Liège Musées n°4

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Soo Yang Geuzaine Département des arts décoratifs Musées de Liège Antoine-Marin Mélotte (Liège, 1722-1795), Batailles d’Alexandre d’après Charles Le Brun Antoine-Marin Mélotte embrasse la carrière des armes avant de s’adonner à la sculpture. Il affectionne alors de traiter les batailles mais ne néglige pas les sujets religieux, statues ou bas-reliefs. Sa célébrité repose principalement sur ces bas-reliefs qui constituent l’essentiel de sa production artistique. Ses premiers essais connus datent de 1752 et représentent la bataille des Amazones et celle de César contre Pompée. En 1757, il sculpte trois autres bas-reliefs qui installent sa réputation : le Passage de la Mer Rouge et deux batailles de Josué combattant les Amalécites. En 1761, il achève une série de six grands bas-reliefs sur les batailles d’Alexandre et de la famille de Darius, d’après le peintre Charles Le Brun. Acquis par Catherine II de Russie en 1768 pour un des palais impériaux de Saint-Pétersbourg, ils rejoindront les collections du Musée de l’Ermitage. En 1772, Mélotte exécute une seconde série de six bas-reliefs représentant des scènes de la vie d’Alexandre d’après Le Brun : pour François-Charles de Velbrück, prince-évêque de Liège, qui les destine à sa résidence de campagne de Seraing. À la mort de ce dernier, les bas-reliefs passent dans l’héritage de la famille d’Ansembourg, avant d’entrer au Musée archéologique de la Ville de Liège, actuellement Grand Curtius. Une autre série de bas-reliefs dus au même sculpteur se trouve aujourd’hui à la collégiale Saint-Georges et Sainte-Ode d’Amay : trois panneaux de grand format représentant des scènes de la vie de sainte Barbe (1780-1790). Antoine-Marin Mélotte est également connu comme statuaire. La collégiale Saint- Barthélemy de Liège abrite une Vierge de douleurs, signée sur la face du socle « Melotte sculp ». Batailles d’Alexandre, 1772 : pour cette série de six bas-reliefs, Mélotte s’est inspiré des tableaux exécutés par Charles Le Brun de 1661 à 1668 pour Louis XIV. Alexandre le Grand y apparaît comme le modèle du Roi Soleil. Dans l’ordre historique, Le passage du Granique montre Alexandre franchissant ce fleuve côtier de l’Asie mineure et gagnant sa première bataille contre les Perses, en 343 av. J.-C. Après la bataille, Alexandre, accompagné de son lieutenant Ephestion, se rend à La tente de Darius où l’attendent la mère du vaincu, Sisygambis, sa femme Statira, ses enfants et ses esclaves. Après avoir traversé le Tigre et l’Euphrate, Alexandre gagne contre la nouvelle armée de Darius La bataille d’Arbelles. L’entrée d’Alexandre dans Babylone le montre, triomphant, debout sur son char tiré par un éléphant. Poursuivant ses conquêtes vers l’Inde, Alexandre rencontre Porus, son plus redoutable ennemi : Porus, blessé, amené devant Alexandre illustre un moment de leur combat livré au passage de l’Hydaspès. La sixième scène, Porus abandonné des siens, n’est qu’esquissée par Le Brun. Des gravures reproduisaient ces différentes scènes et étaient largement diffusées dans toute l’Europe. C’est probablement d’après celles-ci qu’Antoine-Marin Mélotte exécuta les bas-reliefs. L’idée lui fut sans doute inspirée par son maître Simon Cognoul, qui traita les mêmes sujets dans une série acquise par Louis XV. Les bas-reliefs de Mélotte sont en poirier, sans couleur ni vernis. Tout l’art du sculpteur est de passer d’un relief très accusé au premier plan à des jeux de nuances subtiles dans les lointains, une virtuosité technique qui force l’admiration. • Bibliographie - Berthe Lhoist-Colman, « Antoine-Marin Mélotte (1722- 1795) », Bulletin de la Société royale Le Vieux-Liège, tome VII, n° 165, avril-septembre 1969, p. 369-389 - Berthe Lhoist-Colman et Pierre Colman, « Les reliefs d’Antoine-Marin Mélotte d’après les Batailles d’Alexandre de Charles Le Brun », Bulletin de la Société royale Le Vieux-Liège, tome VII, n° 171, octobre-décembre 1970, p. 501-507. - Alfred Micha, Les Maîtres Tombiers, Sculpteurs et Statuaires liégeois, Liège, 1909. - Joseph Philippe, « Une remarquable série de bas-reliefs liégeois d’après Le Brun », Chronique archéologique du pays de Liège, tome 59, 1968, p. 3-10. - Régine Remon, notice « Scènes de la vie de sainte Barbe », dans Albert Lemeunier et Thomas Delarue (dir.), Trésors de la Collégiale d’Amay, Amay, 1989, n° 2.38, p. 157-158. Liège•museum n° 4, juin 2012 42
Philippe Joris Conservateur du départements des armes, Grand Curtius Décor actuel inspiré de l’Antiquité À propos de quelques armes La gravure sur armes connaît depuis une quarantaine d’année un spectaculaire renouveau. Mais on se trouve fort embarrassé pour cerner les grandes tendances de la gravure contemporaine. On y rencontre en effet un peu de tout, du plus classique au plus improbable : du faisan au dinosaure, en passant par les guerres napoléoniennes ou les acteurs de la série télévisée « Dallas » ! Le propos est ici de montrer quelques armes exceptionnelles récentes dont le décor est, d’une manière ou d’une autre, influencé par l’Antiquité. L’évolution stylistique de la décoration des armes de chasse et de sport est bien documentée 1 . Après avoir succombé pendant un demi siècle à l’exubérance décorative de la période romantique et des styles « néo », les graveurs du continent, vers 1880, se tournèrent vers l’Angleterre pour y puiser leur inspiration. La Grande-Bretagne n’avait pas suivi le même chemin et, fidèle à sa longue tradition, était restée fidèle à un décor très sobre, influencée ensuite par les modèles de William Morris et le mouvement des Arts and Crafts. À Liège comme ailleurs, la sculpture des montures disparut pour laisser place à un sobre quadrillage. Ciselures et incrustations cédèrent le pas face à une gravure à volutes stylisées dite « gravure anglaise », agrémentée de bouquets ou de rubans. Si l’Angleterre, tant sur le plan mécanique que sur le plan décoratif, était devenue la référence, l’influence des modèles du siècle précédent n’avait pas disparu. D’autres graveurs, tels Léon Lemaître à Liège, réduisaient la place faite à l’ornement pour mettre en valeur des sujets de chasse. Mais les graveurs semblaient peiner à se renouveler. Des gravures « modernes » influencées par le cubisme ou l’Art déco ont vu le jour dans les années 1930, mais ces tentatives hardies n’ont jamais emporté la faveur du public. Ainsi, figée dans ses paradigmes, concurrencée par les progrès de la machine, la gravure sur armes décline au cours du 20 e siècle. En Europe, un sursaut a lieu à C Liège•museum n° 4, juin 2012 43
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