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Liège Musées n°4

Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : de précieux flacons aux saveurs orientales, Petits bouts de textiles multimillénaires, sesterce inédit de Trajan, amulettes scaraboïdes...

Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : de précieux flacons aux saveurs orientales, Petits bouts de textiles multimillénaires, sesterce inédit de Trajan, amulettes scaraboïdes...

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Séverine Monjoie<br />

Collaboratrice scientifique<br />

au Trésor de la Cathédrale de <strong>Liège</strong><br />

Petits bouts de textiles multimillénaires<br />

au Grand Curtius<br />

Des étoffes découvertes puis vendues<br />

Les fragments proviennent de Wetzikon-Robenhausen (canton de Zurich), un site<br />

néolithique en bord de lac (palafitte) découvert au milieu du 19 e siècle à l’occasion<br />

du nettoyage de l’embouchure de l’Aa au niveau du lac de Pfäffikon. La nature chimique<br />

du sol a permis la bonne conservation d’objets en matières organiques dont<br />

un nombre important d’artefacts témoignaient d’une activité de tissage. Parmi ceuxci<br />

se trouvaient nos petits bouts de tissus épargnés de la destruction grâce à l’eau<br />

mais aussi au feu. Ces étoffes en fibres végétales furent calcinées avant de se retrouver<br />

immergées, une situation idéale car des fibres carbonisées se rétrécissent et se<br />

stabilisent d’autant mieux en milieux aqueux.<br />

Les fouilles durèrent plusieurs dizaines d’années mais le manque de fonds<br />

nécessita la vente des découvertes à des collectionneurs et à de nombreux musées,<br />

dont le musée Curtius. On n’hésita pas à découper les étoffes en plusieurs fragments<br />

pour en tirer un maximum de bénéfices.<br />

Avez-vous déjà remarqué la présence<br />

dans la section consacrée à la Préhistoire<br />

de quelques petits fragments de<br />

textiles sous cadre ? Ces étoffes, certes<br />

peu chatoyantes, datent du Néolithique<br />

et sont un témoignage des premiers<br />

pas technologiques d’une activité<br />

quotidienne passionnante, le tissage.<br />

Entre vannerie et tissage : les étoffes cordées<br />

Ces textiles néolithiques du Curtius sont, techniquement parlant, des étoffes cordées<br />

représentant une étape intermédiaire entre la vannerie et le tissage. Cette armure<br />

(entrelacement de fils de chaîne et de trame pour la production d’un tissu) est attestée<br />

dès le Paléolithique par une empreinte sur céramique découverte sur le site de<br />

Pavlov (Moravie).<br />

Le mode de confection d’une étoffe cordée est tel que les fils d’un système<br />

(trame ou chaîne) s’entrecroisent régulièrement autour des fils de l’autre système.<br />

Une ouverture programmée, et donc mécanisée, des fils de chaîne étant impossible,<br />

cette technique se rapproche des techniques de vannerie. Par contre, elle nécessite<br />

l’emploi d’un élément fixe, un métier, sur lequel on va tendre les fils de chaîne ne<br />

possédant pas naturellement une rigidité suffisante.<br />

L’étude du métier à tisser préhistoriques est encore très lacunaire. Les éléments<br />

du métier étant presque entièrement périssables (bois, fibres…), le seul métier connu<br />

est celui dont les fils de chaîne sont lestés de poids ou pesons réalisés en pierre ou<br />

en argile. En effet, ces objets sont trouvés très fréquemment en fouilles et constituent<br />

souvent le seul témoignage d’une activité de tissage. Des études ethnoarchéologiques<br />

et des représentations de métiers à poids permettent de supposer que ce métier était<br />

de type vertical : les fils de chaîne, tendus par les poids, étaient attachés à une poutre<br />

de suspension fixée sur deux poteaux verticaux. L’emploi d’un métier pour la confection<br />

des étoffes cordées est devenu vraisemblable sur base de la découverte il y a<br />

quelques années de pesons de métier associés à des fragments d’étoffe cordée.<br />

Sur la plupart des sites néolithiques, les étoffes cordées prédominent par<br />

rapport aux tissus. Les découvertes archéologiques semblent donc refléter une<br />

réalité : le tissage ne serait qu’une expression tardive des modes de fabrication des<br />

étoffes et ne prendrait son véritable essor qu’à partir de l’Âge du bronze. Durant tout<br />

le Néolithique, il reste effectivement en arrière-plan si on le compare aux étoffes<br />

cordées utilisées dans la confection de la plupart des textiles.<br />

<strong>Liège</strong>•museum<br />

n° 4, juin 2012<br />

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