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Combattre un ennemi invisible par l’inertie des populations Coronavirus et Covid-19, ces mots devenus si familiers à force d’être ressassés par nos esprits con nés n’ont pourtant fait leur apparition dans notre vocabulaire quotidien qu’il y a à peine quatre mois. Aujourd’hui associés à la mise en danger de nos aînés et de nos semblables les plus fragiles, associés également à une crise économique imminente qu’on nous promet sans précédent, ils nous obsèdent. Nos civilisations modernes sont confrontées pour la première fois à la gestion d’une pandémie. Dans ce contexte mondialisé inédit, nous ne pouvons nous empêcher de juger de l’ef cacité des mesures nationales prises pour endiguer la crise – d’abord sanitaire, et dans le futur, économique – à la lumière des modes opératoires observés chez nos voisins européens et plus lointains encore. Fort d’une économie florissante et d’un système de soin à la pointe de la technologie, le Luxembourg n’a pas à rougir de ses efforts.

Combattre un ennemi invisible par l’inertie des populations
Coronavirus et Covid-19, ces mots devenus si familiers à force d’être ressassés par nos esprits con nés n’ont pourtant fait leur apparition dans notre vocabulaire quotidien qu’il y a à peine quatre mois. Aujourd’hui associés à la mise en danger de nos aînés et de nos semblables les plus fragiles, associés également à une crise économique imminente qu’on nous promet sans précédent, ils nous obsèdent.
Nos civilisations modernes sont confrontées pour la première fois à la gestion d’une pandémie. Dans ce contexte mondialisé inédit, nous ne pouvons nous empêcher de juger de l’ef cacité des mesures nationales prises pour endiguer la crise – d’abord sanitaire, et dans le futur, économique – à la lumière des modes opératoires observés chez nos voisins européens et plus lointains encore. Fort d’une économie florissante et d’un système de soin à la pointe de la technologie, le Luxembourg n’a pas à rougir de ses efforts.

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AVRIL 2020

PORTRAIT

La Peste d’Asdod (1630-1631) Nicolas Poussin

La Chine a compté en ce début d’année

2020 un peu moins de 9.000 nouveaux

producteurs de masques de protection selon

le site d’informations sur les entreprises

«Tianyancha». Et d’un directeur des ventes

de commenter dans un cynisme infâme

qu’«une machine à faire des masques, c’est

devenu une planche à billets». Au cynisme de

l’ultralibéralisme et des marges bénéficiaires

démultipliées, les peuples européens sont les

victimes et nos gouvernements les complices!

“Un médecin,

ça soigne!

Voilà tout”

La France accueille des patients italiens,

l’Allemagne, la Suisse et le Luxembourg

des Français mais, dès lors qu’il faut des

médecins et du matériel, ce sont des mains

tendues depuis Cuba et la Russie qui

viennent, intéressées, au chevet de l’Italie!

Que font nos institutions européennes; où

est donc la solidarité de l’Union? À force

de continuellement substituer les mots aux

actes, il faudra un jour rendre des comptes.

Nombreuses sont les entreprises européennes

qui ont déjà modifié leur chaîne de production.

De grands groupes de cosmétiques et de

maroquinerie de luxe se mettent à produire

du gel hydroalcoolique quand les artisans du

textile et les jeunes-pousses de l’imprimerie

3D confectionnent des masques par exemple.

Qu’elle soit distribuée gracieusement ou

même commercialisée, cette production européenne

reste solidaire d’un besoin européen.

Il y a peut-être là matière à penser un autre

modèle, ou tout du moins pour ce qui nous

est le plus vital.

Des héros oui, mais camusiens

La littérature est riche de récits de

pandémies. La Guerre du Péloponnèse

(Thucydide, V e siècle), le Décaméron

(Boccace, XIV e siècle), Le Journal de l’Année

de la Peste (Defoe, 1722) et La Peste (Camus,

1947) ont tous en commun de raconter une

chronologie mais aussi un monde inversé.

Le lecteur retrouve dans le crescendo de

la maladie le renversement des valeurs, le

délitement de la morale, la perte de repères

et des autorités (religieuses, politiques,

médicales) dépassées. Ne faisant aucune

distinction entre les riches et les pauvres,

les jeunes et les vieux, les pieux et les

débauchés, le fléau est paradoxalement

l’outil d’une révolution sociale et d’un

recommencement. La peste noire du

XIV e siècle a fait 25 millions de victimes

en Europe, soit plus d’un tiers de sa population

mais elle a aussi mis fin à la civilisation

médiévale et favorisé la Renaissance.

À chaque époque ses charlatans de malheurs

bien sûr; dans le roman qui permit à Camus

de gagner le Nobel de 1957, c’est le père

Pandeloux qui prêche la colère de Dieu

pour expliquer la maladie mais aujourd’hui

certains voient dans le coronavirus, la colère

de la Nature ou la main de l’Homme. Bien

heureusement, parmi l’agitation générale,

certains continuent d’œuvrer, droits, à leurs

tâches. À l’image du docteur Rieux qui,

sans incarner le héros romanesque faisant

triompher ses valeurs, continue de soigner

malgré la fatigue et le danger.

Caissiers, travailleurs des rayons et des

entrepôts, éboueurs, femmes de ménage,

artisans serruriers et plombiers, agents

bancaires, pharmaciens, boulangers,

bouchers et autres petites mains des

métiers essentiels sont avec les policiers, les

pompiers et l’ensemble du corps médical,

les héros ordinaires de notre quotidien.

Eux qui ne connaissent pas le confinement,

œuvrent en première ligne, avec la peur

au ventre, à assurer les services essentiels

à la population. Ils sont bien souvent des

femmes, ont des salaires peu attrayants et

viennent de loin pour travailler. Pourraiton

imaginer s’incarner un jour: «aux petites

mains, l’économie reconnaissante»?

Il est unanimement dit dans les médias ou sur

les réseaux que les médecins, infirmiers et

aides-soignants sont des héros. On gardera

en mémoire les lumières des gyrophares

des véhicules de la police grand-ducale

faisant cortège devant l’hôpital d’Esch et

les applaudissements de vingt heures qui

témoignent du soutien des populations au

personnel médical. Ces derniers se refusent

pourtant de tout héroïsme mais comment

expliquer alors leur mobilisation au front?

Ce n’est certainement pas une quelconque

idée de patriotisme puisque le corps

soignant et médical du Luxembourg est

composé à 75% de frontaliers. Ils sont par

ailleurs nombreux à ne pas vouloir être

réquisitionnés par l’état d’urgence sanitaire

de leur propre pays, conscients que cela

entrainerait l’effondrement du système

hospitalier luxembourgeois. Le salaire ne

saurait être un motif, sans quoi les hôpitaux

français et belges seraient depuis longtemps

vides d’infirmiers et d’aides-soignants.

Impossible non plus que ce soit la recherche

des honneurs et de la gloire puisque chacun

sait qu’aucune auréole d’admiration ne fera

jamais briller leur nom ou leur profession.

La motivation de ces héros ordinaires

ne peut provenir que d’un sens aigu du

professionnalisme. Un médecin, ça soigne!

Voilà tout.

«Rieux se secoua. Là était la certitude, dans

le travail de tous les jours. Le reste tenait à

des fils et à des mouvements insignifiants,

on ne pouvait s’y arrêter. L’essentiel était de

bien faire son métier» 2 .

Merci à tous les Rieux! n

1

Bilan établi par l’AFP et publié le lundi 30 mars.

2

La Peste (1947) Albert Camus, Collection Folio,

Gallimard.

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