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Une histoire d'amour ordinaire / Fragments biographiques Léandre ...

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en harmonie avec mon moi profond, c’est-à-dire au fond avec le Soi divin,<br />

avec l’Esprit qui est par essence autonomie et liberté. Finalement, je me<br />

sentais et me sens toujours beaucoup moins « pécheur » en faisant l’amour<br />

avec un garçon que j’aimais, qu’en le faisant avec une femme que je<br />

n’aimais plus beaucoup, avec qui je n’étais pas du tout accordé<br />

spirituellement. Le voilà, le péché contre l’esprit ! Fuir encore et encore la<br />

vie, le bonheur, l’amour partagé, fuir la rencontre avec l’autre quand elle<br />

peut se produire. Oui, j’étais sûr d’avoir moins « péché » avec Amine<br />

qu’avec tous ces garçons à qui je n’avais même pas osé sourire par crainte<br />

de leur juge ment, c’est-à-dire par amour propre et peur de l’autre. Le seul<br />

péché, c’est le manque d’amour ; c’est le refus d’aller vers l’autre, et le refus<br />

de la vie. C’est l’incapacité à donner et à recevoir. Il n’y en a pas d’autres.<br />

Avec Amine je me donnais totalement, et lui aussi, il me faisait don par<br />

amour de ce qu’il avait de plus précieux, de plus intime, nous nous<br />

donnions l’un à l’autre avec une spontanéité totale, sans la moindre<br />

arrière-pensée, sans calcul, juste par amour, amitié, envie de nous faire<br />

mutuellement plaisir, qu’y a-t-il de plus noble, de plus saint que cela ? Si<br />

la sainteté est autre chose que la capacité de se donner totalement, je ne<br />

comprends plus rien à rien. Vous direz : de se donner totalement à Dieu,<br />

non à une créature. La nuance est de taille. Je vous répondrai que quand<br />

on donne vrai ment tout, c’est toujours pour Dieu, car il n’y a que Lui pour<br />

accueillir un tel don, mais de toute façon je l’ai dit, j’aimais Amine en Dieu<br />

et j’aimais Dieu en Amine, il était pour moi la forme selon laquelle<br />

l’Absolu se manifestait à moi ; je comprenais parfaitement ce qu’avait<br />

voulu dire Pla ton dans le Phèdre, à mon sens un des plus beaux textes sur<br />

l’amour des garçons : « Chacun choisit selon son caractère parmi les beaux<br />

garçons l’objet de son amour ; il en fait son dieu, il lui dresse une statue<br />

dans son cœur et la charge d’ornements, pour la vénérer et célébrer ses<br />

mystères ». Oui, j’avais vraiment « dressé une statue dans mon cœur » à<br />

ce garçon, il était l’Androgyne céleste, le Jouvenceau mystique, et l’œuvre<br />

de chair accomplie avec lui était un acte de dilection, un acte d’esprit,<br />

accompli en accord avec l’Esprit. Seigneur ! Pourquoi toujours séparer<br />

l’esprit et la chair ? Ce n’est pas ce qu’enseigne l’Islam ; la religion de<br />

l’Unité bannit tout dualisme. Le Prophète lui-même montrait l’exemple<br />

et enseignait que la satisfaction de la chair, dans des limites rai son nables,<br />

profite plus à l’esprit que l’abstinence ; or ma chair réclamait cet éphèbe,<br />

elle avait faim de lui, et il en allait de la santé de mon esprit. Sincèrement,<br />

je ne voyais pas où pouvait se cacher le mal, et si je l’avais vu, je me fusse<br />

abstenu. Non, en fait, c’est à la lumière de mes rapports avec Amine que<br />

j’ai compris la signification intérieure du « péché », que des siècles de<br />

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