Cet été, on se bouge ! - Murmures Magazine

Bd
Claire Braud
Les éditions Nocturne sortent depuis quelque temps des albums classiques ou jazz,
accompagnés d’une BD retraçant la vie des musiciens présentés. Une idée somptueuse, une
autre manière de découvrir la musique et la bande dessinée… Claire Braud est une artiste
française qui évolue dans un univers prodigieux, émouvant et charmant. Un trait unique,
simple et très séducteur, elle plonge ses lecteurs au plus profond de son délire si touchant.
Dessinatrice, réalisatrice, sculpteur, bref ‘artiste’, Claire est avant tout une créatrice maligne
qui se détache des autres par sa patte spontanée. Son travail sur les œuvres musicales de
Billie Holiday ou encore Mills Brothers invite lecteurs/auditeurs à se plonger dans l’ambiance
de ces époques jazz. Entretien avec Claire Braud.
Des artistes choisis avant tout…
De Billie Holiday je ne connaissais qu’une voix
sur bande de cassette, qui me faisait chavirer à
chaque écoute, le reste du jazz, je n’y connaissais
rien. Il y a beaucoup de documentation sur la vie
de Billie Holiday, notamment son autobiographie,
‘Lady Sings the Blues’. Billie Holiday y raconte ses
histoires dans cette Amérique à la fois raciste,
en pleine construction, où le jazz monte et rend
fou tout le monde. On sent qu’elle écrit comme
elle parle, le ton qu’elle y emploie est un mélange
d’argot, de bon sens, d’une franchise et d’un
humour génial, dans des situations absolument
dramatiques, dures, la vie de Billie Holiday est
d’ailleurs tragique. Après avoir lu ce livre, on
56 Murmures Magazine N°21 – Été 2007
voudrait faire un film de cette vie incroyable. Ce
sera donc juste deux petites anecdotes pour ma
part, retranscrites en bédé, l’une où Billie prendra
un tremblement de terre pour une légère ivresse
au champagne, l’autre traitant d’une altercation
avec une sorte de vieux Texan qui ‘ne veut pas
voir un nègre dans son dancing’ et où Billie Holiday
conclut un deal qui cloue le bec du vieux. Pour Mills
Brothers, Nocturne m’avait donné une liste, et pour
le coup la seule chose qui ne me disait vraiment
rien c’était Mills Brothers. Je me demandais juste
ce que ça pouvait être. Le soir même, un ami
musicien m’a fait écouter une musique : du Doo
Wap, quatre types, des frangins qui imitent des
instruments à la voix, ils sont juste accompagnés
par un ukulélé, ça s’appelle Mills Brothers. J’ai
trouvé la musique très chouette, curieuse, pas
un retourne-tripes comme peut l’être le jazz,
mais seulement plaisante, toujours très agréable.
Il y a peu de documentation sur Mills Brothers.
Ce qui m’est resté pour monter le scénario c’est
qu’ils prennent un bateau depuis l’Europe pour
retourner en Amérique, le jour où Hitler envahit
la Pologne. Toute l’histoire se passe donc sur
un paquebot chargé de gens fuyant l’Europe, ou
bien embarquant à la découverte des Etats-Unis,
comme Hugues Pannassié, le journaliste français
qui amena le jazz en France, qui croisera les Mills
sur le bateau, les faisant ainsi raconter leur vie.
Mais aussi une femme pilote d’avion carburant à la
vodka, un colonel allemand devenu fou, et Alfred
Hitchcock.
Un coup de pinceau spontané et fluide.
Tout a l’air si simple…
Je dessine comme si je prends des notes. Une idée
en tête et je gratte sur le papier tout simplement.
C’est une façon assez honnête de retranscrire mes
émotions. Je ne mets jamais beaucoup de temps à
faire une bande dessinée. Je n’aime pas y passer
CONCOURS réservé aux abonnés, dans la limite des stocks disponibles
Gagne des exemplaires de ‘The Mills Brothers’ en envoyant un mail à : concours@murmures.info avec ton adresse.
Le nombre de concours est limité à cinq par abonné pour ce numéro. Merci aux éditions Nocturne
plusieurs jours. Il faut que tout sorte rapidement
pour garder une certaine cohérence graphique.
Un crayon dans la main et un œil dans
la caméra…
J’avais fait il y a quelque temps un story-board
pour un film. Cela m’a emmenée au Sénégal
pour une aventure complètement folle. Malgré
les malédictions locales, cette expérience était
enrichissante. Il y a quelque temps, je me suis
lancée dans la réalisation d’un premier court
métrage de vingt minutes accompagnée d’une
bande d’amis. Une sorte de pilote pour feuilleton.
Ce qui me plaît le plus dans la réalisation vidéo,
c’est le fait qu’on travaille en équipe et qu’il y a
forcément un partage. C’est un projet beaucoup
plus lourd qu’une bande dessinée, mais c’est
quelque chose que j’aimerais refaire.
Les projets à venir ?
J’avais dessiné une fresque d’une grande bataille,
le genre de bataille épique où personne n’est
gagnant, des hommes, des épées, des chevaux,
un véritable chaos… Je suis en train de la réaliser
en trois dimensions. Je sculpte sur terre tous ces
soldats en action.
Une autre sortie CD/BD à venir ?
Camille Saint Saëns. J’ai eu une sorte de coup
de foudre. Je trouvais certains morceaux de ce
compositeur français absolument grandioses, une
sorte de lyrisme passionné, et je me suis mise à
écouter les ‘danses macabres’, ou bien encore
ce magnifique ‘concerto pour piano n°2 en sol
mineur’, empli d’une tragédie désespérée à vous
faire mourir de tristesse, en boucle. Sa vie est
d’un ennui sans nom. Pour le scénario de la bédé,
c’est donc une sorte de
balade en dessin, mêlé
d’une correspondance
de Saint Saëns à l’un
de ses amis, qui nous
font mieux comprendre
l’homme. Cela sortira
en septembre.
The Mills Brothers
Claire Braud
Nocturne
Franck