i l - Notes du mont Royal

XXXVII
filiations, ou de conséquences. C'était une conquête.
Nous l'avons appropriée à notre usage, nous ne l'avons
pas perdue]: rien de mieux. Mais il était bon qu'à côté,
pour l'usage courant, pour l'usage aussi des œuvres
légères, des lettres, des pamphlets, des livres didactiques,
des pièces comiques, des discours familiers, des
propos de moraliste, nous eussions le langage rapide,
bref, concis, aisé et ailé, où la pensée ne se déroule
pas avec majesté, mais jaillit et court, de l'allure
naturelle qu'elle a dans une causerie, dans une discussion,
dans une lettre à un ami.
« Heureux homme après tout que La Bruyère! Concision:
s'écrie M. Sainte-Beuve : son talenf regarde deux Siii,,le Beuvo -
siècles, sa figure appartient à tous les deux; il termine
l'un, on dirait qu'il commenco et introduit l'autre.
Bossuct l'a tout d'abord pris par la main et patronne,
Dosprôaux l'a accepté, sauf une légère réserve; Racine
l'a tout à fait accueilli; et en même temps il procède
Montesquieu, il l'annonce et le présage pour les Lettres
persanes. Tout ce qu'il y a d'esprits piquants dans le
xvin e siècle semble tenir et relever de lui; tous ces
hommes de lettres et à la fois gens du inonde, qui
régissent la société, qui, dans le tous-lcs-jours ont le
mot vif, mordant, ironique, le propos plaisant et
amer,... semblent avoir trempé la pointe de leurs
traits dans l'écritoire de La Bruyère. Kt il a ce singulier
bonheur encore que, quand le xviti* siècle csl
passé et qu'on en parle comme d'une ancienne modo,
quand le xvn* siècle lui-même est exposé de toutes
parts aux attaques, aux irrévérences et aux incrédu-