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Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

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etourner aux anciens systèmes religieux qui ont au moins une force consolatrice<br />

46 o<br />

éprouvée... Freud-N 1 se réplique à lui-même : il est vrai que l’espérance d’une<br />

désillusion finale parfaite est peut-être elle-même illusoire. Il admet finalement<br />

aussi que l’humanité ne surmontera pas nécessairement cette «phase» ou qu’il<br />

faut être optimiste pour le conjecturer. Simplement, conclut-il, l’hypothèse<br />

pessimiste n’est pas mieux fondée. Freud choisit de demeurer optimiste à très<br />

long terme car «rien ne peut à la longue résister à la raison». Dans le système de<br />

pensée freudien, le vieux vecteur progressiste qui conduisait l’humanité de la Foi<br />

à la Science, de l’instinct à l’intellect, se trouve en quelque sorte re-théorisé,<br />

modernisé, mais avec un caveat : cela viendra peut-être, mais ce n’est pas demain<br />

47<br />

la veille! «Nous avons beau dire et redire que l’intellect humain est sans force<br />

par rapport aux instincts des hommes, et avoir raison ce disant, il y a cependant<br />

quelque chose de particulier à cette faiblesse : la voix de l’intellect est basse mais<br />

elle ne s’arrête point qu’on ne l’ait entendue. Et après des rebuffades répétées<br />

et innombrables, on finit quand même par l’entendre.» 48<br />

Enfin — autre bonne raison de mener une enquête englobante —, il me<br />

paraît que la notion ou l’idée sous-jacente de «religion séculière» déniée et<br />

instrumentalisée est également au cœur de la polémique intrasocialiste en<br />

longue durée et que, de Bernstein et Georges Sorel à Ernst Bloch et à Karl<br />

Mannheim, à Walter Benjamin, qui fait voir, dissimulé dans le socle de l’automate<br />

Histoire, le petit nain Théologie qui en tire les ficelles, tous les penseurs<br />

«hétérodoxes» du socialisme et du marxisme ont travaillé à cet égard des<br />

problématiques comparables ou du moins convergentes et qu'on n'a guère<br />

interrogées jusqu'ici.<br />

C’est qu’en effet toutes sortes de phénomènes résurgents, propres à la<br />

vie militante, agaçaient depuis toujours les esprits critiques et indépendants. Le<br />

culte des morts au service de la Cause est à l’honneur dans les partis<br />

collectivistes de la Seconde Internationale qui n’y entendent pas malice et ne<br />

s’interrogent jamais sur le sens ultime de leur obsession commémorative et sur<br />

leur goût prononcé pour les enthousiasme liturgiques, sur ces «mômeries<br />

religieuses» et ce «culte de la charogne» qui indisposaient par contre et faisaient<br />

ricaner les mauvais esprits anarchistes. On n’a pas encore étudié en détail sinon<br />

le «culte» du moins la commémoration permanente de Marx dans les partis de<br />

la Seconde Internationale avant 1914. Or, cette commémoration est déjà<br />

pleinement ritualisée. Les mécontents et les dissidents de la SFIO grommelaient<br />

que le marxisme était devenu une «religion de parti», et Marx, une idole : «le<br />

jeune socialiste, dûment initié, conscient et organisé, se prosterne humblement,<br />

49<br />

le front dans la poussière, au Saint nom de Marx». Le culte des icônes de Marx<br />

fait partie du rituel des congrès du Parti ouvrier guesdiste depuis les années<br />

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