SWISSMECHANIC JOURNAL 2023-05

article juridique
32
Réglementation
de l'intelligence artificielle
Le présent article traite des défis et du besoin de réglementation de l'intelligence
artificielle en Suisse, compte tenu des projets de législation de l'Union européenne
et du Conseil de l'Europe.
Par Liliane Obrecht, MLaw, doctorante et
collaboratrice scientifique à la faculté de droit de
l'Université de Bâle (Professeur Braun Binder)
Situation de départ
«L'intelligence artificielle» (IA) est un domaine
de recherche de la technologie informatique
qui cherche à simuler l'intelligence
cognitive humaine sur des machines.
Celles-ci sont ainsi en mesure
d'exécuter des tâches à l'origine réservées
à l'être humain. Ces dernières années,
d'impressionnants progrès réalisés
dans la recherche IA ont suscité beaucoup
d'attention, mais du même coup fait apparaître
des inquiétudes et des craintes.
Défis et besoin de réglementation
De telles innovations offrent certes des
avantages sociaux. Par exemple, les systèmes
IA permettent en médecine un dépistage
précoce de maladies graves grâce
aux données des dossiers électroniques
de patients. L'utilisation de véhicules automatisés
permet de réduire l'impact sur
l'environnement par une consommation
moindre de carburant et de rendre la circulation
plus sûre grâce au maintien automatique
de distance. Les entreprises
peuvent en un minimum de temps trouver
les futurs collaborateurs les plus qualifiés,
les processus fastidieux de candidature
étant effectués par des systèmes
d'intelligence artificielle.
L'utilisation de telles applications IA est
cependant liée à des risques. Comment
garantir par exemple la protection de la
sphère privée lors du traitement de données
sensibles sur la santé? Qui est responsable
si le véhicule automatisé provoque
un accident par suite d'une reconnaissance
erronée des objets? Comment
garantir, dans la procédure de recrutement
basée sur IA, qu'aucun groupe de
personnes ne soit systématiquement désavantagé
(discriminé) parce que le système
prend ses décisions sur la base de
vues et coutumes historiques?
Des limites juridiques sont
nécessaires
Ces exemples montrent que de tels
risques nécessitent – outre des mesures
techniques appropriées – une limitation
juridique. C'est pourquoi la Commission
de l'Union européenne (UE) a présenté en
avril 2021 un projet d'ordonnance IA. Son
approche est basée sur les risques. Tout
ce qui est classé comme menace évidente
pour les citoyennes et les citoyens de l'UE
est interdit: de l'évaluation par les autorités
du comportement social (Social Scoring)
aux jouets à assistance vocale qui
encouragent les enfants à un comportement
risqué. Pour les applications non interdites,
divers objectifs de contrôle et de
transparence sont applicables en fonction
du niveau de risque.
Des normes ponctuelles pour la
Suisse?
Dans le domaine de la réglementation
IA, la Suisse se comporte de manière plutôt
passive contrairement à l'UE. Néanmoins,
étant donné les risques liés à l'utilisation
de l'IA, un besoin de réglementation
existe également au niveau du droit
suisse. En l'état actuel des choses, il se
dessine que la Suisse – contrairement à
l'UE – ne se donnera pas de «Loi IA» complète.
Il paraît plus judicieux de créer,
dans les lois existantes, des normes ponctuelles
indépendantes de la technologie.
Cela permettra de traiter des risques spécifiques
dans certains secteurs. Il faudra
aussi examiner si des normes existantes
pourront être appliquées par interprétation
aux systèmes IA.
A côté de cela, il existe des questions de
réglementation qui concernent divers
secteurs de la même manière. Cela se voit
à trois exemples.
Droit de la protection des données
Premièrement, l'utilisation de l'IA est régulièrement
liée au traitement de données.
S'il s'agit de données personnelles,
le droit de la protection des données est
applicable. L'utilisation de l'IA ne pose
pas de questions entièrement nouvelles.
Si des applications IA sont utilisées par
exemple dans le cadre du diagnostic médical
pour traiter des données sensibles
concernant la santé, ces applications
doivent être conformes à la législation
applicable en matière de protection des
données.
Responsabilité
Deuxièmement, la responsabilité pour
systèmes IA défectueux en fait égale-