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Religions séculières, totalitarisme, fascisme - Marc Angenot

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avant d’en tirer les conséquences et de chercher à remédier à certains de ses<br />

dangers s’il y avait lieu — ne serait-ce qu’en créant de toutes pièces une «religion<br />

scientifique» pour restaurer un «lien» social (re-ligio) et pour combler le vide. On<br />

ne détruit que ce qu’on remplace, avait dit Danton : le siècle qui le suit est<br />

pénétré de cette maxime!<br />

C’est ce paradigme substitutif, douteux mais convaincant, que vient<br />

troubler l’émergence alléguée d’un tiers terme, celui de «religion politique», celui<br />

d’une persistance du religieux et de la foi sous des oripeaux trompeusement<br />

modernes, de la «religiosité» en déshérence mise au service de l’Immanence du<br />

monde. Cette entité émergente est en effet perçue comme un dispositif<br />

imposteur par sa nature hybride et équivoque, mi-partie de raisonnements et de<br />

mythes et chimères. Les siècles modernes, loin d’être une irrévocable marche en<br />

avant vers la sécularisation et vers le désenchantement du monde, auraient été<br />

le théâtre des progrès – qui n’auguraient rien de bon — de «religions laïques»<br />

(Dom Besse), dissimulant des «croyances irrationnelles inconscientes» (Le Bon)<br />

sous un «vernis» d’argumentations fallacieusement scientifiques (Pareto). De<br />

telles conceptions censées démystificatrices venaient tout renverser. Paradoxe,<br />

e<br />

scandale majeur : le XX siècle, qui, selon beaucoup de bons esprits du siècle<br />

antérieur, allait fatalement voir s’accomplir la «fin des religions», qui allait<br />

achever de dissoudre la foi ancestrale en une «irréligion» sereine et une «anomie»<br />

générale (Jean-M. Guyau) aurait été essentiellement religieux, et continûment<br />

imposteur et menteur à soi-même en niant, presque unanimement dans le camp<br />

34<br />

des progressistes, l’être. Pis encore, il aurait été ce siècle barbare de massacres<br />

35<br />

et de charniers, de génocides parce que siècle de religions nouvelles affrontées,<br />

acharnées à leur destruction réciproque non moins qu’à la destruction du monde<br />

ancien. Les dieux ont soif : le titre du sceptique Anatole France face à la Révolution<br />

et à la Terreur disait déjà ceci. De sorte que le concept de «religions du second<br />

type» se transmue chez plusieurs historiens en un instrument explicatif de<br />

e<br />

l’horreur du XX siècle. Les religions politiques, rouge, noire et brune, ont été,<br />

comme les fanatiques religions révélées l’avaient été autrefois, responsables de<br />

massacres et de crimes commis au nom du souverain bien. La preuve de la<br />

scélératesse intrinsèque par les crimes commis au nom d’une doctrine d’amour<br />

a été un raccourci polémique de tous les temps. Voltaire en son temps s’en<br />

servait en son «Livre noir du christianisme» avec grand succès : «Vous verrez, faitil<br />

dire au Curé Meslier, que la religion chrétienne a fait périr la moitié du genre<br />

humain.» 36<br />

Pour employer deux mots médiatiques, «religion séculière/politique» a<br />

évolué ainsi, depuis plus d’un siècle, comme un concept incontournable et une<br />

notion à géométrie variable... notion toujours chargée d’intentions sous-jacentes.<br />

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