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henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...

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sa femme 73. André n’avait encore que quinze ans, c’était donc Henri qui allait porter main-forte à ses<br />

grands-parents. Il évoque ces années dans ses Souvenirs sur Péguy : « Vers vingt-sept ans (…) nous<br />

étions d’autre part vigneron vigneronnant, allant régulièrement tailler, sulfater, labourer, moissonner.<br />

Nous avions des réalités sociales, nationales, une tout autre idée que les professeurs parisiens ; nous<br />

étions inaccessible à leurs nuées verbeuses. Enfin, nous sommes entré à trente ans dans l’Église, <strong>et</strong> c’est<br />

alors que nous connûmes Péguy personnellement. Pour nous, c’était simplement une joie. Pour Péguy,<br />

ce qu’il attendait en vain depuis si longtemps, un admirateur certes, mais étranger <strong>et</strong> complètement<br />

indifférent à toutes les disputes des écrivains <strong>et</strong> des professeurs, un homme qui l’admirait en quelque<br />

sorte en dehors du temps, pour qui l’art était une métaphysique, <strong>et</strong> qui se plaçait d’emblée, parce qu’il<br />

était fait ainsi, sur le plan où Péguy s’efforçait vainement de faire comprendre qu’il fallait placer ou<br />

l’enseignement même, ou Corneille, ou Bergson. »<br />

C’est Émilie Charlier, malgré l’histoire de son “en allé” — elle nomme ainsi son abandon de la foi<br />

—, qui fut sans l’avoir cherché l’intermédiaire entre son mari <strong>et</strong> le groupe de nouveaux convertis qui se<br />

r<strong>et</strong>rouvaient chaque semaine au 149 rue de Rennes chez la grande amie de Péguy, Madame Favre, mère<br />

de Jacques Maritain <strong>et</strong> de Jeanne Garnier-Maritain. C<strong>et</strong>te dernière devint en eff<strong>et</strong> l’amie d’Émilie, qui<br />

songeait à se tourner vers une carrière littéraire, <strong>et</strong> elle voulut l’introduire auprès de Péguy. C’est ainsi<br />

qu’Émilie eut bientôt sa place dans le salon de Madame Favre chaque jeudi, où se r<strong>et</strong>rouvaient Charles<br />

Péguy, Joseph Lotte, Ernest Psichari, Jacques Maritain, Maurice Reclus. Puis, à partir de 1911 elle fut<br />

invitée par Péguy à venir le r<strong>et</strong>rouver aux Cahiers, rue de la Sorbonne, pour des entr<strong>et</strong>iens plus intimes<br />

au cours desquels se resserra leur amitié. Pour elle cependant, la question de suivre Péguy sur le chemin<br />

de la conversion ne s’était pas encore posée.<br />

Mais moins de deux ans après, il arriva ce à quoi la jeune femme ne s’attendait pas : ce fut son<br />

propre mari qui se convertit. Dans le courant du deuxième trimestre de l’année 1913, Henri annonça à<br />

Émilie qu’il allait suivre une r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> recevoir le baptême. C<strong>et</strong>te nouvelle fut un choc pour la jeune<br />

femme, car Henri ne lui avait encore rien dit de son évolution spirituelle, considérant qu’elle n’était pas<br />

en mesure de le comprendre. Elle voyait bien les bonnes relations qu’il entr<strong>et</strong>enait avec leurs amis<br />

catholiques Amyot <strong>et</strong> Born<strong>et</strong>, <strong>et</strong> la confiance que ceux-ci accordaient à Henri (au point que lorsqu’il fut<br />

question du mariage de Jacques avec Andrée Born<strong>et</strong>, c’est par Henri que M. Amyot fit demander si son<br />

fils médecin avait des chances d’être agréé auprès des Born<strong>et</strong> qui étaient d’un rang social plus élevé).<br />

Émilie Charlier voyait aussi Henri partir avec son quatuor vocal pour chanter des mot<strong>et</strong>s dans des<br />

églises au cours des messes qu’on y célébrait, comme il arriva par exemple à la Noël 1912 pour la messe<br />

de minuit. Mais probablement ne regardait-elle ces changements dans la vie de son mari que comme une<br />

simple évolution dans ses idées artistiques, un “tournant culturel”, comme on dirait aujourd’hui. Or il<br />

s’agissait de bien autre chose. Les années 1911-1912 furent une période charnière dans la conversion<br />

d’Henri Charlier au catholicisme. Il avait 29 ans. C’est à c<strong>et</strong>te période que se réfère le seul aveu qu’il fit<br />

jamais sur sa conversion : « A dix-huit ans, avoue-t-il, avec l’outrecuidance de c<strong>et</strong> âge, je voyais comme<br />

le but de ma vie de réformer l’art <strong>et</strong> la pensée dans le sens de l’esprit français, parce que je l’estimais<br />

plus universel, cela surtout contre la philosophie <strong>et</strong> la musique allemandes. Dix ans plus tard, je<br />

m’apercevais que ce qu’il y a d’universel dans l’esprit français était catholique, <strong>et</strong> que la première chose<br />

à réformer, c’était moi-même. » Mais Émilie ne se doutait de rien. Elle était à cent lieues d’imaginer que<br />

les réflexions de mari l’avaient mené jusque là, <strong>et</strong> Henri ne la mit point au courant lorsqu’il devint<br />

catéchumène. Aussi fut-elle littéralement bouleversée lorsqu’il lui annonça son baptême <strong>et</strong> qu’il lui<br />

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