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Une histoire d'amour ordinaire / Fragments biographiques Léandre ...

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n’est pas une chose facile pour un honnête pédéraste amoureux de la vie.<br />

Ce qu’il y a en fait, c’est que, pour ces gens, l’exis tence de sentiments sin -<br />

cères devrait dispenser du reste : si vous aimez, ne faites pas l’amour ! Ils<br />

ne prouvent pas seulement par là leur haine du sexe, mais aussi leur mépris<br />

des sentiments, qu’ils ravalent en dessous de la chair. Car si deux per sonnes<br />

s’aiment vrai ment, et totalement, elles ne devraient pas avoir peur de se le<br />

prouver physiquement, à moins que l’on considère que les dé monstrations<br />

physiques sont un plus, un surcroît par rapport à l’élection spirituelle ;<br />

comme si le don du corps avait plus de prix, engageait plus l’individu que<br />

le don du cœur. Ce qui semble être le cas des bien-pensants, qui tout en<br />

dénigrant la chair (au profit de l’esprit qu’ils ignorent, ce qui explique bien<br />

des choses), ne cessent de lui accorder plus de prix et d’importance qu’elle<br />

n’en a. Moi, je considère au contraire qu’il est plus difficile et plus méritoire<br />

de donner son cœur que son corps, de sorte que quand on a donné l’un,<br />

on peut bien donner l’autre aussi. On doit même le faire, en tout cas on<br />

doit pouvoir le faire, car qui peut le plus peut le moins. Quoi ! on serait<br />

prêt à mourir l’un pour l’autre, mais pas à s’em brasser ? Allons donc ! On<br />

se jetterait au feu, mais pas au pieu ? Fadaises ! Dites plutôt que vous<br />

n’admettez pas que l’on puisse aimer sans restriction.<br />

En même temps, les bien-pensants n’ont pas tort, c’est là toute leur<br />

équivoque, c’est là ce qui fait que, bien qu’ils soient des êtres médiocres<br />

strictement dépourvus d’intérêt en eux-mêmes, leur existence en tant que<br />

phénomène n’est pas dépourvue d’intérêt. Il se cache derrière tout cela<br />

des considérations métaphysiques qu’il serait trop long de développer —<br />

je le ferai peut-être ailleurs s’il plaît à Dieu —, mais qui reviennent au<br />

mystère de la Chair, la Chair qui est à la fois tout l’opposé de l’Esprit et sa<br />

manifestation la plus intégrale, la plus achevée. La Chair, c’est l’Esprit<br />

entièrement développé, lieu de l’activité vitale immédiate, de la sensation<br />

brute, modèle de l’intuition. Il est donc vrai, mais en un certain sens, qui<br />

n’est pas celui que ces pharisiens ont en vue, que le don de sa chair est le<br />

don le plus précieux que l’on puisse faire. Le faire par passion, c’est la plus<br />

belle chose qui soit au monde ; le faire sans passion, soit de façon routi -<br />

nière, compulsive ou vénale, c’est profaner ce qu’il y a de plus sacré. Làdessus,<br />

les religions ont vu juste et c’est tout à leur honneur, même si cela<br />

fut généralement mal compris. Car cela ne vaut que si l’on considère, en<br />

somme, que la chair cache en elle-même autre chose qu’elle-même, que<br />

la chair, en réalité, est Esprit. Il faut penser dans l’unité et non dans la<br />

dualité, c’est alors seulement que tout s’éclaire.<br />

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