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<strong>KINAM</strong> <strong>MAGAZINE</strong> — <strong>FEBRUARY</strong> | <strong>MARCH</strong> <strong>2021</strong><br />
Car, pour eux, la Covid-19 existait<br />
depuis le XVIII e siècle. Dans<br />
leur pensée, le roi africain ou arabe<br />
d’en face revient tout droit des<br />
chiottes sans se laver les mains.<br />
Je comprends pourquoi la Mama<br />
porte toujours des gants immenses,<br />
même à 40 degrés Celsius. Ils<br />
se cachent, tous, derrière le paravent<br />
du protocole. Mon œil !<br />
Cette saga me rappelle le texte<br />
« Déculturation et renaissance »<br />
à la page 104 de mon livre « Les<br />
mots pour conjurer nos maux »,<br />
dans lequel j’analysais la tergiversation<br />
de certains métis de Saint-<br />
Domingue, en 1804, déchirés devant<br />
le dilemme de rester dans la<br />
nouvelle nation fraîchement<br />
créée, pour évoluer en vrais Haïtiens,<br />
maîtres chez eux, ou de rentrer<br />
en France, ou en Louisiane,<br />
pour vivre dans l’humiliation,<br />
avec le risque de retourner dans<br />
les fers.<br />
À titre d’exemple, j’avais rapporté<br />
plusieurs cas de déchéances,<br />
tels que celui de Thomas de la<br />
Pailletterie, le futur Alexandre<br />
Dumas, arrivé dans la région de<br />
— 86 —<br />
Caux, en France,<br />
avec son père, le<br />
Marquis de la<br />
Pailletterie, un ancien<br />
colon, en<br />
compagnie d’une<br />
servante. Les notables<br />
de la région ne<br />
se gênèrent nullement<br />
pour affubler<br />
ces nouveaux venus<br />
de tous les<br />
noms, au point où<br />
l’un d’entre<br />
eux, fatigué de<br />
voir quelques métis<br />
éméchés festoyer<br />
au château<br />
éponyme, déclara :<br />
« …On en vient à<br />
jalouser ces insolents<br />
mulâtres, produits des<br />
amours déréglées de vieillards libidineux<br />
et dévoyés avec des filles<br />
si noires, que le cher Voltaire, luimême,<br />
affirme sérieusement<br />
qu’elles pourraient descendre du<br />
singe... Il faut en conclure, continue-t-il,<br />
que les mulâtres ne doivent<br />
pas corrompre le sang français.<br />
Car, une seule goutte impure<br />
suffit à empoisonner des générations<br />
entières… Mais quand on<br />
connait leur lubricité, forcément<br />
bestiale, on est contraint d’admettre<br />
que la meilleure solution serait<br />
de les renvoyer chez eux. Aux<br />
îles, en Afrique, chez les singes,<br />
mais pas ici 5 ».