Jean-Paul Philippart Conservateur Grand Curtius, département du verre Grand coffret à ouvrage Une splendeur des « bois de Spa » Les articles en bois confectionnés par les artisans spadois – les « bois de Spa » – sont produits depuis le 17 e siècle. Il s’agit de boîtes à jeu, à thé, à ouvrage, à allumettes, à pilules, de porte-montre, d’étuis, de tabatières, … Durant les 17 e et 18 e siècles, les peintres montrent toute leur habileté à adapter leur décor à des formes extrêmement variées avec des motifs floraux, des vues de Spa et des environs, des scènes champêtres, galantes ainsi que des sujets inspirés des laques chinoises. Le coffret à ouvrage (ou à couture) montré ici date du 19 e siècle, époque où l’érable supplante le hêtre pour la confection des boîtes. À partir de 1830, les artisans plongèrent les planches de bois dans l’eau ferrugineuse du pouhon (terme utilisé pour dénommer les sources découvertes dans la région de Spa). Cette technique dénommée « technique du bois gris » donne une belle teinte grisâtre à l’érable ; de plus, sa structure est plus fine et plus compacte, facilitant le travail effectué par les tourneurs et les ébénistes. Le décor de ce coffret est représentatif du nouveau répertoire stylistique du début du 19 e siècle : retour à l’Antiquité gréco-romaine favorisé par la découverte du site de Pompéi en 1748. Sur le couvercle, trois divinités sont en adoration devant Cupidon. Le coffret contient huit boîtes quadrangulaires (dont l’une avec un dévidoir) et quatre boîtes cylindriques pour les bobines de fil à coudre. Dans la plupart des médaillons décorant les couvercles et le pourtour du grand coffret, est représenté Cupidon sur un fond noir. On l’aperçoit seul armé de son arc et de ses flèches (enfant et même adolescent), conduisant son char, portant une guirlande de fleurs, personnifiant l’Amour aveugle aux yeux bandés, muni d’une torche et d’un poignard. On remarque également des scènes plus intimistes et pleines de charme avec deux angelots jouant ensemble, ou Cupidon avec sa mère. Les vertus curatives des eaux de Spa sont connues depuis le 16 e siècle. Cette station thermale de la principauté de <strong>Liège</strong> devint une des destinations les plus prisées de la noblesse au 18 e siècle. En 1714, le tsar Pierre I er de Russie séjourna à Spa et contribua à la renommée internationale du site, dont la source la plus célèbre fut d’ailleurs baptisée du nom de « Pierre le Grand ». Celui-ci se procura un grand nombre d’objets d’artisanat, dont les divers modèles de boîtes originales et pleines de charme, constituant les plus belles réalisations spadoises dénommées « jolités ». Les « bois de Spa » font preuve d’un art pictural miniaturiste et de techniques originales qui leur confèrent une place de choix dans le domaine des arts décoratifs. • Grand coffret à ouvrage Spa, 19 e siècle H 13,5 - L 40 - l 30 (détails) 8/299 - Grand Curtius, département des arts décoratifs <strong>Liège</strong>•museum n° 4, juin 2012 12
<strong>Liège</strong>•museum n° 4, juin 2012 13