80 <strong>LG</strong> JUIN 2019 PORTRAIT Un accent belge dans la «voix de l’industrie luxembourgeoise» PAR ADELINE JACOB Michèle Detaille a vécu deux vies, l’une scandée par la res publica, l’autre marquée par son goût pour l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, en prenant la présidence de la Fédération des Industriels Luxembourgeois (FEDIL), elle marie ses deux passions. Cette femme pionnière et audacieuse, taillée pour la fonction, se dévoile. Michèle Detaille grandit dans les Ardennes belges qui ont inspiré les poèmes de Paul Verlaine, là où «les villages de pierre ardoisière aux toits bleus ont leur pacage et leur labourage autour d’eux». Son père possède un élevage de bovins et travaille dans le commerce de bétail, dans l’actuelle commune de Vaux-sur-Sûre. La petite fille fréquente une petite école de village et compte parmi les bons élèves, jusqu’à ce qu’arrivent les turbulences de l’adolescence. Son passage dans le secondaire sera plutôt chahuté et elle terminera ses humanités non sans quelques difficultés. C’est qu’audelà des livres de classe, elle se passionne pour l’histoire, l’actualité, la lecture et aime à se perdre dans les musées. Sur sa table de chevet, entre deux romans, ont défilé de nombreuses biographies de personnages historiques. La jeune fille devient très vite incollable sur Charles de Gaulle, Napoléon, Louis XIV ou encore Léopold II. Le libéralisme en héritage Son attirance pour la politique se dessine à la même période. Tant du côté maternel que paternel, plusieurs membres de la famille occupent diverses fonctions politiques à l’échelle locale. C’est donc forcément un sujet qui pimente les discussions autour du repas du soir. Dans la famille Detaille, c’est le libéralisme qui régale les esprits, une doctrine économique et politique que l’adolescente reçoit presque en héritage. Venu le temps de choisir sa voie, c’est tout naturellement que Michèle Detaille opte pour une licence en sciences politiques à l’Université catholique de Louvain (UCL). Un choix de cœur teinté de pragmatisme: le cursus n’est pas exagérément exigeant et lui permet de s’épanouir dans sa vie sociale. Lorsqu’elle ne fréquente pas les auditoires, l’étudiante s’autorise de petites escapades à Paris avec ses amis, s’évade au théâtre ou fréquente les expositions. Malgré ce besoin d’évasion, elle gardera un lien particulier avec son Alma Mater puisqu’elle deviendra, en 2015, membre du conseil d’administration de l’UCL. “La fonction de député ne me convenait pas parce qu’elle ne me permettait pas d’être dans l’action” Le milieu académique fascine l’entrepreneure: «Je suis à la fois très admirative et très impressionnée par ces gens qui font évoluer la science, la culture, l’histoire, l’analyse critique et conceptuelle», confie-t-elle. Elle n’a pourtant pas à rougir de leur intellect puisque, à l’époque, son mémoire de licence, une analyse organisationnelle du Parti réformateur libéral, attire l’attention du ministre et président de parti d’alors, Jean Gol, et lui vaut l’honneur de travailler pour ce dernier en tant que conseiller politique. Rapidement, on a vent de la nouvelle dans son village natal où une liste communale à tendance libérale est en train de se constituer. Tout d’abord sur la réserve, la jeune femme, qui s’est éloignée des forêts ardennaises depuis une douzaine d’années et s’estime peu avertie des réalités locales, se laisse finalement convaincre par ses collègues du parti qui l’encouragent à «se mouiller sur le terrain». C’est ainsi qu’elle sert de catalyseur à son équipe et qu’au terme de la campagne l’électeur fera d’elle la plus jeune bourgmestre de Belgique, à seulement 25 ans. Comme souvent dans la vie, le hasard aura bien fait les choses puisque la jeune élue prendra goût à la fonction qu’elle occupera pendant 18 ans. Un rêve entrepreneurial Forte de son premier succès, la jeune femme devient vice-présidente de son parti puis députée, à nouveau la plus jeune dans l’histoire du Royaume. Mais malgré les victoires, la fonction n’est pas faite pour elle. «Je ne me suis pas plu dans mon rôle de députée. Je ne critique pas la fonction, je la trouve d’ailleurs très importante, mais elle ne me convenait pas du tout parce qu’elle ne me permettait pas d’être dans l’action, seulement dans le verbe», se souvientelle. La jeune élue confie d’ailleurs très vite son rêve d’entreprise à ses collègues parlementaires et, peu après avoir quitté l’hémicycle, elle cherche à s’épanouir dans l’entrepreneuriat. C’est ainsi qu’en 1988, Michèle Detaille s’aventure dans le secteur privé en rejoignant le groupe Accor Services où elle sera rapidement chargée de la direction commerciale pour le Benelux. Elle qui rêvait tant de diriger sa propre entreprise en garde néanmoins un souvenir agréable, ayant le sentiment d’avoir été à bonne école en se lançant dans un grand groupe. Moins de dix ans plus tard, elle se sent les épaules assez solides pour se lancer à son compte et se met à la recherche
Michèle Detaille