PANORAMA DE PRESSE - 02.08
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POLITIQUE · ÉCONOMIE · LA VIGNE · LE VIN · HORS CHAMPAGNE<br />
LE FIGARO<br />
Stéphane Reynaud<br />
01·08·23<br />
LA FOLLE ASCENSION DU VIN ROSÉ<br />
(1)<br />
Longtemps, le vin rosé fut à l’œnologie ce que le réalisateur Max Pécas était au cinéma français : un talentueux<br />
un peu brut, un incompris confiné à un cercle restreint de fans et d’initiés. Le long métrage On se calme et<br />
on boit frais à Saint-Tropez (1987), dernier film du maestro et référence ultime pour les aficionados, reçut –<br />
comme les quatre-vingts précédents – un accueil fort réservé. De la même manière, des années durant, le vin<br />
rosé fut taxé de «vin de camping», «vin de bouliste», «vin de saison». De vrais nanars œnologiques. À la fin<br />
des années 1990 et au début des années 2000, consommé par des estivants en slip de bain, il ne pouvait espérer<br />
franchir la porte des restaurants sérieux.<br />
D’inspirés professionnels ayant compris le formidable potentiel de la nouvelle couleur allaient changer la<br />
donne. Il s’agissait juste d’aller à l’encontre des idées reçues. «Quand j’ai commencé dans le métier, en 1996,<br />
on me disait : “Ne gâche pas ton diplôme en Provence, la région n’a aucun avenir. On n’y fera jamais un<br />
vin correct”, raconte Laurence Berlemont, à la tête du Cabinet d’agronomie provençale, à Brignoles, dans<br />
le Var. Le rosé était considéré comme un sous-produit auquel on n’accordait aucune importance. Puis, des<br />
investisseurs sont arrivés sans idées préconçues et avec des moyens conséquents.» Des chefs d’entreprise, de<br />
jeunes retraités et des étrangers fortunés en quête d’un mas, d’une bastide ou d’une villa avec quelques rangées<br />
de vigne. Ils débarquent alors dans les différentes appellations du rosé : Côtes de Provence, Coteaux d’Aix,<br />
Coteaux varois, Luberon. Ces nouveaux propriétaires regardent peu à la dépense liée à la remise en état des<br />
cultures et des chais. Les consultants suivent le mouvement. C’est le début de la renaissance provençale. Les<br />
dégustateurs avertis se délectent déjà du Bandol rosé du Château de Pibarnon et de quelques autres, tout en<br />
gardant le secret de ces crus hors normes.<br />
Pressoirs high-tech et prix élevés pour le vin rosé<br />
Mais en ce début de millénaire, la qualité est encore hétérogène. La grande majorité des crus implique une prise<br />
rapide d’aspirine après consommation. Les nouveaux équipements, la plus grande précision qui y est liée, vont<br />
doper la qualité des jus. «La qualité va devenir plus homogène en raison principalement de l’évolution de la<br />
technicité. La maîtrise du froid, un élément clé de la vinification, va s’améliorer», reprend Laurence Berlemont.<br />
Il n’est plus rare de réaliser des vendanges de nuit pour profiter des basses températures. Les raisins, récoltés en<br />
petites cagettes pour éviter d’être endommagés, sont entreposés dans de grandes chambres froides avant d’être<br />
acheminés avec soin dans des pressoirs high-tech. Tout cela contribue à l’augmentation des prix.<br />
À partir de 2007 et 2008, l’intérêt marqué pour ce vignoble par des figures du monde du cinéma – parmi eux<br />
des acteurs hollywoodiens de premier plan – confirme la tendance. Chez les producteurs historiques comme<br />
chez les nouveaux arrivants, on associe le produit à une histoire, vraie ou inventée de toutes pièces. Un soin<br />
nouveau est apporté au design de la bouteille et à l’étiquette. Les tarifs passent un nouveau cap. Arrivent enfin<br />
les grands acteurs du secteur, tels Moët Hennessy ou Pernod Ricard, qui associent à leurs acquisitions dans la<br />
région un arsenal marketing de pointe et des réseaux de distribution déjà rodés. Le produit rosé est à maturité.<br />
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