25.06.2013 Views

Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

la Monarchie de juillet face aux «sectes» saint-simoniennes, sociétaires,<br />

icariennes et autres qui alarmaient les gens en place quand ils n’avaient pas pris<br />

le parti d’en rire. Le communisme (celui, alors redouté, d’Étienne Cabet et non<br />

celui de l’anonyme auteur d’un obscur Manifest der kommunistischen Partei paru à<br />

Londres en février 1848), apprend-on, dans de nombreux travaux savants de<br />

circonstance, mais c’est Sparte et son «brouet», c’est Lycurgue, c’est Platon, ce<br />

sont les théocraties antiques, c’est l’idéal monastique médiéval, ce sont les<br />

Albigeois, ce sont les Frères moraves, les Turlupins, ce sont les Anabaptistes de<br />

Thomas Münzer, c’est le Munster de Jean de Leyde, c’est tout ce qu’on veut sauf<br />

une idée neuve en Europe, c’est le retour de vieilles et perverses hérésies! Les<br />

prétendus socialistes modernes sont les descendants des Pastoureaux du XIII e<br />

e e<br />

siècle, des Jacques du XIV , des Paysans du XVI . Voulez-vous des sociétés<br />

communistes, vous en trouverez en Orient, en Afrique, chez tous les peuples<br />

«primitifs». Toute l’amorce polémique de la notion de «religion politique» comme<br />

régression dans un monde en marche vers le progrès rationnel libéral est déjà<br />

présente... et, comment s’en étonner, elle est fondée sur le paradigme linéaire<br />

même du progrès: empruntant son fond eschatologique et ses rêveries<br />

égalitaires aux religions de jadis, le socialisme ne saurait aller dans le sens du<br />

progrès séculier, la marche de l’histoire le condamne donc ipso facto.<br />

Mgr Joseph Gaume, figure éminente de la réaction catholique au milieu<br />

e<br />

du XIX siècle, auteur d’une monumentale Histoire du mal en Europe, prédit de son<br />

côté que le socialisme, ayant répudié la vraie foi, réinstaurera fatalement, au<br />

nom d’une Idole terrestre, les sacrifices humains, «l’immolation d’une personne<br />

à une Idole quelconque». Au fond, le savant évêque n’était pas loin des<br />

théoriciens modernes des religions totalitaires aboutissant infailliblement au<br />

massacre de variables ennemis de classe ou de race. 7<br />

e<br />

Autre remarque d’«archéologie» de la notion. Dès le XIX siècle, l’idée<br />

émergente d’Idoles nouvelles en train de se dresser et de réclamer des victimes<br />

au milieu d’un monde post-religieux a eu à voir avec la critique de l’État moderne<br />

en expansion, de l’«étatisme», perçu par tous les esprits libéraux comme un<br />

phénomène redoutable en progrès continu inexplicable. Il a paru à bien des<br />

penseurs de ce siècle, divers de doctrines, que la croissance constante de l’État,<br />

son appétit d’expansion illimitée ne tenaient pas à un processus rationnel et<br />

justifiable, mais à une dévorante passion inaccessible aux objections et aux mises<br />

8<br />

en garde, à une sorte de religion nouvelle en effet, une «Statolâtrie» , néologise<br />

l’abbé Martinet vers 1850, un culte de l’«omnipotence de l’État» dont le projet<br />

socialiste n’était alors que l’expression accomplie — d’autant plus redoutable<br />

qu’il avait pour lui une dynamique pleinement à l’œuvre à laquelle les «classes<br />

éclairées» prêtaient la main. Dès 1848, la question est posée de la nature de ce<br />

8

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!