henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...
henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...
henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Charlier : « Chers amis, je viens vous dire merci tout chaud, tout bouillant ! Charlier m’adresse de fortes<br />
paroles. Pan ! sur la tête ! en vrai <strong>sculpteur</strong>. Il a raison. (…) Les admirables photos qu’il m’envoie me<br />
prêchent mieux que tous ses conseils. C<strong>et</strong> Isaac, lié, tordu, saisi aux cheveux — jusqu’à la cervelle —<br />
par le Père sacrificateur… Je me sens en lui jusqu’aux os <strong>et</strong> je voudrais avoir sur la face le calme soumis<br />
<strong>et</strong> sublime que Charlier lui prête, sous le glaive qui va frapper… <strong>et</strong> ne frappera pas. Je me sens aussi,<br />
jusqu’au cœur, dans la poitrine de l’Agneau offert pour le salut du monde… C’est magnifique, Charlier !<br />
magnifique ! Et ce que cela peut vous faire de bien ! J’ai écrit au crayon derrière l’Isaac <strong>et</strong> l’Agneau ce<br />
mot de Simone Weil : “Un innocent qui souffre répand sur le mal la lumière du salut.” Et je médite làdessus<br />
quand j’ai la corde au cou. » C’est la preuve par les faits que chez les esprits tournés à la<br />
compréhension du langage plastique, les œuvres de Charlier ne parlent pas seulement des dogmes<br />
théologiques à l’intelligence, elles touchent le cœur, <strong>et</strong> ne serait-ce point là une des missions urgentes de<br />
l’art en notre temps ?<br />
Durant la période qui suivit la fin de la deuxième guerre, Henri Charlier écrivit beaucoup, sur un<br />
grand nombre de suj<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> là aussi nous pouvons dire qu’il parvint à la pleine maîtrise de sa puissante<br />
pensée. En 1944 déjà il avait tenté de faire publier son manuscrit entièrement achevé de L’art <strong>et</strong> la<br />
pensée à la Nouvelle Édition. Le contrat avec l’éditeur fut passé, mais en décembre une pénurie de<br />
papier consécutive à l’état de guerre empêcha la réalisation de ce proj<strong>et</strong>. Dix ans plus tard, il publia<br />
successivement plusieurs livres que nous analysons brièvement dans la page Écrits : une vie de Jean-<br />
Philippe Rameau, suivie d’une vie de François Couperin ; Le martyre de l’art, qui est la réponse de<br />
Charlier à la querelle de l’art sacré ; Le chant grégorien, écrit en collaboration avec son frère André.<br />
Enfin, vingt-huit ans après la première tentative d’édition, l’ouvrage majeur qui contient toute la pensée<br />
esthétique d’Henri Charlier put enfin paraître, comme le couronnement de son œuvre plastique <strong>et</strong> écrite :<br />
L’art <strong>et</strong> la pensée.<br />
Dans le même temps, Charlier était un collaborateur de premier ordre à la revue Itinéraires, qui avait<br />
été créée en 1956 par Jean Madiran en vue de la réforme intellectuelle <strong>et</strong> morale, « dans la perspective<br />
des idées d’Henri Charlier sur c<strong>et</strong>te réforme. » Une collection littéraire fut lancée à peu près au même<br />
moment que la revue, dont le premier volume fut une réédition de Culture, école, métier. Dans<br />
Itinéraires, Charlier écrivait des articles sur l’art, la politique, la vie sociale, <strong>et</strong> il tenait une chronique de<br />
spiritualité sous le pseudonyme de D. Minimus. Il serait hors d’œuvre ici d’étudier en détail c<strong>et</strong>te longue<br />
liste d’articles. Nous r<strong>et</strong>iendrons seulement les lignes qui ouvrent le premier article d’Henri Charlier<br />
dans le numéro 1 de la revue, Le beau est une valeur morale indispensable à la société : « L’art n’est<br />
pas considéré avec beaucoup de sérieux dans la société contemporaine. Ce n’est pas très étonnant, car<br />
aujourd’hui l’économie a le pas sur les valeurs morales. L’économie libérale, ou bien le marxisme, le<br />
capitalisme ou le socialisme placent avant tout les forces économiques <strong>et</strong> leur demandent de donner la<br />
direction convenable à la société. Or, c’est l’homme qui devrait être la fin de toute évolution sociale, <strong>et</strong><br />
chaque transformation mécanique de la production devrait être précédée d’un examen sérieux de ses<br />
conséquences pour l’homme <strong>et</strong> de la situation morale qu’amènerait c<strong>et</strong>te transformation. » C<strong>et</strong>te entrée<br />
en matière de Charlier dans la nouvelle revue en création se voulait donc l’écho de l’enseignement du<br />
pape Pie XI dans son encyclique Redemptor hominis, repris ensuite par le Concile Vatican II : « La<br />
personne humaine est <strong>et</strong> doit être le principe, le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la fin de toutes les institutions sociales. » C’était<br />
une manière pour Charlier de marquer ses convictions sur c<strong>et</strong>te question si discutée des relations entre la<br />
53