Eugène Boudin (1824-1888) Plage de Trouville, 1884 Huile sur bois 14 x 23 cm. Signé en bas à gauche et daté à droite. En haut : reproduction à taille réelle. Plage de Trouville à la cabine, 1884 Huile sur bois 14 x 23 cm. Signé en bas à gauche et daté à droite. <strong>Liège</strong>•museum n° 4, juin 2012 22
Françoise Safin-Crahay Conservatrice MAMAC (musée d’art moderne et d’art contemporain) Deux Boudin Plage de Trouville et Plage de Trouville à la cabine Ces deux œuvres font partie du legs Léopold Donnay en faveur de la Ville de <strong>Liège</strong>, reçu en 1887. Il s’agissait de trente-trois œuvres, principalement des paysages, dont neuf de Boudin, ainsi que des tableaux de Corot, Daubigny, Théodore Rousseau, Courbet… Le donateur laissait à la Ville de <strong>Liège</strong> « le choix de conserver seulement ce qui pourrait figurer au Musée de <strong>Liège</strong> et de se défaire du reste au profit des pauvres ». Léopold Donnay était liégeois et vivait à Paris. Passionné de paysages, il s’est intéressé dès 1880 à l’œuvre de Boudin : ces deux tableaux-ci lui auraient été offerts par l’artiste lors d’une de ses visites à son atelier. Né à Honfleur en 1924, Eugène Boudin a vécu au Havre. Son père était marin, et la mer restera son sujet préféré tout au long de son œuvre. Dès sa jeunesse, il aime dessiner et réalise plusieurs milliers de dessins et pastels (aujourd’hui conservés au Louvre) que Baudelaire remarquera en 1859 et qualifiera de « prodigieuses magies de l’air et de l’eau ». Ces études ont pour sujet les vagues et les nuages et sont toutes datées (avec mention de l’heure et de la direction du vent). Dans la papeterie où il travaille, il organise des expositions de peinture, occasion pour lui de rencontrer de nombreux artistes dont, entre autres, Couture, Millet, Courbet et Monet (qui deviendra son ami), de se lancer lui-même dans la peinture et d’obtenir une bourse pour suivre une formation à Paris où il participera très vite aux Salons officiels. En 1862, il passe ses vacances à Trouville et réalise des scènes de plage, qui deviendront son thème favori et le mèneront vers le succès. S’il participe à la première exposition des Impressionnistes en 1874, c’est par amitié pour Monet, mais ce fut l’unique fois. Cette proximité avec les Impressionnistes lui évitera de devenir un peintre officiel malgré son succès croissant, ses nombreuses commandes et ses participations aux Salons. S’il n’est pas considéré comme impressionniste, chacun reconnaît qu’il eut une large influence sur le groupe, plus même que son ami Jongking, en conseillant à Monet de peindre en plein air, comme lui. À part quelques natures-mortes, il restera toujours fidèle à ses thèmes, l’eau et le ciel, même lorsqu’il peint à Anvers, Bruxelles ou Rotterdam. Ses voyages dans le midi et en Italie (à Venise) l’amèneront à enrichir sa palette tout en conservant sa manière de peindre par touches spontanées, larges et sûres, mais très libres. Ce qui l’intéresse ce sont les états fugitifs de la nature, les jeux de lumière sur l’eau. Les personnages sont peu présents, excepté dans les scènes de plage où il se plaît (et cela plaît) à rendre le papillotement des toilettes de la bourgeoisie parisienne bien qu’il disait « éprouver une certaine honte à peindre la paresse désœuvrée ». Peints en plein air, « sur le motif », ses tableaux sont généralement de petites dimensions. Ces deux représentations de la plage de Trouville sont particulièrement petites (à peine 33 cm 2 ). Pleines de vie et de couleurs, on y ressent la vie grouillante et l’atmosphère de cette plage bourgeoise de Normandie, avec ses estivantes en crinolines et ses enfants jouant dans le sable. Sur une si petite surface, il parvient à faire ressentir la dimension de cette plage, l’idée de l’espace de sable, de mer, de ciel et de foule, avec une liberté qui fait penser à ses premières études. • <strong>Liège</strong>•museum n° 4, juin 2012 23