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henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...

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jours. Enfin, Charlier menait sa vie de foyer comme tout le monde, il taillait ses vignes <strong>et</strong> son verger, <strong>et</strong><br />

faisait lui-même son cidre <strong>et</strong> son ratafia. Si bien que des journées aussi remplies s’achevaient parfois<br />

avec des migraines qu’il soignait en allant se m<strong>et</strong>tre au lit. Bernard Bouts a laissé une description<br />

savoureuse de Charlier souffrant « de maux de tête qui lui faisaient faire des grimaces. Quand il n’en<br />

pouvait réellement plus, il nous laissait nous débrouiller avec l’ouvrage <strong>et</strong> allait se coucher. Dans ce cas,<br />

nous évitions de le déranger, mais il était parfois nécessaire d’aller lui demander des directives au suj<strong>et</strong><br />

du travail. Je le trouvais au lit, enfoui sous un énorme édredon rouge, un bonn<strong>et</strong> de coton pointu sur la<br />

tête, qui lisait. Que lisait-il ? Toujours, invariablement, la Somme de saint Thomas. C’est sûrement un<br />

bon remède contre la migraine ! Je lui disais : Mon cher Patron, sauf votre respect, vous me faites<br />

irrésistiblement penser à Don Quichotte. Il riait aux éclats. Tout de suite, il se sentait mieux. » Et en se<br />

soignant ainsi avec la Somme comme médicament, il avait regagné en sagesse théologique son temps de<br />

travail perdu pour l’atelier.<br />

C<strong>et</strong>te activité artistique, encore à ses débuts, fut récompensée par la Société Académique de l’Aube,<br />

qui admit Henri Charlier comme membre associé au mois de mars 1934, <strong>et</strong> l’invita à prendre séance le<br />

mois de mai suivant. Le 18 mai 1934, sous la présidence de M. Henri Surchamp, Henri Charlier fit donc<br />

à l’Hôtel de Ville de Troyes une communication orale sur La nature <strong>et</strong> les raisons de l’art. Dans le<br />

procès verbal de c<strong>et</strong>te séance, le Bull<strong>et</strong>in de la Société Académique de l’Aube donne un compte rendu de<br />

c<strong>et</strong>te communication, où nous relevons ces lignes : « M. Charlier a pris alors la parole pour exposer sa<br />

conception de l’art ; on ne peut donner ici qu’une analyse très imparfaite de c<strong>et</strong>te causerie d’un esprit<br />

très élevé, au moyen de quelques phrases essentielles r<strong>et</strong>enues au passage. L’art n’est pas une<br />

psychologie, mais une métaphysique, explique M. Charlier. L’inspiration est une communication de<br />

l’être, qui est l’origine d’un mouvement de l’âme. L’art est un moyen d’exprimer une idée de l’être. (…)<br />

Il y a des écoles de peinture qui sont le pendant des écoles philosophiques. (…) M. Charlier rappelle des<br />

souvenirs de son maître Rodin, un individualiste effréné, au fond très romantique, ayant peut-être<br />

manqué d’imagination. Or il faut de l’imagination car l’art est une création. Les grandes œuvres ne sont<br />

pas des poses vues, mais des poses conçues ; elles traduisent un mouvement de l’âme, une forme<br />

générale, <strong>et</strong> ensuite seulement elles s’attachent au concr<strong>et</strong>. (…) À la suite de c<strong>et</strong>te causerie très<br />

applaudie, un superbe album des œuvres de M. Charlier, intitulé Les tailles directes a circulé <strong>et</strong> a r<strong>et</strong>enu<br />

l’attention des membres de l’assemblée. (…) » Pour se faire une juste idée de la pensée de Charlier sur<br />

Rodin, telle qu’il l’exposa sans doute à la Société Académique, il faut replacer ce compte rendu dans<br />

l’ensemble de la préface de l’album Les tailles directes, que Charlier fit circuler dans l’assemblée. On y<br />

lira par exemple ceci : « Il y a en Rodin d’excellentes choses, de si excellentes choses qu’on n’en avait<br />

pas vu d’aussi bonnes depuis le XVI e siècle, depuis les nymphes de Jean Goujon. Il a r<strong>et</strong>rouvé le sens de<br />

l’expression plastique, c<strong>et</strong>te qualité de la forme sculptée qui fait qu’un fragment de pli ou de bras, qu’un<br />

morceau d’une bonne statue antique ou du Moyen Âge sont parfaitement beaux indépendamment de<br />

tout suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> de tout contexte. (…) Ce qui distingue sa forme de celle d’un Houdon, d’un Pug<strong>et</strong>, par<br />

exemple, c’est un certain mouvement, une certaine qualité qui fait qu’elle n’est plus seulement une<br />

quantité de matière ayant une densité, un poids, une épaisseur. (…) Les dessins de Rodin (les bons)<br />

sont, plus que sa sculpture même, une des grandes œuvres d’art de ce temps… Ils se trouvent voisins<br />

des dessins des vases grecs, des dessins égyptiens <strong>et</strong> ceux de notre Moyen Âge. » Et c’est pourquoi<br />

Charlier voyait dans l’art de Rodin « le chemin <strong>et</strong> comme l’origine d’un art chrétien… car toute beauté<br />

véritable est un refl<strong>et</strong> de celle de Dieu. » Quant à la distinction entre les poses vues <strong>et</strong> les poses conçues,<br />

relevée par le procès verbal, c’était une allusion de Charlier au fait que Rodin ne voulait dessiner qu’à<br />

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