SPECTRUM #4 2017
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
SOCIÉTÉ<br />
L’ode au Job de rêve<br />
Naïf, rêveur et ambitieux seraient les trois mots pour décrire un étudiant. Habiles, subreptices<br />
et crédules seraient ceux pour dépeindre les offres d’emploi estudiantins. Caricaturale cette<br />
intro? Pas sûr… CERISE DROMPT<br />
En plus d’être un étudiant généralement<br />
doué d’une expérience professionnelle<br />
réduite voire inexistante, nous<br />
sommes cette fameuse génération Y. Génération<br />
qui est, ma foi, bordée d’idéaux<br />
et peu prête à se gaver de milliers d’heures<br />
d’un travail rébarbatif à horaire fixe et ce,<br />
justifié par un salaire miséreux comme la<br />
deuxième révolution industrielle le vantait<br />
bien.<br />
On veut mieux que ça (parce qu’on<br />
le vaut bien !, nous disent les publicitaires).<br />
Pour certains et parce que fin du mois<br />
oblige, le salaire est une priorité. D’autres,<br />
à l‘inverse, sont prêts à investir un travail<br />
moins bien rémunéré pour autant que l’expérience<br />
soit enrichissante, qu’il soit l’aube<br />
d’opportunités ou encore que les valeurs<br />
de l’entreprise/association leur collent à<br />
la peau. Au-delà de ces petites différences,<br />
l’étudiant est à coup sûr prêt à s’échiner<br />
au travail. Car nous avons soif de succès<br />
et sommes impatients de découvrir ce que<br />
responsabilité et travail en équipe veulent<br />
dire. Les potentiels employeurs ne sont<br />
d’ailleurs pas sans le savoir.<br />
L’intérêt pour l’employeur d’adapter<br />
son discours<br />
N’empêche que la nature du travail et<br />
ses conditions changent. Les horaires se<br />
flexibilisent. La barrière entre loisir et travail<br />
s’édulcore. Un coup d’œil sur l’avant-<br />
garde travailliste de l’Apple Park nous le<br />
montre: on veut aimer ce que l’on fait, en<br />
être convaincu et ce jusqu’à la moelle. Et il<br />
n’y a pas à se casser la tête trois fois contre<br />
le tiroir. L’idée d’aimer ce que l’on fait est<br />
noble. Sauf que tant de bonne volonté<br />
nourrie de ces exemples de réussite de la<br />
part de jeunes pousses comme nous, appâte<br />
pas mal la convoitise. Du coup, à défaut<br />
de toujours pouvoir nous offrir mieux,<br />
on nous l’explique différemment. Et quoi<br />
de mieux que la crédulité d’un étudiant un<br />
peu rêveur, très volontaire et inexpérimenté<br />
dans le monde professionnel pour gober<br />
un idéal plutôt qu’un travail en feuilletant<br />
les offres d’emploi ?<br />
Le constat<br />
Trop d’offres s’inspirent des outils marketing<br />
ambiants afin de vous convaincre<br />
de leur qualité. A défaut de vous vendre<br />
un emploi au contenu limpide, il s’agira<br />
d’utiliser les idéaux que caressent la majorité<br />
des étudiants milléniaux afin de<br />
masquer les faiblesses des conditions de<br />
travail réelles. Pour certaines et à les lire,<br />
vous partez en voyage : on vous invite à<br />
venir découvrir grâce à eux ce que participation,<br />
découverte et partage de « valeurs<br />
humaines » ou encore « bon salaire » signifi<br />
e n t . E n b r e f , n o u s p l o n g e o n s d a n s d e s<br />
offres pour lesquelles nous sommes aussi<br />
bien producteur de l’expérience que client<br />
de cette expérience. Et là, je ne fais que parler<br />
des offres, mais le lexique onirique ne se<br />
limite pas nécessairement à une page URL…<br />
Je vous invite chaudement à poursuivre<br />
votre lecture sur notre site web, sur lequel<br />
se trouvent, par catégories cette fois<br />
et dans le détail, les idéaux-types d’offres<br />
d’emploi apparus sur la « Bourse au Job »<br />
de l’AGEF ces cinq derniers mois.<br />
L’importance d’en être conscient<br />
Ici, je ne souhaite pas tirer un portrait<br />
dramatique de la qualité des offres d’emploi<br />
estudiantines. Car il est aussi naturel<br />
pour le futur employeur que pour le futur<br />
employé de convaincre. Il s’agit ici plutôt<br />
d’éveiller chez nous, étudiants, quelque<br />
distante critique face à ce qui nous est<br />
présenté. Car puisqu’il est normal pour la<br />
stratégie d’une entreprise de se nourrir du<br />
fruit qui nous anime, il est normal pour un<br />
étudiant de s’habiller d’un regard pragmatique<br />
afin de s’éviter le supplice de Tantale.<br />
L’interview dans<br />
son intégralité est<br />
à retrouver sur notre<br />
site internet : www.<br />
unifr.ch/spectrum<br />
© Photo : Pixabay<br />
24 4 / <strong>2017</strong>