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Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

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scientifique pour seuls guides et seuls dispensateurs de Signification.<br />

e<br />

Le XIX siècle progressiste a conçu un rapport déterminé entre religions<br />

et idéologies de la science et du progrès : c’était celui d’une substitution, figure<br />

de la maturité de l'esprit humain, substitution de la raison désenchantée à la<br />

e<br />

déraison religieuse. Auguste Dide, au tournant du XX siècle, après une<br />

ribambelles d’autres essayistes, croit pouvoir prévoir ou extrapoler la Fin des<br />

religions. Le livre qu'il publie en 1902 et qui porte ce titre aura du succès à<br />

gauche. Il décrit l’agonie du christianisme tout au long du siècle écoulé, dresse<br />

le bilan globalement négatif des vaines résistances de la religion révélée et en<br />

pronostique la disparition finale à moyen terme — non sans jubilation :<br />

Le christianisme devient semblable à un vieil oiseau qu’on aurait placé<br />

sous le récipient d’une machine pneumatique. À chaque mouvement de<br />

rotation, l’air respirable diminue et l’oiseau bat de l’aile en signe de<br />

détresse et de mort. L’agonie sera longue; mais le dénouement est<br />

inévitable. [...] La force des choses, la logique immanente, la science<br />

feront leur œuvre. 25<br />

Vers 1850, cela était déjà clair pour les esprits qui s’éveillaient au monde<br />

moderne, et cela demeurera le cas plus tard : les convictions rationnelles adultes,<br />

non moins exaltantes, remplaçaient avantageusement la foi perdue par la<br />

confiance immense mise dans la science, dans ses progrès et ses bienfaits et par<br />

la confiance concomitante dans les progrès de toutes sortes qu’elle favorisait.<br />

Plus on se dit adversaire des «superstitions religieuses», des «survivances» de<br />

l’Ancien régime et des routines traditionnelles, plus volontiers au siècle XIX on<br />

confesse son «espérance» et sa «foi» dans le progrès humanitaire et dans la<br />

science émancipatrice. Le siècle est perçu comme le lieu d’une révolution<br />

permanente, d’une lutte continue et finale entre le principe de l’avenir et celui<br />

du passé. Émile Littré, le principal disciple d'Auguste Comte, le formule<br />

expressément : «Ce qui fait que nous sommes en révolution, c’est le progrès des<br />

sciences positives détruisant peu à peu toutes les bases de la conception<br />

26<br />

monothéistique du monde.» En 1848, Ernest Renan dans L’Avenir de la science<br />

(essai de jeunesse qu’il ne publiera qu’en 1890) fixe à celle-ci comme mission<br />

27<br />

manifeste de remplacer un jour la religion après en avoir démontré l’inanité. La<br />

science anéantit les fables bibliques, elle montre l’absurdité des dogmes,<br />

l’imposture des miracles, la «vérité scientifique» se substitue à l’erreur<br />

28<br />

théologique, «l’hypothèse Dieu» est écartée par le savant comme «inutile» .<br />

«Tout le travail de la science a eu pour résultat de démontrer que nulle part il n’y<br />

a place pour l’intervention des dieux», résume encore Littré, adepte enthousiaste<br />

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