LIVRE BLANC : Se former aux métiers de demain
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2020<br />
La mondialisation<br />
contre la nature ?<br />
Aux critiques sociales contre une mondialisation<br />
<strong>de</strong>structrice d’emploi dans les<br />
pays occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong> s’est ajouté le constat <strong>de</strong><br />
ses effets négatifs sur le climat. À l’heure<br />
du réchauffement climatique acheter localement<br />
<strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> saison semble une<br />
manière simple <strong>de</strong> contribuer à réduire les<br />
dépenses énergétiques. Les « puzzles industriels<br />
» qui font voyager les produits<br />
<strong>de</strong> l’Asie <strong>aux</strong> États-Unis, <strong>de</strong> l’Amérique<br />
Latine en Europe paraissent également<br />
bien peu vertueux. Sans parler d’un tourisme<br />
<strong>de</strong> masse dont on dénonce <strong>de</strong>puis<br />
longtemps les effets délétères sur l’environnement.<br />
Dans ce contexte nombreux<br />
sont ceux qui prônent un tourisme raisonné<br />
comme l’explique Jan Van <strong>de</strong>r Borg,<br />
économiste du tourisme à l’université <strong>de</strong><br />
Louvain : « Il y a <strong>de</strong>s signes qui montrent<br />
que les consommateurs vont ouvrir la<br />
voie vers un tourisme plus sain. Au lieu<br />
<strong>de</strong> partir six fois par an en week-end, ils<br />
économiseront pour s’offrir un voyage<br />
<strong>de</strong> qualité une fois par an dans un endroit<br />
spécifique ; le reste <strong>de</strong> l’année ils<br />
passeront les vacances dans leur pays ».<br />
La mondialisation a-t-elle<br />
trop profité à la Chine ?<br />
L’atelier du mon<strong>de</strong> qu’est encore la Chine<br />
se mue petit à petit en laboratoire du<br />
mon<strong>de</strong>. Capable bientôt <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s<br />
avions qui concurrenceront Airbus et<br />
Boeing. Déjà lea<strong>de</strong>r dans les communications<br />
avec un Huawei qui n’en finit pas<br />
d’inquiéter les pays occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong> après<br />
que les États-Unis l’aient même banni<br />
<strong>de</strong> leur territoire. « Si l’on schématise, le<br />
désir <strong>de</strong>s industriels américains <strong>de</strong> faire<br />
du business avec la Chine l’a longtemps<br />
emporté sur d’autres considérations.<br />
Désormais, ces industriels ont changé<br />
d’attitu<strong>de</strong> : ils ont épuisé les possibilités<br />
<strong>de</strong> produire à bas coût dans l’Empire<br />
du Milieu, et se heurtent à l’impossibilité<br />
d’y vendre <strong>de</strong>s produits plus haut <strong>de</strong><br />
gamme, car Pékin bloque », analyse Suzanne<br />
Berger.<br />
En Europe la situation est plus contrastée.<br />
L’Allemagne échange par exemple<br />
200 milliards <strong>de</strong> biens avec la Chine<br />
chaque année, en Grèce la Chine a racheté<br />
le port d’Athènes pour y faire transiter<br />
sa « Route <strong>de</strong> la soie », dans toute<br />
l’Europe les industries chinoises sont présentes<br />
et créent <strong>de</strong>s emplois loc<strong>aux</strong>. Mais<br />
© Shutterstock<br />
Avec la mondialisation la supply chain management est au cœur <strong>de</strong>s économies mo<strong>de</strong>rnes<br />
là aussi les tensions s’amplifient. De nouveau<br />
c’est Huawei qui est en ligne <strong>de</strong> mire.<br />
De plus en plus méfiants vis-à-vis d’une<br />
Chine (qui plus est <strong>de</strong> moins en moins<br />
bon marché) les industriels occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong><br />
n’imaginent pas pour autant rapatrier leur<br />
production. <strong>Se</strong>lon une étu<strong>de</strong> menée par le<br />
Boston Consulting Group (BCG), Apple<br />
préfère par exemple réorganiser sa chaîne<br />
<strong>de</strong> valeur en produisant les composants <strong>de</strong><br />
ses iPhone dans plusieurs pays asiatiques.<br />
Peut-on vraiment<br />
