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<strong>LG</strong><br />
JUIN 2019<br />
53<br />
Cartes Bleues sont l’Allemagne, la France,<br />
la Pologne et… le Luxembourg. En 2018, le<br />
pays a délivré 944 Cartes Bleues contre 639<br />
en 2016, soit une augmentation de plus de<br />
50% en deux ans à peine 1 ! Plus significatif<br />
encore, le nombre de premiers titres de<br />
séjour représentait plus de la moitié des<br />
Cartes Bleues 2 en 2018.<br />
Rester compétitif dans la course aux<br />
talents internationaux<br />
Pour Joël Machado, cette demande très<br />
forte d’immigrants hautement qualifiés au<br />
Grand-Duché s’explique pour deux raisons<br />
principales. «Comme la plupart des pays en<br />
Europe, le Luxembourg voit son économie<br />
se digitaliser de plus en plus et a besoin de<br />
profils très spécialisés, principalement dans<br />
l’informatique et la finance. En parallèle,<br />
l’importante croissance économique du<br />
pays durant ces dernières décennies a<br />
peu à peu vidé le bassin traditionnel de<br />
l’emploi qu’a été jusqu’il y a peu la Grande<br />
Région. Trouver des travailleurs avec des<br />
qualifications professionnelles élevées dans<br />
un proche périmètre devient de plus en plus<br />
difficile et les entreprises démarchent de plus<br />
en plus à l’international. C’est aussi une des<br />
raisons pour lesquelles l’UE a adopté en 2009<br />
ce système de Cartes Bleues, inspiré par les<br />
«green cards» aux États-Unis, pour rendre le<br />
marché européen plus attractif et plus visible<br />
pour ces types de profils. La pénurie de main<br />
d’œuvre hautement qualifiée ne touche pas<br />
seulement le Luxembourg mais l’ensemble<br />
des pays de l’Union».<br />
“La présence<br />
d’immigrants<br />
hautement<br />
qualifiés au<br />
Grand-Duché va<br />
s’intensifier dans<br />
les années à venir”<br />
Dans les secteurs de pointe, l’Europe reste<br />
en effet moins attractive que les États-Unis<br />
et ses pôles de compétences ont du mal à<br />
rivaliser avec une technopole comme la<br />
Silicon Valley en Californie. Le problème se<br />
complique d’autant plus pour le Luxembourg<br />
que celui-ci est également en compétition<br />
avec d’autres pays européens. «Même si son<br />
offre culturelle et sa vie nocturne restent très<br />
limitées par rapport à des capitales comme<br />
Paris ou Berlin, le pays dispose néanmoins<br />
de nombreux atouts à faire valoir», estime<br />
Joël Machado. «Les conditions de vie y sont<br />
très bonnes, à la fois en matière de sécurité,<br />
de l’environnement et du système de santé,<br />
et le Luxembourg a la réputation d’être très<br />
ouvert et multiculturel. En outre, le Grand-<br />
Duché reste une grande place financière<br />
internationale et se positionne de plus en<br />
plus comme une startup nation. Ce n’est<br />
pas un hasard si le Luxembourg se classe en<br />
10 e position sur 119 pays analysés dans le<br />
2018 Global Talent Competitiveness Index<br />
de l’INSEAD».<br />
Des bénéfices mais aussi des risques<br />
Mais quelles vont être les conséquences<br />
potentielles de la sélection accrue de<br />
travailleurs pour les différents acteurs de la<br />
société luxembourgeoise? Quels seront les<br />
bénéfices et les risques? «Les travailleurs<br />
hautement qualifiés sont souvent<br />
complémentaires aux travailleurs locaux»,<br />
analyse Joël Machado. «Ils permettent<br />
une hausse de la productivité et génèrent<br />
un impact fiscal potentiellement plus<br />
avantageux. Le revers de la médaille, c’est<br />
que cette immigration peut être perçue<br />
de manière négative par une partie de la<br />
population qui se sent perdue et perdante<br />
dans ce nouvel ordre économique avec,<br />
d’un côté, des étrangers très qualifiés<br />
et aux revenus élevés et, de l’autre, des<br />
locaux moins qualifiés et parfois en voie<br />
de paupérisation. Un important travail de<br />
communication reste à faire à ce niveau-là».<br />
Un autre défi que devront également relever<br />
les politiques dans les années à venir a trait<br />
à l’immobilier et à la mobilité. «Les prix<br />
continuent d’augmenter à Luxembourg-<br />
Ville», poursuit Joël Machado. «De plus en<br />
plus de résidents, y compris les immigrants<br />
hautement qualifiés toujours plus nombreux<br />
sur notre territoire, ont tendance à habiter<br />
loin de la capitale, et notamment dans<br />
le Nord où le potentiel de croissance du<br />
parc immobilier reste important. Cette<br />
migration interne aura inévitablement des<br />
conséquences sur le trafic automobile qui<br />
sera de plus en plus congestionné si aucune<br />
mesure n’est prise».<br />
Reste enfin la question linguistique.<br />
La plupart des travailleurs hautement<br />
qualifiés qui bénéficient de la Carte Bleue<br />
proviennent dans la grande majorité de<br />
l’Inde, des États-Unis, de la Chine et de la<br />
Russie et tous parlent davantage l’anglais<br />
qu’une des trois langues nationales. «C’est<br />
un phénomène inéluctable», conclut Joël<br />
Machado. «Notre pays s’internationalise<br />
de plus en plus et l’anglais est la langue<br />
internationale par excellence». n<br />
[1] Source: rapport annuel 2018 du Ministère des Affaires<br />
étrangères et européennes.<br />
[2] Le premier titre de séjour pour travailleur salarié hautement<br />
qualifié est valable pour une durée de quatre ans et peut être<br />
renouvelé plusieurs fois de manière consécutive.<br />
LISER<br />
Luxembourg Institute of<br />
Socio-Economic Research<br />
Maison des Sciences Humaines<br />
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