Une histoire d'amour ordinaire / Fragments biographiques Léandre ...
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cause ; tu cédas en partie. Tu acceptas un nouveau « câlin », comme le<br />
premier soir, en plus bref et toujours habillé, ce qui ne correspondait pas<br />
vraiment à ce que j’espérais, mais laissait la latitude d’espérer plus. Le<br />
comble est que tu acceptas presque ce que je te proposais, mais tu exigeais<br />
que je me déshabillasse le premier, et je ne t’ai pas pris au sérieux ! J’ai cru<br />
que c’était un défi, que tu me narguais, je n’ai pas osé faire une chose<br />
pareille. J’ai compris bien plus tard que tu ne plaisantais probablement<br />
pas, et que si je l’avais fait nous aurions gagné du temps ! Ce soir-là, je te<br />
laissai donc repartir, emportant avec toi le redoutable aveu que tu m’avais<br />
arra ché, sans avoir obtenu ce que je désirais, et craignant désormais de ne<br />
l’obtenir plus jamais. J’avais tout gâché par mon manque de tact, ma<br />
conduite imprudente ; je t’avais perdu et peut-être même blessé,<br />
« traumatisé » comme ils disent. J’étais au désespoir, pour la énième fois<br />
de ma vie.<br />
Cependant, tu revins encore ! <strong>Une</strong>, peut-être deux semaines après. Cette<br />
fois, les astres étaient en ma faveur, j’avais la baraka, comme on dit dans<br />
ta culture (qui est la mienne par adoption). Tu venais me voir sous un<br />
prétexte quelconque ; je te fis entrer dans mon bureau, qui contenait ma<br />
bibliothèque de philosophe et d’amateur d’art, mes disques compacts —<br />
car je suis grand mélomane devant l’Éternel —, ainsi qu’un canapé-lit<br />
pour me reposer entre les longs moments d’étude. Ce meuble allait luimême<br />
bientôt devenir un lieu d’études passionnantes, mais pas parti -<br />
culièrement reposantes… Nous restâmes un long moment à bavarder. Je<br />
t’expliquai certaines questions d’algèbre qui te posaient pro blème à l’école,<br />
j’en profitai pour te parler de ce que les Arabes tes ancêtres avaient apporté<br />
aux sciences mathématiques, et de bien d’autres choses encore. Et nous<br />
nous rap pro chions, imperceptiblement. Mes mains se glissèrent sous ta<br />
chemise et je te massai lon gue ment le dos, tandis que tu roucoulais de<br />
plaisir sous ces caresses qui n’étaient pourtant rien à côté de ce qui allait<br />
suivre. Mais comme j’étais heureux, quel enivrement de sentir sous mes<br />
mains le contact de ta peau brûlante, et en dessous d’elle le fin réseau de<br />
tes muscles ; je désirais tout toucher, tout palper, et je le pouvais enfin, je<br />
me grisais du contraste de consistance entre la chair de tes flancs, aux<br />
longues fibres souples, et celle de ton ventre, plus ferme à cause des<br />
abdominaux, mais qu’une peau plus soyeuse, au grain plus fin, recouvrait.<br />
De telles sensations ne se peuvent imaginer ni fantasmer a priori : il n’y a<br />
qu’en les ayant éprouvées concrètement que l’on peut s’en former une<br />
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