BORA Magazine 02|2018 – French

TREND REPORT
EXPÉRIENCE
LA CUISINE
OUVERTE
s’approprie
progressivement
le salon
La cuisine moderne accomplit de nos jours un retour vers
l’époque pré-moderne, une époque où la cuisine était encore
au centre du foyer. Un retour aux racines ? En quelque sorte,
mais l’approche est bien différente !
Photo : werkhaus Küchenideen
Autrefois, la cuisine ouverte était l’espace de vie
de tous les jours. On s’y retrouvait non seulement
pour cuisiner et se restaurer ; les femmes y
accomplissaient également leurs tâches manuelles
telles que la couture, le tricot ou le crochet,
pendant que les hommes lisaient le journal. Les
enfants eux, s’y installaient pour effectuer leurs
devoirs d’école. Pendant les longs mois d’hiver,
la cuisine était d’ailleurs souvent la seule pièce
dans laquelle régnait une chaleur douillette. Mes
grands-parents avaient encore une telle cuisine
spacieuse et confortable. Je me rappelle de
merveilleux dimanches où notre grand-mère
nous autorisait à la regarder cuisiner ou à
l’aider. Les odeurs de la soupe aux knödels,
du rosbif à la choucroute accompagné de
« Hoorische », sorte de quenelles à base de
pommes de terre, remplissaient toute la maison.
Aucune hotte aspirante ne venait troubler ce
prélude olfactif à nos délicieux repas. Avec
la révolution du « miracle économique » vint
ensuite le goût pour la cuisine aménagée.
Ce type de cuisine, pièce complémentaire
réduite à l’essentiel de sa fonction, permettait
à la femme au foyer d’optimiser la préparation
des repas et ses mouvements entre les éléments
hauts, les plaques de cuisson et la hotte aspirante.
Un passe-plat assurait ensuite le passage
des plats préparés à la salle à manger. Cette
architecture et cet agencement des années 60,
je les ai connus dans la maison de mes parents.
Voilà à quoi ressemblait le foyer de celui qui
avait réussi sa vie. Après le repas, on s’installait
sur le canapé panoramique dans le salon, à
l’écart. On y fumait, les hommes dégustaient
le Cognac servi dans d’immenses verres,
tandis que les femmes sirotaient un verre de
liqueur à l’œuf.
MAGAZINE BORA 71