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POINT DE MIRE ▶ FORCE<br />
Hercules au format XXS<br />
Elles soulèvent apparemment sans peine le centuple de leur propre poids. Mais les fourmis<br />
n’impressionnent pas seulement par leur force, les reines mettent au monde jusqu’à 150 millions<br />
de travailleuses et détiennent donc probablement un record de ponte inégalé. Mais d’où ces<br />
petits êtres détiennent-ils leur force? La clé du mystère réside d’une part dans le physique, d’autre<br />
part dans le format.<br />
Daniel Burckhard, privat-docent, Musée d’histoire naturelle, Bâle<br />
Lors de mes voyages au Brésil, je ne cesse<br />
d’être fasciné par les fourmis coupe-feuille<br />
qui transportent par milliers des petits<br />
morceaux de feuilles dans de longues caravanes.<br />
Ce faisant, elles transportent leur<br />
charge sur le dos avec leurs mandibules.<br />
Cette charge peut représenter le centuple<br />
du poids corporel de la porteuse. Qu’en<br />
serait-il si l’être humain était doté de<br />
forces herculéennes et pouvait transporter<br />
sans peine plusieurs tonnes? Plus besoin<br />
de traîner les valises lourdes ou les achats<br />
du week-end. Pourquoi contrairement<br />
aux vertébrés, les insectes disposent-ils<br />
d’une force physique aussi extrême?<br />
Les fourmis coupe-feuille<br />
Les fourmis coupe-feuille comprennent plus<br />
de 40 espèces que l’on trouve dans les régions<br />
tropicales et subtropicales d’Amérique.<br />
Elles se caractérisent par leur capacité de<br />
couper des plantes et notamment des feuilles<br />
qu’elles transportent dans leur fourmilière.<br />
Elles ne mangent pas les feuilles, mais les<br />
utilisent comme substrat pour des champignons<br />
dont elles se nourrissent.<br />
Les fourmis aménagent des cultures de<br />
champignon qui sont continuellement<br />
agrandies et entretenues. Ces installations<br />
ressemblent à de petites usines dans lesquelles<br />
s’effectue un travail à la chaîne.<br />
Chaque étape est réalisée par une caste<br />
particulière. Une ouvrière récoltante dépose<br />
une feuille dans la fourmilière. Celleci<br />
est découpée en morceaux de quelques<br />
millimètres par une plus petite travailleuse.<br />
Des travailleuses encore plus petites<br />
mâchent ces morceaux. C’est sur ce tas de<br />
substrat aux allures d’éponge ainsi produit<br />
et traversé par des tunnels que pousse le<br />
champignon. Les plus petites travailleuses<br />
nettoient les cultures de champignon,<br />
nourrissent leurs congénères avec les<br />
champignons ou placent des filaments<br />
mycéliens sur la matière végétale pour de<br />
nouvelles cultures. Elles sectionnent aussi<br />
régulièrement les terminaisons des filaments,<br />
ce qui empêche la formation de<br />
fructifications et permet l’apparition de<br />
structures protéiniques, tubéreuses, le<br />
gongylidia.<br />
Les nids des fourmis coupe-feuille sont<br />
composés de centaines de compartiments<br />
dans lesquels sont installés des cultures de<br />
champignon ou qui servent à éliminer les<br />
déchets tels que fourmis mortes, restes de<br />
feuille et éléments mycéliens. Un nid peut<br />
s’étendre sur plus de 50 mètres carrés et<br />
être peuplé par 2 à 3 millions de fourmis.<br />
Une colonie est capable de traiter quotidiennement<br />
la même quantité de matière<br />
végétale qu’une vache adulte. Les reines<br />
sont encore plus impressionnantes. Elles<br />
mettent au monde jusqu’à 150 millions de<br />
travailleuses, une performance qui relègue<br />
dans l’ombre celle des travailleuses.<br />
Mandibules puissantes<br />
Comme tous les insectes, les fourmis possèdent<br />
un exosquelette composé de chitine<br />
et de molécules de protéine intégrées.<br />
L’enveloppe du corps est composée de parties<br />
rigides et dures qui sont reliées par des<br />
membranes mobiles, un peu comme une<br />
armure. Les muscles situés à l’intérieur du<br />
corps trouvent leur point d’attache dans<br />
les zones durcies de l’exosquelette. Alors<br />
que chez les vertébrés, le corps est accroché<br />
à la colonne vertébrale et les forces<br />
physiques des extrémités se transmettent<br />
à la colonne vertébrale, ce n’est pas le cas<br />
chez les insectes. Ils ne peuvent pas subir<br />
de surcharge et ne risquent donc pas de<br />
souffrir d’un lumbago.<br />
Regardons les mandibules qui sont fixées<br />
à la capsule de tête et actionnées par les<br />
muscles situés à l’intérieur de la tête. Suivant<br />
la fonction, elles possèdent une forme<br />
N o 3 Juin <strong>2015</strong><br />
VSAO JOURNAL <strong>ASMAC</strong><br />
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