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Tennis

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SOCIÉTÉ<br />

le même sexe trahissent sournoisement<br />

l’hospitalité toute relative du milieu<br />

pour les joueurs défiant les lois de la standardisation.<br />

De ses propos transpirent une<br />

évidence : il avait conscience que la transparence<br />

n’était pas forcément compatible avec<br />

la poursuite d’une carrière sereine dans un<br />

univers guère friand des minorités.<br />

Ce coming-out a donc fait rejaillir tout<br />

un tas de questions, délicatement enfouies<br />

sous les bâches d’un milieu trop soucieux<br />

de son confort pour se les poser. L’équation<br />

est simple. Soit il n’y a pas de gay(s)<br />

à l’ATP, soit il(s) se cache(nt). La première<br />

option est validée par les faits puisqu’aucun<br />

homo n’avait levé le petit doigt depuis Bill<br />

Tilden, vainqueur de dix titres du Grand<br />

Chelem dans les années 20, et Gottfried<br />

Von Cramm, doublement sacré à Roland-<br />

Garros (1934, 1936). Vite tranché, vite<br />

expédié, circulez.<br />

« LE SPORT RÉSISTE<br />

AUX ÉVOLUTIONS SOCIÉTALES »<br />

Tout n’est sans doute pas aussi limpide et basique.<br />

Et pour cause, selon Patrick Mignon,<br />

sociologue du sport et chercheur à l’INSEP<br />

pendant 20 ans : « Le sport est un univers social<br />

un peu à part, à la base très masculin, celui<br />

des hommes forts, dans lequel s’affirment les<br />

vertus viriles et où les tabous et les préjugés résistent<br />

aux évolutions sociétales. Le coming-out<br />

n’y est pas forcément bien accepté. Il peut être<br />

considéré comme une faiblesse, une fragilité, un<br />

excès de sensibilité et même un excès d’émotivité<br />

alors que la gestion des émotions fait justement<br />

la différence entre les sportifs de haut<br />

niveau et les très grands champions. Il y a un<br />

renversement du trait au sujet du coming-out<br />

au féminin. La virilisation d’une femme peut<br />

être moquée, celle d’Amélie Mauresmo l’avait<br />

été lors de l’Open d’Australie 1999. Mais cette<br />

virilisation restera, dans le sport, comme un<br />

symbole et presque un gage de performance. Or,<br />

dans la compétition, le résultat finit par primer<br />

sur tout le reste. »<br />

Difficile de savoir si le circuit abrite<br />

quelques gays confinés dans le mutisme.<br />

Enquêter-traquer-révéler, le triptyque<br />

reviendrait peu ou prou à stigmatiser ce<br />

qui n’est évidemment pas l’objet de notre<br />

démarche, juste motivée par le désir de<br />

savoir si – et éventuellement pourquoi –<br />

l’infiniment petit dissimule de gigantesques<br />

non-dits. L’extrême rareté a en effet de<br />

quoi interpeller. Seules quelques rumeurs,<br />

issues d’une toile qui tisse ses pièges à buzz,<br />

ont alimenté le sujet ces dernières années.<br />

Richard Gasquet en a été victime. Le<br />

Tout-Paris lui avait prêté une liaison avec<br />

Arnaud Lagardère. Moins à l’aise pour nier<br />

les bruits de couloirs que pour éviter ceux<br />

de double en tirant un passing de revers,<br />

le Biterrois avait dérapé en bout de course,<br />

dans le magazine Society en mai 2015 : « Je<br />

me pose moi-même des questions (sur la provenance<br />

de la rumeur), car je me considère<br />

être assez normal. S’il y a bien deux trucs desquels<br />

je suis aux antipodes, ce sont la drogue<br />

et l’homosexualité. Je peux vous le jurer. » La<br />

maladresse de la plaidoirie avait été révélatrice<br />

du caractère quasiment délictueux<br />

accordé, sur la planète tennis, à l’attirance<br />

pour un semblable. A la décharge de l’actuel<br />

protégé de Sergi Bruguera et Thierry<br />

Champion, pas certain que beaucoup de<br />

ses congénères auraient manifesté plus de<br />

tact pour se dépatouiller d’une insinuation<br />

aussi gratuite et inédite.<br />

Plus globalement, les réseaux sociaux ont<br />

fissuré la protection de la vie privée. Un<br />

support à double tranchant, confortable et<br />

impitoyable. Certains joueurs pourraient<br />

l’utiliser pour effectuer un coming-out, via<br />

une simple photo ou vidéo, comme d’autres<br />

s’en servent pour annoncer une grossesse<br />

ou une naissance. Une manière d’informer<br />

sans avoir, dans un premier temps<br />

tout du moins, à affronter micros, caméras<br />

et questions impudiques. Une aubaine<br />

contemporaine. Sauf que, d’Instagram à<br />

Facebook, le moindre cliché anodin peut<br />

aussi engendrer un flot de ragots à l’échelle<br />

mondiale. Récemment, des conclusions<br />

ont ainsi été hâtivement tirées d’images,<br />

fréquentes et nombreuses, publiées par un<br />

membre du Top 10, sous prétexte qu’il y<br />

apparaît parfois le torse nu, plutôt tactile et<br />

dans la même chambre qu’un autre joueur,<br />

tout aussi dénudé et nettement moins bien<br />

classé. Amitié platonique ou affinité plus<br />

poussée ? Sans même qu’il n’ait besoin de<br />

la délivrer, la réponse n’appartient qu’à ce<br />

talent capable de décrocher prochainement<br />

un Grand Chelem. Il doit juste désormais<br />

composer avec l’ambiguïté qu’internet a<br />

colportée.<br />

En cultivant le mystère, le sport en général<br />

et le tennis en particulier ridiculisent donc<br />

les études sur le pourcentage de gays dans la<br />

62 TENNIS MAGAZINE

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