » de Spectrum est un espace libre, dédié<br />

aux étudiants de l’Université de Fribourg. Les tribunes peuvent<br />

prendre différentes formes : critique, « coup de gueule », poème,<br />

essai, etc... De ce fait, conformément à la vocation publique d’une<br />

tribune, la rédaction de Spectrum a tenu à publier les contributions<br />

qui lui ont été envoyées sans en censurer le contenu. Les<br />

avis exprimés sur cette page ne représentent donc pas nécessairement<br />

ceux de la rédaction ou de ses collaborateurs. En l’occurrence,<br />

il ne s’agit pas, pour ce texte, d’un avis mais d’une lettre<br />

d’amour fictive, que M. Memeti a pris la peine de nous envoyer.<br />

Spectrum assume entièrement la publication de cette tribune et<br />

préfère la liberté d’expression à la censure idéologique. La visée<br />

humoristique de ce texte nous paraît assez évidente. Une lecture<br />

au premier degré serait alors problématique. Que le texte soit<br />

jugé mauvais ou pas drôle est une chose, mais la lecture littérale<br />

que le lecteur peut en faire n’appartient qu’à lui. Les avis sur cette<br />

tribune sont effectivement partagés. La rédaction a reçu autant<br />

de retours de lecteurs ayant ri que de lecteurs n’ayant pas apprécié.<br />

Mais qui a raison, qui a tort ? Le meilleur moyen est de laisser<br />

les lecteurs se faire leur propre avis et de ne pas les prendre pour<br />

des idiots en censurant à priori. Et nous pensons que le milieu<br />

universitaire, où l’esprit critique est prôné dans chacun de nos<br />

cours, a suffisamment de recul pour appréhender ce texte.<br />

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3/<strong>2017</strong>

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