You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
« Les danseurs bénéficient<br />
même des neurosciences<br />
et de la psychologie. »<br />
cune d’entre elles. Leur programme de répétition<br />
est tellement chargé que même le fait de manger<br />
correctement représente un enjeu de taille pour<br />
les danseurs. « Il nous arrive d’avoir seulement<br />
quinze minutes de pause avant de nous y<br />
remettre, donc pour ne pas se sentir trop lourds,<br />
on évite les plats de pommes de terre », explique<br />
Claire Calvert. Elle se rappelle ce nutritionniste<br />
qui était si inquiet quand il est venu visiter la<br />
compagnie dans les jours précédant l’ouverture<br />
du service de santé : « Quand il a vu comment ça<br />
se passait, il nous a dit : “Si j’étais vous, j’aurais<br />
toujours des encas avec moi et je me contenterais<br />
d’un gros repas le dimanche.” Il ne savait tout<br />
simplement pas quoi nous dire d’autre. »<br />
Désormais, ils suivent des régimes alimentaires<br />
intelligents et spécifiques à la danse établis<br />
par la nutritionniste du Royal Ballet, Jacqueline<br />
Birtwisle. Pour avoir de l’énergie, les danseurs<br />
consomment des aliments faciles à digérer<br />
comme du porridge, des œufs brouillés, du<br />
risotto, du houmous, de la salade, du yaourt à la<br />
grecque, des baked beans ou des Buddha Bowls<br />
(repas végétariens complets dans un bol). Ils<br />
mangent des poissons gras riches en oméga-3<br />
(saumon, maquereaux, anchois, sardines et<br />
harengs) pour optimiser la récupération musculaire<br />
et préfèrent l’huile d’olive, pour ses vertus<br />
anti-inflammatoires, à l’huile de tournesol. Après<br />
une représentation tard dans la soirée, un repas<br />
lourd peut être difficile à digérer, ils optent alors<br />
pour des smoothies à base de purée d’oléagineux<br />
pour réparer les muscles. Et comme ils passent<br />
beaucoup de temps à l’intérieur, ils prennent<br />
aussi de la vitamine D, d’autant plus qu’il a été<br />
prouvé qu’elle augmentait de 18,7 % la force isométrique<br />
des danseurs – celle qui est renforcée<br />
par des exercices « statiques » comme le gainage.<br />
Bien entendu, on ne peut pas convaincre<br />
tous les danseurs d’adopter cette nouvelle<br />
dynamique et certains ont toujours<br />
des réticences par rapport à son<br />
approche scientifique. « Il y a toujours une certaine<br />
scission, mais elle n’est plus aussi marquée<br />
qu’avant, admet Retter. Tout d’abord parce que<br />
nous avons des danseurs qui passent par la Royal<br />
Ballet School et qui apprennent désormais en<br />
quoi leurs capacités physiques peuvent les aider.<br />
Et ensuite parce que maintenant, nous avons ces<br />
“champions” au top qui réalisent que cet apport<br />
scientifique ne les détourne pas de leur expression<br />
artistique, mais l’améliore au contraire. »<br />
FOCUS<br />
Matthew Ball<br />
En mars dernier, Matthew<br />
Ball reçoit un appel du<br />
directeur du Royal Ballet :<br />
le danseur étoile David<br />
Hallberg s’est blessé au<br />
mollet en interprétant le<br />
rôle principal d’Albrecht<br />
dans Giselle. Lui, qui n’a<br />
interprété ce rôle qu’une<br />
seule fois, doit le remplacer.<br />
« Quand on n’a pas<br />
d’autre choix, on s’en<br />
remet à sa routine. J’étais<br />
moins stressé qu’avant<br />
d’autres représentations. »<br />
Devenu danseur étoile<br />
depuis, Matthew a développé<br />
des stratégies pour<br />
rester concentré sur<br />
scène. « En donnant un<br />
signal au cerveau pour<br />
qu’il se concentre sur<br />
quelque chose de facile à<br />
identifier. Si mes émotions<br />
prennent le dessus, si ma<br />
fréquence cardiaque s’affole,<br />
je pose ma main sur<br />
mon cœur pour concentrer<br />
tous mes efforts dessus. »<br />
La science ne remplacera jamais le talent nécessaire<br />
pour créer de la beauté artistique sur scène.<br />
Et si le rôle principal d’un danseur est de transcender<br />
les limites de son corps afin de susciter<br />
une émotion chez son public – faisant ainsi passer<br />
le sport au rang d’art –, la science a un rôle de<br />
soutien essentiel à jouer. « Quand on participe à<br />
une course, on court tout simplement, dit Claire<br />
Calvert. Nous, on doit se mouvoir avec grâce, être<br />
élégants, sourire et créer une réaction émotionnelle,<br />
même si à la fin, on n’en peut littéralement<br />
plus. Faire des squats, ce n’est pas cela qui m’aidera<br />
à faire 32 fouettés, il faudra quand même<br />
que je m’exerce à effectuer les pas. Mais je suis<br />
désormais armée d’une force et d’une confiance<br />
qui me permettent d’être plus présente dans ma<br />
performance, je peux donc mieux me concentrer<br />
sur l’histoire ou le personnage. »<br />
Ce sentiment est peut-être bien la pierre<br />
angulaire de toute cette révolution dans le ballet.<br />
Les danseurs doivent exécuter des chorégraphies<br />
précises et soumises à un contrôle rigoureux,<br />
mais d’une certaine manière, ils peuvent exprimer<br />
leur personnalité dans le cadre de cette performance.<br />
« C’est quand on a confiance que l’on<br />
laisse transparaître notre joie naturelle dans nos<br />
performances », explique Claire Calvert.<br />
En associant les valeurs traditionnelles du ballet<br />
que sont la discipline et la persévérance aux<br />
idées nouvelles de la science, les danseurs créent<br />
un équilibre parfait – sur scène et en dehors. « La<br />
transition est déjà en marche, déclare Gemma<br />
Pitchley-Gale. On est en plein dedans. »<br />
THE RED BULLETIN 73