Une histoire d'amour ordinaire / Fragments biographiques Léandre ...

egards indiscrets. Autour de nous, ses frères et sœurs déchaînés ont
complètement oublié notre existence. Alors, allongé sur le flanc en
m’appuyant du coude à côté du lit sous le quel Amine se tient toujours
couché sur le dos, je glisse ma main dans son pantalon et commence à le
masturber sous ce lit, en la présence de tous les autres, ce qui constitue
probablement mon expérience érotique la plus baroque. Amine guidait
ma main des siennes et se cabrait, cambrait les reins pour augmenter le
mouvement, c’était un bonheur inexprimable de le sentir ainsi se contor -
sionner de plaisir sous ma main, dans l’ombre de cette chambre à
l’atmosphère survoltée. En quelques instants, il atteignit l’orgasme, un
orgasme totalement sec ; d’un seul coup, je le sentis se détendre
intégralement, retom ber exténué sur le dos tandis que dans un profond
soupir de satisfaction, dont je pus quasiment sentir passer la caresse sur
mon visage, plus douce qu’une brise printanière, il murmurait ces mots
triviaux : « Oh ! putain… », qui depuis résonnent en moi comme chargés
d’une poésie secrète.
Passées les premières étapes dont il vient d’être fait état, j’aurais du mal
à retracer l’or dre de nos expériences, la chronologie de nos découvertes.
Je ne me souviens même plus de ce que je pouvais faire entre deux de ses
visites ; tant je ne vivais plus que par lui. Quand il n’était pas là, je n’existais
pas, et pour le reste tout se mêle dans ma tête en une bac cha nale
ininterrompue d’où émergent çà et là des moments particulièrement forts,
impos sibles à sérier. Je me souviens par exemple de la première fois où je
me mis nu devant lui, sur sa demande bien sûr. Il m’avait demandé un
« strip-tease masculin », et je m’exécutai de bonne grâce, bien qu’un peu
gêné, car je trouvais mon corps d’adulte si laid en com paraison du sien !
Mais son excitation palpable, ses commentaires flatteurs m’en har dissaient,
et j’étais bientôt fier d’abandonner toute pudeur en face de l’Aimé. Il était
curieux de découvrir mon corps, non seulement dans son aspect
« statique » si je puis dire, mais encore dans son fonctionnement érotique.
Sans honte, il me demanda d’ac complir devant lui un acte… solitaire. Ce
que je fis, tandis qu’il m’observait conscien cieusement, ne perdant rien
du spectacle, demandant diverses explications que je lui donnais sans
m’arrêter. À l’approche du moment suprême, j’hésitai quand même à
continuer ; je craignis qu’il fût choqué et je lui demandai à plusieurs
reprises s’il voulait vraiment que j’aille jusqu’au bout. Mais il insista pour
que je le fisse, et ainsi fut fait. L’issue ne manqua pas de le surprendre…
je compris qu’il n’avait jamais vu de sp… et qu’il ignorait la nature de ce
liquide, qu’il confondait avec l’urine, ainsi que sa fonction biologique et
tout ce qui s’ensuivait ! Je mesurai soudain l’étendue de son « innocence ».
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