relocaliser ?<br />
Alors que les lignes <strong>de</strong> fabrication s’engorgeant<br />
suite à la pandémie du Covid-19,<br />
un domaine a forcément retenu encore<br />
plus l’attention : la santé. Quand on ne sait<br />
plus fabriquer <strong>de</strong> masques chirurgic<strong>aux</strong>,<br />
quand certains médicaments viennent à<br />
manquer, ce sont les fon<strong>de</strong>ments mêmes<br />
du contrat social qui semblent se déliter.<br />
Sous l’injonction du prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République<br />
le laboratoire français Sanofi va<br />
ainsi investir d’ici 2025 plus <strong>de</strong> 600 millions<br />
d’euros en France pour créer une<br />
nouvelle usine <strong>de</strong> vaccins et relocaliser<br />
la production <strong>de</strong> plusieurs médicaments<br />
« usuels » comme le paracétamol. Un<br />
nouveau centre <strong>de</strong> recherche et développement<br />
<strong>de</strong>vrait également être consacré<br />
au développement <strong>de</strong> vaccins contre<br />
les maladies émergentes et les risques<br />
pandémiques.<br />
Mais ce qui est applicable à la santé l’estil<br />
à toutes les industries ? La montée en<br />
puissance <strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong>s pays émergents<br />
s’est accompagnée d’un terrible accroissement<br />
<strong>de</strong>s pollutions sur leurs sols.<br />
On voit mal <strong>de</strong>s pays occi<strong>de</strong>nt<strong>aux</strong>, <strong>de</strong> plus<br />
en plus portés sur l’écologie, rapatrier sur<br />
leurs sols ces industries polluantes. D’autant<br />
que leur force <strong>de</strong> travail est montée<br />
en compétences et s’est tournée vers<br />
les nouvelles technologies. « Bien avant<br />
qu’apparaisse le virus, les anciennes<br />
économies se sont rendu compte que la<br />
survie <strong>de</strong> l’industrie européenne passait<br />
par une qualité qu’on doit pouvoir<br />
contrôler. Dont l’environnement », analyse<br />
Jean-Dominique Giuliani.<br />
Relocaliser <strong>de</strong>s<br />
produits stratégiques<br />
Non <strong>aux</strong> industries polluantes donc mais<br />
oui <strong>aux</strong> industries stratégiques dont l’empreinte<br />
environnementale est plus favorable.<br />
Le français PSA et l’allemand Saft<br />
ont ainsi inauguré, début janvier 2020 en<br />
Charente, une première ligne pilote <strong>de</strong><br />
production <strong>de</strong> cellules <strong>de</strong> batteries pour<br />
véhicules électriques. De concert avec<br />
un autre site en Allemagne, l’objectif est<br />
d’en produire suffisamment pour alimenter<br />
près d’un million <strong>de</strong> véhicules électriques<br />
chaque année. Un vrai retour en<br />
Europe d’une production aujourd’hui quasiment<br />
exclusivement chinoise.<br />
Un retour <strong>de</strong> l’industrie qui sera largement<br />
favorisé par l’essor <strong>de</strong> la robotique<br />
et <strong>de</strong> l’intelligence artificielle (IA). Si l’Allemagne<br />
a su maintenir une industrie <strong>de</strong><br />
premier ordre c’est aussi parce qu’elle est<br />
le pays le plus automatisé d’Europe. Derrière<br />
la Corée du Sud et Singapour elle se<br />
situe au 3 e rang mondial avec 309 robots<br />
industriels pour 10 000 employés. Loin<br />
<strong>de</strong>rrière la Corée du Sud (774 robots industriels<br />
pour 10 000 employés) et loin<br />
<strong>de</strong>vant la France qui stagne au 18 e rang<br />
avec 132 robots.<br />
Mais comment parler mondialisation en<br />
occultant tout ce qu’elle a eu <strong>de</strong> positif<br />
pour l’économie mondiale ? En sortant<br />
<strong>de</strong> la pauvreté <strong>de</strong>s milliards d’habitants.<br />
En faisant baisser les prix <strong>de</strong>s marchandises<br />
pour tous. Les premiers effets <strong>de</strong> la<br />
guerre commerciale entre les États-Unis<br />
et la Chine sont <strong>de</strong> renchérir les produits<br />
chinois – taxés – au détriment <strong>de</strong>s ménages<br />
américains. <br />
Sébastien Gémon